INTERVENTION SUR LA MODERNISATION DE L’ELECTION PRESIDENTIELLE

2016-0145-016-CL

Corinne Bouchoux intervenait en séance publique lors de la discussion générale sur la proposition de loi organique et le proposition de loi modernisant les règles de l’élection présidentielle, le jeudi 18 février 2016.

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer la grande qualité des travaux préparatoires à l’examen de ces textes et souligner l’extrême disponibilité du rapporteur
Christophe Béchu,…

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme Corinne Bouchoux. … ainsi que son sens de la pédagogie. Dans le temps qui m’est imparti, je vais m’efforcer de vous faire part du point de vue sur ces propositions de loi de ce qui est encore le groupe écologiste…. Comme l’a souligné Mme Assassi, ces textes sont peut-être utiles, voire nécessaires, mais ils témoignent surtout de la crise actuelle de notre vie politique, dont deux symptômes sont l’abstention massive et le score chaque fois plus élevé du Front national aux différentes élections. Cette crise devrait nous conduire à mener une réflexion en profondeur sur
notre fonctionnement démocratique, les valeurs que nous portons et le sens que nous entendons donner au vivre-ensemble pour les vingt prochaines années. Pour l’heure, nous nous contentons de nous pencher sur des modalités techniques, mais, on le sait, le diable se niche parfois dans les détails !
Du débat apaisé que nous avons eu en commission, il ressort l’impression que la France connaît une crise de l’offre politique, avec des partis peinant tous à proposer une alternative pour répondre à la demande de citoyens qui soit ne votent pas, soit réclament une autre politique. À cet égard, je vous renvoie au succès du film Demain, qui montre qu’il existe encore des citoyens désireux de s’investir dans la vie publique, même s’ils ne votent pas. Or il nous semble que, sous couvert de préoccupations vertueuses de transparence et de modernisation, on cherche en réalité, de manière extrêmement habile, à limiter l’offre politique en restreignant, par petites touches, au travers de mesures n’ayant aucun lien entre elles, le pluralisme.

M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !

Mme Corinne Bouchoux. En matière de transparence, nous considérons par exemple qu’il faut publier tous les parrainages et, après réflexion, nous ne nous opposons pas à ce qu’on le fasse en temps réel. S’agissant des dépenses électorales, nous estimons que le débat, qui a été fort bien posé, sur une éventuelle réduction de un an à six mois de la période de comptabilisation soulève en réalité la question des modalités des primaires et du nouveau rôle que l’on entend leur faire jouer dans notre pays. Nous sommes extrêmement réservés sur la question des sondages, du fait des difficultés posées par un certain nombre d’entre eux. Concernant le rôle que l’on veut attribuer au CSA, nous nous interrogeons sur le risque d’un déplacement progressif des pouvoirs du Sénat et de l’Assemblée nationale vers un certain nombre d’institutions, dont le CSA, qui devient omniprésent dans notre pays. J’évoquerai enfin la question de l’accès aux médias. Si l’offre médiatique connaît à l’heure actuelle une diversification grâce à internet, jamais, pour autant, elle n’a connu une telle concentration et jamais ses liens avec certains milieux économiques n’ont été aussi étroits. Nous sommes donc face à ce paradoxe d’une diversification des supports masquant une réduction des lieux d’expression ouverts aux courants politiques minoritaires. Tels qu’ils sont rédigés, ces textes sont conçus pour les partis en place, pour les hommes et les femmes en place. Ils excluent l’émergence dans le débat public de nouvelles personnalités, porteuses d’idées différentes. En conséquence, même si M. Béchu a réussi à convaincre ma collègue Esther Benbassa du caractère progressiste de ces propositions de loi – je tiens à
saluer à nouveau ses talents pédagogiques (Sourires.) –,…

M. Roger Karoutchi. Ah !

Mme Corinne Bouchoux. … je ne pourrai les soutenir, bien que je partage les objectifs de transparence et de modernisation affichés.
Le groupe écologiste ne pourra pas voter ces textes, car nous estimons que la mise en œoeuvre de leur dispositif porterait atteinte à l’expression des minorités d’aujourd’hui ou de demain. (Applaudissements sur les travées du
groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

Crédit photo: Sénat 

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