INTERVENTION LORS DU DEBAT SUR LE RESPECT DES PRINCIPES DU CODE MONDIAL ANTIDOPAGE

2014 10 14 intervention dopage (C) Tsutomu Takasu

Intervention de Corinne Bouchoux le mardi 14 octobre 2014, concernant le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage. 

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de saluer les nouveaux venus dans cet hémicycle, notamment ceux que nous voyons pour la première fois.

Par ailleurs, qu’il me soit permis de souligner ce que d’autres rappelleront sans doute après moi et qui a été anticipé par M. le ministre : les parlementaires n’aiment pas se dessaisir d’une de leurs deux prérogatives… C’est humain ! Néanmoins, si la forme de ce texte laisse à désirer, le fond nous convient, et il y a urgence à agir.

Le dopage est une pratique qui n’est plus admissible. Le sport professionnel doit être clean, sans dopage ni dopés. Les progrès de la chimie et des techniques modernes permettent de mettre en place des systèmes de plus en plus inventifs et nocifs pour la santé, et ce dans tous les pays.

La France se félicite souvent – à tort ou à raison – d’être précurseur dans la lutte contre le dopage. Il nous semble important ici de souligner à quel point les pratiques de dopage sont également liées à des pratiques et des économies mafieuses, via un usage détourné des médicaments et de la prescription médicale.

Aujourd’hui, la France ne relâche pas ses efforts et met tout en œuvre pour harmoniser les pratiques de lutte et les sanctions et mieux riposter face au dopage. C’est bien, mais, monsieur le ministre, il faut que les actes suivent, tout comme les moyens, notamment budgétaires. Il ne faut pas non plus oublier la prévention, ce qui est beaucoup plus compliqué.

Les règles de droit doivent pouvoir constamment s’adapter aux nouvelles pratiques du dopage, tout en respectant notre État de droit, comme l’a fort bien rappelé Mme la présidente de la commission.

Un point essentiel a retenu notre attention aujourd’hui : la question de l’harmonisation.

Si nous nous félicitons de la volonté d’harmonisation dont témoigne ce texte, quelles que soient les entités de lutte contre le dopage – les moyens de lutte, l’harmonisation des sanctions, la meilleure circulation des informations, la question des preuves, celle des échantillons, etc. –, nous notons également que la coopération entre les pays est extrêmement importante pour agir. En effet, le dopage ne connaît pas de frontières et utilise des réseaux qui couvrent différents pays.

Comme l’a souligné M. le rapporteur à l’instant, l’action en amont, c’est-à-dire la prévention, constitue un véritable enjeu. Elle commence selon nous dès le plus jeune âge, à l’école, dans les pratiques des clubs ou dans celles de l’Union nationale du sport scolaire, l’UNSS.

La pratique du dopage, si elle doit sans aucun doute être combattue, doit également remettre en question le modèle économique et social dans lequel évoluent nos sportifs, qu’ils soient professionnels ou amateurs. C’est peut-être la zone grise de ce texte.

En effet, s’il est clair que le dopage est essentiellement pratiqué en milieu professionnel, hélas ! on ne peut nier son existence – moindre, mais réelle – dans le sport amateur. Là aussi, nous sommes tous soumis à des injonctions contradictoires, puisque nous sommes prompts à nous précipiter dans les stades pour assister à des événements sportifs. On peut donc se demander si notre attitude en tant que spectateurs n’est pas un encouragement à des pratiques de dopage.

Pour le dire autrement, l’industrialisation de l’économie du sport depuis quelques années, qui attend toujours plus, toujours plus loin, qui enchaîne à un rythme effréné les compétitions, est une cause non excusable, mais très importante du dopage : on attend toujours plus de chaque sportif, essentiellement pour des raisons financières. Se posent donc en creux la question des droits de télévision, celle des paris sportifs, etc.

Très paradoxalement, le sport, élément de santé publique, devient destructeur pour la santé des sportifs dopés, pour les proches et les encadrants qui, hélas ! sont parfois complices de ce dopage. S’ensuivent des addictions, des conséquences médicales désastreuses, des dépendances médicamenteuses, dans certains cas même des suicides, ainsi que le suggère l’excellent rapport qui a déjà été cité.

Le dopage n’est pas simplement le jeu de quelques personnes qui veulent augmenter leurs performances. Il est le résultat d’un système économique dans lequel nous sommes tous collectivement un peu responsables.

C’est d’ailleurs peut-être le maillon faible de ce texte. S’il reconnaît que le dopage est une pratique qui ruine les fondements effectifs et symboliques du sport, ce projet de loi ne parviendra peut-être pas à enrayer les pratiques mafieuses, dont l’économie souterraine est extrêmement développée et protégée et qu’il n’est peut-être pas si simple de dénoncer.

Tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il faut sortir du dopage que connaissent les sportifs de haut niveau. C’est pourtant peut-être un aboutissement de notre économie de la concurrence et de la compétitivité où, pour tenir, certains se dopent. Cela concerne, bien au-delà du sport, la vie économique, parfois la vie des spectacles, quelquefois même la vie tout court. C’est pourquoi nous espérons que ce texte permettra la mise en place d’armes plus efficaces pour lutter contre le dopage.

Par conséquent, même s’il partage les inquiétudes formulées par Mme la présidente de la commission et par M. le rapporteur, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte.

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