« Il faut refonder l’école et faire en sorte de ne laisser aucun enfant de côté »

Intervention de Corinne Bouchoux lors de la discussion générale au Sénat concernant la proposition de Loi sur l’absentéisme scolaire du 25 octobre 2012

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M. le Président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’inconvénient d’intervenir en quatrième position, surtout sur un texte aussi clair et limpide que celui que nous examinons aujourd’hui, est que toutes les paroles sensées, brillantes et intelligentes ont déjà été prononcées.

Je suis donc vouée à répéter ce qui a été dit avant moi, au risque, soit de ne pas retenir l’attention de mes collègues, soit de les ennuyer. Je tenterai néanmoins d’échapper à ces deux écueils.

J’essayerai de montrer en deux points pourquoi la loi Ciotti est une mauvaise solution à un vrai problème et comment la lutte contre l’absentéisme relève d’un dispositif beaucoup plus complexe et beaucoup plus solide que celui que cette loi prévoyait.

Mes collègues l’ont souligné, l’absentéisme est un phénomène grave, qui met en danger l’élève. Je rappellerai toutefois que l’absentéisme a malheureusement toujours existé. Simplement, jadis, on orientait l’élève, lequel, passif, était poussé vers une formation qui lui convenait ou non. Si l’orientation ne lui convenait pas, il quittait l’école, mais il entrait alors dans le monde du travail et il trouvait un emploi. L’absentéisme, alors, n’était pas forcément l’exclusion à vie ; il aboutissait simplement à une insertion rapide dans la vie active.

Aujourd’hui, avec le chômage que nous connaissons, l’absentéisme est une perte de chances massive pour le jeune qui, quels que soient son milieu social et la taille de sa fratrie, lui fait courir le risque de ne pas réussir à s’insérer dans la société.

M. Jacques Legendre. C’est vrai !

Mme Corinne Bouchoux. L’absentéisme a donc changé de nature et ses conséquences sont devenues beaucoup plus dramatiques.

Je comprends que les gouvernements précédents aient eu le souci de trouver des solutions, car les familles sont beaucoup plus angoissées qu’autrefois par l’absentéisme scolaire. Il faut dire que l’enjeu est majeur.

Nous le savons tous, si le gouvernement Raffarin a supprimé un dispositif qui ne fonctionnait pas correctement, était coûteux et ne constituait pas une bonne réponse, son rétablissement par une loi simpliste, voire – excusez-moi de le dire – simplette, s’inscrivait tout simplement dans une logique d’affichage, même si le but poursuivi était louable. Quoi qu’il en soit, en aucune façon, la loi Ciotti n’était en mesure d’apporter une réponse efficace à la grave question de l’absentéisme. Tous les éducateurs de ce pays, qu’ils soient de gauche, de droite, écologistes, savent que ce texte n’était pas une bonne solution, et ce pour une raison assez simple d’ailleurs : l’absentéisme est multifactoriel. J’irai même plus loin : il y a autant de causes à l’absentéisme qu’il y a d’enfants absents des classes ! C’est là toute la difficulté.

Force est de constater – et le législateur doit faire preuve d’humilité en l’occurrence – qu’une loi ne peut traiter à elle seule autant de problèmes.

Il faut refonder l’école et faire en sorte de ne laisser aucun enfant de côté. Comment une loi simple, qui en outre ne concernerait qu’une partie des absentéistes, qui n’aurait d’impact que sur les finances des familles et, par-là, rendrait encore plus difficile la situation des plus démunies, comment une loi de ce type pourrait-elle être efficace ? Lorsque nous abordions le sujet dans les écoles, les collèges et les lycées, chacun convenait, toutes tendances politiques confondues, qu’une réponse simple et d’affichage ne pouvait pas permettre de traiter un problème de société aussi important.

Nous, écologistes, attendons énormément du rapport de la concertation Refondons l’école de la République. Nous pensons qu’il pose le vrai diagnostic et les vraies questions. Si la future loi est une loi généreuse, ce que nous souhaitons, si elle vise le bien-être à l’école et qu’elle prévoit de modifier, même si c’est difficile compte tenu de la très forte contrainte budgétaire, les rythmes de travail, de facto l’absentéisme devrait diminuer. En fait, cela a déjà été dit, l’absentéisme est le symptôme du mal-être à l’école. Or ce mal-être a mille et une causes.

Dès lors, il faut davantage prendre en compte les rythmes des enfants ; c’est vrai au primaire, mais c’est vrai également au collège. Il serait bon d’ouvrir ce difficile chantier, qui pourrait se dérouler sur une longue durée.

M. le rapporteur a évoqué une question que nous ne devons pas occulter, celle de la violence à l’école. Certes, il y a de la violence à l’école ; mais l’école elle-même est violente, car le cursus scolaire est un système qui exclut. Ce point doit être pris en compte. La commission de la culture a auditionné des personnes qui travaillent sur la gestion non violente des conflits, et les écologistes croient énormément en une approche de ce genre à l’école, en une gestion non violente des conflits entre tous les acteurs, les petits comme les grands. Nous croyons à la refondation de l’école et à l’instauration d’un dialogue serein.

Évidemment, la question du salaire des enseignants doit également être abordée. On nous parle souvent de l’Allemagne. Voyez quel est le salaire des enseignants outre-Rhin ! Comment voulez-vous que les enseignants français ne se sentent pas humiliés ? Cette question est très importante, d’autant qu’elle recouvre celle de la considération.

En ce qui concerne les rythmes scolaires, je le dis solennellement, les écologistes seraient extrêmement déçus, tout comme les parents et nombre d’enseignants, s’il ne ressortait de l’idée généreuse et ambitieuse qu’est la refondation de l’école que des ajustements à la marge, quelques quarts d’heure par-ci, quelques quarts d’heure par-là.

Je le dis à tous mes amis issus du monde de l’enseignement : la réforme qui va se faire jour est importante. Nous devons en prendre la mesure et tâcher tous d’œuvrer pour le bien commun, pour changer l’école, pour qu’elle devienne une école du bien-être et non une école de l’exclusion. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

 

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