débat sur les violences sexuelles faites aux femmes du fait des conflits armés

Non a la violence contre les femmes DR

Intervention de Corinne Bouchoux lors du débat du 5 février 2014 sur les violences sexuelles faites aux femmes du fait des conflits armés et l’application par la France de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations unies

Monsieur le président, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la ministre, à cette heure, l’essentiel a été dit. Au cours des quelques minutes qui me sont imparties, je vais me permettre d’évoquer quelques éléments qui, je l’espère, seront utiles.

Alors qu’ont été évoqués l’ONU, les constats dressés et les recommandations faites, pour ma part, je vais vous parler du terrain et d’un cas concret.

Je ne vous donnerai pas, à dessein, le nom de la femme en cause. Mme G.A.A, soudanaise, originaire du Darfour et de la tribu des Zaghawa, a eu un parcours épouvantable : elle a été violentée, agressée. Elle s’est réfugiée en France, où, à deux reprises, vraisemblablement pour de légitimes raisons, le droit d’asile lui a été refusé.

À son arrivée en Maine-et-Loire, elle a vécu dans la rue. Puis elle a été « recueillie » par un homme qui l’a violée. Elle a accouché dans des conditions dramatiques d’un enfant mort-né.

Elle a poursuivi son parcours en Maine-et-Loire et a bénéficié de solidarités de toutes sortes, confessionnelles, non confessionnelles, associatives…

De nouveau enceinte, à la veille de Noël, elle a été menacée d’être mise à la rue. Grâce à une mobilisation in extremis de nombreux parlementaires représentant toutes les sensibilités, ainsi que de l’évêque, elle a pu échapper à cette menace. On nous a dit que cette mesure, prise à la veille des fêtes de Noël, était d’ordre compassionnel mais précaire.

À chaque instant, cette femme, qui a subi ce dont nous venons de parler dans cet hémicycle – ce n’est pas abstrait, elle vit en France ! – est menacée d’être mise à la rue, alors qu’elle est enceinte, se trouve dans une situation précaire et n’a plus rien. Mais pour aller où ?

Je me réjouis de l’organisation de ce débat et de la qualité des travaux préparatoires. Force est de le constater, il existe un lien entre ce débat et des personnes qui sont présentes sur notre territoire. Que vais-je dire vendredi aux familles qui soutiennent cette femme ? Elles m’ont informée qu’on lui avait proposé d’appeler le 115…

Indépendamment de nos bonnes intentions et de notre action en termes de politique étrangère, n’oublions pas les réalités ! Si le présent débat ne servait qu’à sauver cette personne, j’en serais ravie !

Par ailleurs, il est indispensable de mettre en place de nouvelles pratiques et formations à destination des militaires et des personnes qui prennent en charge ces victimes. À cet égard, plusieurs de mes collègues, siégeant sur les différentes travées de cet hémicycle, l’ont souligné, on a souvent préconisé d’accorder une attention très particulière lors de ces formations à la notion de genre.

Il n’aura échappé à personne que depuis une dizaine de jours, tout ce qui a trait, de près ou de loin, à la prise en compte du genre dans les relations sociales est mis à mal, soit par incompréhension, soit par hystérie.

Or il est évident que l’on ne peut pas s’attaquer aux violences sexuelles faites aux femmes si l’on fait abstraction de la question du genre.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous délivrer un message rassurant sur ce point, notamment à l’égard des propositions formulées par un certain nombre de collègues ? C’est extrêmement important.

Cela étant, nous ne sommes pas à l’abri des contradictions. Nous sommes tous très heureux de posséder un téléphone portable, auquel nous sommes cramponnés, notamment dans cette Haute Assemblée, parce que cet appareil est indispensable à notre vie quotidienne. Or, nous le savons, dans la composition de ces téléphones sont inclus un certain nombre de matériaux rares, dont le coltan, qui sont actuellement l’enjeu de guerres économiques. Celles-ci sont différentes, bien sûr, de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre en ex-Yougoslavie au cours de laquelle une purification ethnique a eu lieu et le viol était une arme de guerre. Quoi qu’il en soit, les femmes sont les premières victimes, les premières exposées ; elles sont utilisées comme otages ou subissent des viols. Que pouvons-nous faire ?

Enfin, la France n’est pas non plus à l’abri de ses propres contradictions – je vais tâcher d’exposer ce point très paisiblement et très pacifiquement, car c’est l’ancienne militante dans des ONG qui parle.

Notre complexe militaro-industriel est extrêmement innovant et puissant. Or la fabrication d’armes contribue certes au maintien de la paix, mais parfois aussi à la guerre, laquelle entraîne des viols, qui font partie des stratégies que nous combattons tous ! J’en conviens néanmoins, le développement de notre industrie de l’armement crée des emplois, et c’est effectivement important.

Mais comment avoir une politique étrangère cohérente, prendre en compte les intérêts de l’industrie de l’armement et, en même temps, militer sur la scène internationale en faveur des femmes victimes de viol ? Nous sommes politiquement et intellectuellement face à des considérations contraires, extrêmement difficiles à concilier.

En cet instant, je veux remercier Mme la présidente de la délégation du travail très complet effectué du point de vue tant historique qu’anthropologique, lequel nous a mis face à une réalité implacable et à nos propres contradictions. Si la majorité des victimes se trouve sur le continent africain, un certain nombre d’entre elles est en France, ici et maintenant.

En conclusion, pour toutes ces femmes qui, de façon avérée, ont été victimes de ces violences de guerre, je demande non seulement une action diplomatique au plan international, mais aussi, sur le terrain, une forme de solidarité et je souhaite particulièrement que la femme dont j’ai parlé ne se retrouve pas à la rue dans une semaine, contrairement à ce qui m’a été assuré. (Applaudissements.)

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