INTERVENTION LORS DU DEBAT SUR LA SITUATION FINANCIÈRE DES CONSEILS DEPARTEMENTAUX

2015 03 03 debat situation fin CD3

Intervention de Corinne Bouchoux lors du débat sur la situation financière des conseils départementaux face à l’évolution de leurs charges

Mme Corinne Bouchoux. Le débat de cet après-midi nous met face à la quadrature du cercle : certains orateurs l’ont déjà dit, les dépenses des départements vont augmenter de plus en plus pour des raisons notamment démographiques et économiques, et leurs recettes vont connaître une contraction drastique du fait de la lutte contre les déficits publics. Ainsi se pose la question du fonctionnement de nos conseils départementaux, en particulier de la marge qui leur restera pour les investissements indispensables au maintien d’un minimum d’activité au plan local.

Au préalable, je voudrais évoquer cette spécialité française – illustrée en son temps par la loi Pécresse – consistant à transférer des compétences de l’État vers une autre entité – en l’espèce, les universités – sans donner les moyens correspondants. Selon une analyse intellectuellement soutenable, les acteurs au plus proche du terrain devront faire les économies que Paris n’est pas parvenu à réaliser ! Or, depuis un certain nombre d’années, cette logique est constamment à l’œuvre, quelle que soit la sensibilité des gouvernements successifs…

Plusieurs collègues l’ont dit, nous assistons à un effet de ciseaux aux conséquences catastrophiques : hausse des dépenses et stabilité, voire baisse, des recettes. Comment alors nourrir un projet politique pour le conseil départemental ? Là est la question ! Nous parlons finances, budget et impôts, mais ce qui importe, c’est de savoir ce que l’on veut faire de nos territoires, quelle vision l’on en veut donner à nos concitoyens ! (M. André Reichardt acquiesce.)

À cet égard, traiter des masses budgétaires est indispensable – ce sera d’ailleurs précieux à tous les candidats qui vont regarder nos débats sur le site du Sénat. Mais quid des projets, de la gouvernance, qui sont les grands absents des discussions de cet après-midi ?

Comment tenter d’apporter des améliorations ? Les membres du groupe écologiste pensent que les évolutions encore en débat dans le cadre du projet de loi NOTRe auront un rôle tout à fait déterminant. Mais il faut mettre un terme au flou artistique : la compétence des routes relève un jour du département, le lendemain, de la région, puis elle revient au département… Cette instabilité est préoccupante.

Ma famille politique ne défendait pas le département avec ardeur. Dans la perspective de créer une synergie, elle souhaitait plutôt privilégier des métropoles dynamiques, des régions fortes et structurées, ainsi que l’échelon européen. Initialement, le département devait être dévitalisé, et voilà qu’il recouvre quelque énergie. Malheureusement, s’il conserve ses compétences, aucun espoir ne lui est laissé du point de vue financier. C’est inquiétant.

Quant à la remise à plat de la DGF, elle est sans cesse différée. Sauf erreur de ma part, les bases de 2005 s’appliquent encore aujourd’hui. Dès lors, comment se projeter sans visibilité à une échéance de cinq ans ?

Je voudrais aussi aborder la question des ayants droit et des bénéficiaires. Aux termes du rapport extrêmement remarqué traitant notamment des différents motifs de la pauvreté remis par Aline Archimbaud, 50 % des personnes en situation de pauvreté n’utilisent pas les droits auxquels elles peuvent prétendre pour diverses raisons, comme l’ignorance de leur existence.

Si, comme on s’y est engagé, l’information des publics les plus pauvres et les plus précaires quant à leurs droits est améliorée, nous assisterons à un ressaut du nombre de bénéficiaires de toutes les allocations déjà citées : allocation personnalisée d’autonomie, revenu de solidarité active et prestation de compensation du handicap.

Quoi qu’il en soit, pour les écologistes, il faut poser la question de la gouvernance, car celle des masses budgétaires – on a raison de regretter la baisse des dotations qui posera problème – ne peut être abordée isolément. Comment réfléchir à l’avenir au niveau de l’échelon départemental ? Comment éviter de reproduire les erreurs commises ? Je pense aux emprunts toxiques, ainsi qu’à un certain nombre de constructions pharaoniques, parfois contestables. Quel regard critique porter sur ce qui a été fait ? Sans doute faut-il désormais faire mieux ou autrement.

Dernière question particulièrement préoccupante, l’égalité entre les territoires. Le rapport de la Cour des comptes et les statistiques en témoignent, nous sommes dans une situation non seulement préoccupante, presque dramatique, mais aussi extrêmement inégalitaire. Tout change selon la distance qui sépare un territoire d’une métropole, le contexte géographique ou les données climatiques, notamment en montagne.

Pour tout dire, il nous semble extrêmement important d’arrêter définitivement les compétences des conseils départementaux de la façon la plus précise possible. On pourra ainsi envisager autrement la gouvernance, l’exercice des responsabilités, le choix des investissements et, point sans doute le plus crucial, la gestion des personnels.

Vous le savez, les personnels des conseils généraux sont extrêmement inquiets. La situation que nous leur imposons est source de stress. Alors même qu’ils sont au contact des plus démunis et des plus faibles, nous ne leur donnons ni avenir ni perspective.

Bruno Sido. C’est vrai !

 Mme Corinne Bouchoux. Pour toutes ces raisons, nous espérons, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez répondre à nos inquiétudes et, surtout, nous dire quand interviendra une véritable réforme de la DGF, qui permettrait aux conseils départementaux d’avoir une vision stabilisée. Si nous nous réjouissons de l’instauration du ticket qui permettra – c’est au moins la vertu de cette élection – d’avoir plus de femmes au sein des exécutifs des conseils départementaux, nous ne pouvons toutefois que relever cette évidence : la France est l’unique pays au monde où des candidats, qui seront élus dans trois semaines, ne savent que dire à leurs électeurs ! Nous devons nous contenter de : « votez pour moi, j’ai de beaux projets et de bonnes idées, mais je ne sais pas exactement ce que je ferai pour vous.

Antoine Lefèvre. C’est un scandale !

 Mme Corinne Bouchoux. Face à une situation aussi compliquée, nous souhaitons bénéficier, monsieur le secrétaire d’État, de votre éclairage. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP.)

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