Débat sur le rapport annuel du contrôle de l’application des lois

Mme Corinne Bouchoux. Tout le monde est content ce soir : M. le ministre de ses statistiques, le Sénat de sa nouvelle commission et du fait que David Assouline en soit le président.

Je ne gaspillerai pas mon modeste temps de parole en faisant de l’autosatisfaction ou en décernant des bons points. Je préfère parler de ce qui nous dérange.

Tout d’abord, s’il est vrai que les chiffres sont bons, ils le sont depuis un an seulement ; on rattrape le retard. La cadence a été accélérée au cours de la dernière année, si les chiffres ont une importance !

Ensuite, s’agissant de la qualité de la loi, je citerai simplement l’exemple de la loi pénitentiaire, déjà évoqué par le président Sueur : on essaie actuellement de nous faire adopter in extremis une loi de programmation pour les cinq années à venir, alors que les textes adoptés en 2009 ne sont toujours pas appliqués ! Allez comprendre…

Hormis cet effet d’optique et tout à fait encourageant, dont nous pouvons nous réjouir, vous permettrez aux sénatrices et sénateurs écologistes de s’inquiéter plutôt de l’esprit de certaines lois que de la rapidité de leur mise en œuvre. Sur plusieurs points, il nous semble que l’affichage politique a primé sur l’amélioration du droit en vigueur, qui devrait pourtant constituer notre principale priorité.

On peut ainsi songer, par exemple, au discours sur la maîtrise de l’immigration, qui tend en permanence à présenter les immigrés comme un fléau, ou tout au moins comme un problème, sans jamais évoquer les apports réels et le rôle positif de l’immigration pour la France. Je ne reviendrai pas ici sur la petite phrase, très maladroite, de Claude Guéant, qui a embarrassé jusque dans son propre camp !

MM. Éric Doligé et Alain Dufaut. Mais non !

Mme Corinne Bouchoux. Quid, par ailleurs, des nombreuses lois adoptées relatives à la récidive ou à la procédure pénale, et qui, comme l’a rappelé le président Sueur, ne sont toujours pas appliquées. Je pense notamment à toutes les mesures préconisées par le sénateur Lecerf pour améliorer la qualité de vie des détenus. À cet égard, beaucoup reste à faire ! Nous aurions donc aimé que le chiffrage soit aussi bon dans ce domaine que dans d’autres.

Enfin, avant de conclure, je voudrais évoquer ce qui constitue un serpent de mer dont on parle bien souvent : les textes déposés, chaque année, par M. le député Jean-Luc Warsmann, et que d’aucuns peuvent trouver plaisants. Il convient toutefois de signaler que, sur les 43 mesures adoptées en mai 2011, seules 7 ont été appliquées. Quel est le sens de tous ces textes ?

En tant que membre de la commission des lois, je vous demande également de réfléchir à la qualité des lois, plutôt qu’à leur nombre. Comme cela a été dit, seulement 46 % des lois sont appliquées, et il ne s’agit pas forcément, selon nous, des plus favorables à nos concitoyens.

Qu’en est-il, en outre, de la suite des textes relatifs aux collectivités territoriales, auxquels Jean-Pierre Sueur a fait une allusion malicieuse ?

Pour conclure, j’aborderai un sujet qui nous tient particulièrement à cœur : l’écologie.

Qu’il s’agisse du problème des gaz de schiste, dont il sera question plus longuement ce soir, ou des Grenelle I et II, nous constatons que, pour le Gouvernement, « l’environnement, ça commence à bien faire », comme l’a dit quelqu’un dont je ne citerai pas le nom.

Comme nous accordons, au contraire, beaucoup d’importance à l’écologie, nous souhaiterions que votre culte du chiffre soit aussi performant dans le domaine de l’environnement que dans tous ceux précités. S’agissant ainsi du Grenelle de juillet 2010, pour lequel existait une urgence et qui faisait l’objet d’un large consensus, nous n’en sommes pour le moment qu’à 45 % d’application.

Enfin, un seul rapport sur les douze qui ont été demandés a été transmis par le Gouvernement, semble-t-il. À l’évidence, il reste du travail à accomplir !

En ce qui concerne la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux, nous attendons encore et toujours un texte d’application et ses suites.

Pour le dire autrement, les sénateurs et sénatrices écologistes souhaiteraient qu’il soit fait un effort pour renforcer les droits des parlementaires dans un certain nombre de domaines. J’évoquerai simplement deux points.

Tout d’abord, selon nous, la procédure accélérée devrait redevenir tout à fait exceptionnelle – elle devrait être une façon très rare de faire de la politique –, pour nous laisser à tous le temps de la réflexion et d’un travail posé, dans des délais plus raisonnables.

Ensuite, même si nous ne méconnaissons pas, bien au contraire, les contraintes s’exerçant sur les finances publiques, il nous semble opportun de remettre à plat le dispositif de l’article 40 de la Constitution. Cette procédure a été utilisée plusieurs fois, dans des circonstances qui nous paraissent tout à fait discutables. Chaque fois que nous proposons une mesure, on invoque l’article 40 ! Nous ne pouvons donc qu’adopter des lois mémorielles, dont l’utilité a pourtant été débattue ici même récemment…

Pour l’exprimer différemment, nous aimerions qu’à la politique du chiffre succède une politique de la qualité, afin de permettre une meilleure application de la loi pour tous les citoyens et toutes les citoyennes, pour les prisonniers, pour les immigrés. Bref, nous voulons une loi qualitative et non quantitative. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste.)

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