« Comment promouvoir une aide publique au développement où la place des femmes serait reconnue ? »

Intervention Pascal Canfin  (c) Corinne Bouchoux

Séance du  21 février 2013, Débat sur le développement dans les relations Nord-Sud

 

Intervention de Corinne Bouchoux

Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais remercier très chaleureusement les sénatrices et sénateurs qui ont pris de leur précieux temps pour être dans l’hémicycle aujourd’hui. J’ai comme l’impression que l’affluence en séance publique est inversement proportionnelle à l’enjeu du développement dans les relations Nord-Sud.

 

M. Yann Gaillard. C’est vrai.

 

Mme Corinne Bouchoux. Je tiens aussi à vous dire – ce n’est pas un hors-sujet, même si nous en débattrons à un autre moment – que, peut-être, malgré tout, la question du cumul des mandats explique en partie l’absence de nombre de nos collègues, qui sont repartis vers leurs territoires, pour certains éloignés.

 

M. Henri de Raincourt. Cela n’a rien à voir ! Je cumule et je suis bien là !

 

M. Aymeri de Montesquiou. Moi aussi !

 

M. Christian Cambon. Moi aussi !

 

Mme Corinne Bouchoux. Je remercie donc aussi les cumulards de leur présence. C’est très aimable à vous ! (Sourires.)

 

M. Robert Hue. S’ils se mettent à voter, vous êtes battue !

 

Mme Corinne Bouchoux. Nous sommes malheureusement assez peu nombreux, alors que le sujet est d’importance. Je pense aux étudiants et lycéens présents dans les tribunes, qui sont cinq fois plus nombreux que nous… Ils viennent voir à quoi ressemble une semaine de contrôle parlementaire et à quoi sert le Parlement. Nous allons essayer de leur montrer quelles questions nous nous posons dans notre diversité, parfois avec nos oppositions.

 

Monsieur le ministre, vous avez reçu, en janvier dernier, les recommandations de l’évaluation de la stratégie française « Genre et développement », réalisée par Mmes Danièle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, et Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

 

Il ne vous aura pas échappé que cette évaluation souligne le nécessaire renforcement de la prise en compte du genre dans les politiques françaises de développement. Dans les différentes pistes de travail, cette notion est mentionnée. (Brouhaha sur les travées de l’UMP.) Chers collègues, j’entends que le concept de genre plaît toujours beaucoup, dans cette maison…

 

L’évaluation a posé comme des priorités l’égal accès des femmes et des hommes aux politiques d’aide au développement et la nécessité d’une attention accrue, notamment, aux jeunes filles, plus affectées par les précarités de tous ordres.

 

Selon nous, il s’agit non pas d’un signalement de pure forme ou d’un affichage cosmétique, mais de l’affirmation d’un impératif consistant à veiller à ce que la place des femmes, dans un souci d’égalité, soit bien prise en compte partout, dans toutes les formes de politiques d’aide au développement.

 

En général, cependant, la problématique du genre est mal comprise et mal perçue, chez nous et parfois là-bas. Il faut, à notre sens, adopter une vision systémique et lucide, qui analyse, ici et là-bas, les rapports de pouvoir entre les femmes et les hommes, entre les hommes et les femmes, parfois et souvent la domination masculine, et favorise aussi une meilleure implication des hommes dans la prise de décision ou dans certaines activités, notamment la sphère privée, où les inégalités sont, ici et là-bas, criantes.

 

Il est aussi nécessaire de prendre en compte le fait que les femmes sont, et doivent être, co-actrices du développement et co-actrices des politiques de développement, d’y voir un atout, une richesse, et non pas un gadget.

 

À ce niveau, nous nous heurtons à une première question, monsieur le ministre. Que sait-on, au sein du ministère des affaires étrangères, de ces questions de genre ? Que sait-on, à l’Agence française de développement, de cette problématique ? Et qu’en savent, selon vous, les ONG ? Celles-ci nous ont fait passer un certain nombre de messages.

 

Concrètement, quand on compare les budgets exécutés en matière d’actions de promotion de l’égalité depuis l’adoption du document d’orientation stratégique « genre », on parle, pour 2010, de 14 millions d’euros investis par l’Agence française de développement et de 4,8 millions d’euros dans le cadre du Fonds social de développement. On a donc l’impression, peut-être fausse, d’une ambition un peu floue ; notamment, les moyens annoncés à l’origine ne semblent pas être au rendez-vous.

 

Ensuite, vous le savez bien, l’évaluation de cette politique publique doit revenir sur la traçabilité budgétaire et le suivi analytique du genre dans l’aide française, qui reste, je le répète, trop modeste malgré vos efforts constants, monsieur le ministre.

 

À la veille du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, comme nous le savons tous ici, pouvez-vous nous repréciser vos priorités, monsieur le ministre, en termes de portage et de pilotage politique ? Comment comptez-vous mobiliser tous les acteurs et actrices, ici et là-bas ? Comment renforcer les capacités d’action de toutes et tous pour généraliser et intégrer transversalement cette approche du genre dans nos politiques de développement ? Comment affiner des indicateurs pour mieux mesurer la place et la part du genre dans notre aide au développement, et surtout dans l’efficience de notre politique publique ?

 

Enfin, et c’est bien plus délicat, j’en conviens, comment concilier la promotion de nos idéaux d’égalité entre les femmes et les hommes ici, dans l’aide au développement, alors que nous savons, comme l’a rappelé notre collègue Kalliopi Ango Ela, que nos histoires et nos normes sont parfois très différentes ? Il suffit de penser à des réalités extrêmement concrètes, comme la liberté de se vêtir : dans certains pays, nous le savons tous, les femmes ne peuvent pas, ou plus, porter de pantalon, sans parler d’autres signes vestimentaires qui seraient plus compliqués à évoquer ici, faute de temps.

 

Pour le dire autrement, comment promouvoir une aide publique au développement où la place des femmes serait reconnue, sans avoir l’air de donner des leçons ni de céder à une forme de ce paternalisme dont nous ne voulons plus ?

 

Pouvez-vous enfin nous dire, monsieur le ministre, quelles seront vos actions prioritaires dans les années qui viennent, parmi les quarante recommandations dont vous avez été le destinataire pour « entreprendre et soutenir des actions de promotion de l’égalité » ?

 

Enfin, question ni subsidiaire ni exotique à la veille du débat qui va nous occuper sur le droit du mariage pour tous : comment intégrer dans les politiques d’aide publique au développement la lutte contre l’homophobie et la lesbophobie, que nous souhaitons promouvoir, par la culture, l’éducation et la recherche – là encore, sans avoir l’air de donner des leçons ?

 

Pour finir, je remercie encore une fois nos collègues qui sont venus assister à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

 

Reponse de Pascal Canfin, Ministre du développement

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier l’ensemble des groupes politiques d’avoir participé à ce débat, avec une mention particulière pour le groupe écologiste, qui en a pris l’initiative.

 

La politique de développement est, certes, l’une des plus belles que l’on puisse mener. Nombre d’entre vous ont rappelé les chiffres qui attestent la dure réalité du monde : plus de 800 millions de personnes souffrent de malnutrition et 2 milliards vivent avec moins de 2 dollars par jour. Notre politique de développement vise précisément à essayer d’alléger cette grande pauvreté.

 

Ce débat a permis aux différents orateurs, pendant une heure et demie, d’aborder de manière assez complète diverses questions. Ne disposant pour ma part que d’un temps plus restreint, je vais tenter de répondre brièvement à quelques interrogations.

 

Le premier des enjeux qui ont été évoqués est d’ordre financier. Ce n’est pas très romantique, mais l’argent étant le nerf de la guerre, il faut bien en parler !

 

Certains intervenants ont soutenu que le budget affecté au développement avait diminué. Je ne peux que contester cette affirmation. En effet, l’effort financier que ce gouvernement a consacré au développement dans la loi de finances pour 2013 est parfaitement stable par rapport au budget antérieur si l’on prend en compte, comme l’impose la raison, l’affectation de 10 % de la taxe sur les transactions financières à ce poste. Si cette taxe est, pour des raisons techniques, dite « extrabudgétaire », c’est justement pour que son affectation soit fléchée sur le développement. En d’autres termes, le fait qu’elle ne soit pas, techniquement, intégrée au budget n’affecte nullement l’effort budgétaire véritablement fourni.

 

Sans doute d’autres pays font-ils mieux que nous, notamment la Grande-Bretagne, mais beaucoup font aussi moins bien : l’aide a diminué de 80 % en Espagne, de 25 % aux Pays-Bas, par exemple. C’est donc un choix volontariste du Gouvernement que de maintenir l’effort budgétaire accompli au service du développement.

 

Plusieurs d’entre vous ont parlé des financements innovants. Maintenant que la taxe française est en place, un grand débat est ouvert sur la taxe européenne, et notre pays est en pointe sur ce dossier. Ma responsabilité est de convaincre les autres gouvernements – les ministres chargés du développement, mais aussi les ministres des finances – d’affecter au développement une partie de la future taxe européenne sur les transactions financières.

 

Afin de vous donner une idée des chiffres qui sont en jeu, je citerai les 35 milliards d’euros mentionnés dans l’étude de la Commission européenne parue voilà une dizaine de jours sur une taxe à douze États membres, dans le cadre de la coopération renforcée. Si nous n’affections ne serait-ce que 10 % de ce montant au développement, nous pourrions presque doubler le fameux Fonds européen de développement.

 

Vous le constatez, les enjeux financiers sont extraordinairement importants. Ils vont faire l’objet d’une négociation déterminante cette année et constituent un élément clé de mon action.

 

Plusieurs parmi vous m’ont demandé d’apporter des précisions sur le Fonds européen de développement. Il est stabilisé en volume, et je crois pouvoir dire que nous n’y sommes pas pour rien. Ainsi, l’augmentation de la capacité d’engagement de ce fonds est à peu près équivalente à l’inflation anticipée ; cela signifie que, sur les sept prochaines années, nous allons sanctuariser la capacité d’aide publique au développement de l’Union européen dans les cent pays les plus pauvres au monde.

 

Lorsqu’on étudie les conclusions du débat budgétaire européen, on doit bien constater que le FED est, de fait, plutôt privilégié par rapport à d’autres politiques. Nous ne pouvons que nous en féliciter tous ensemble.

 

Cet après-midi, au-delà des enjeux financiers, d’autres grands sujets ont bien sûr été abordés, qui méritent effectivement, même s’ils ne sont pas nouveaux, de retenir l’attention.

 

En matière de pauvreté, des progrès ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire. Il existe une nouvelle équation du développement qui permet de prendre également en compte l’exigence d’un développement soutenable.

 

De ce point de vue, on peut mentionner de très nombreux sujets de tension : la ressource en eau, les ressources halieutiques, la biodiversité, etc. En cet instant, je me contenterai d’évoquer le climat, me référant au dernier rapport de la Banque mondiale, qui portait sur le changement climatique. La Banque mondiale emploie le mot « cataclysme » pour qualifier l’impact du changement climatique sur les pays les plus vulnérables, qui sont aussi les plus pauvres. Je ne suis pas sûr que cette institution utilise ce mot sur beaucoup de sujets…

 

Nous devons absolument être conscients de la convergence qui existe entre les politiques de développement et de développement soutenable, faute de quoi les 2 milliards d’habitants de la planète qui vivent avec moins de 2 dollars par jour ne pourront pas connaître quelque développement que ce soit en raison des conséquences du changement climatique qu’ils subiront.

 

Selon la Banque mondiale, tous les gains obtenus depuis une décennie en matière de lutte contre la mortalité infantile seraient annihilés par les sécheresses, par l’insécurité alimentaire et sanitaire liée aux chocs climatiques.

 

Cet important élément de réflexion doit orienter notre stratégie dans le domaine de l’aide publique. Nous avons d’ailleurs commencé à en tenir compte. Nous avons ainsi réorienté notre action en matière énergétique ; nous sommes en train de faire de même en matière alimentaire.

 

Le 1er mars, le Président de la République clôturera les Assises du développement et de la solidarité internationale et le discours qu’il prononcera à cette occasion lui permettra certainement de tracer de nouvelles perspectives. Cependant, une certaine prudence institutionnelle m’incitant à ne pas faire d’annonces avant lui, j’attendrai quelques jours avant de dérouler la nouvelle feuille de route relative au développement pour les quatre ans à venir, c’est-à-dire jusqu’à la fin du quinquennat. Aucun d’entre vous, j’imagine, ne songera à me le reprocher. (Sourires.)

 

La question de la légitimité de cette aide a également été soulevée. C’est bien parce qu’elle se doit d’être légitime qu’il faut qu’elle soit plus transparente et que l’on s’assure en permanence de son efficacité.

 

Le dernier sondage réalisé pour l’Agence française de développement sur l’opinion des Français quant à l’aide publique au développement fait apparaître que, pour 72 % d’entre eux, il faut soit maintenir, soit augmenter l’effort en faveur de la solidarité internationale. Et nous n’avions pas orienté la question en la formulant par exemple ainsi : « Tant d’enfants meurent encore de faim. Faut-il augmenter notre effort de solidarité ? » Nous avions même posé la question en sens inverse : « Dans un contexte budgétaire contraint, faut-il maintenir, baisser ou augmenter l’aide publique au développement ? » Eh bien, malgré cette formulation, je le répète, 72 % des Français répondent qu’il faut la maintenir ou l’augmenter.

 

Par conséquent, quels que soient les efforts qu’il reste à réaliser en matière de transparence et d’efficacité – ce à quoi je m’emploie –, nous bénéficions d’un soutien dans la société. C’est important, car il s’agit d’une des politiques qui permettent de tirer la mondialisation vers le haut, d’affirmer l’interdépendance entre les États et de donner l’image d’une société française ouverte sur le monde et non pas repliée sur elle-même.

 

J’en viens aux questions de genre qui, sachez-le, constituent l’une de mes priorités. Si une évaluation de la stratégie « genre » a été dressée, c’est parce que quelqu’un l’a demandé : mon prédécesseur, M. de Raincourt, que je tiens à saluer. Cette démarche nous permettra de faire un pas supplémentaire dans les prochains mois. Après l’évaluation rendue publique en janvier, nous en sommes donc à la construction d’une nouvelle stratégie renforcée qui, elle, sera dévoilée au mois de juin.

 

J’ai rencontré des militants de la cause LGBTI – lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués. La France est un des rares pays au monde à avoir mis en place, en faveur de la défense des droits des personnes intéressées, un fonds LGBTI, que j’ai relancé et renforcé, y compris sur le plan budgétaire.

 

Les militants que j’ai rencontrés venaient aussi bien d’Afrique noire, de Chine que d’Amérique latine. Partout dans le monde, ils sont reconnaissants à la France de l’effort que nous faisons pour promouvoir la lutte contre toutes les formes de discrimination.

 

Vous avez également évoqué à plusieurs reprises la question des nouvelles relations économiques et du pillage. Monsieur Robert Hue, je retiens l’expression de « triple pillage : fiscal, minier et des terres » : si vous n’exigez pas des droits d’auteur, je la reprendrai volontiers à mon compte dans mes prochains discours ! (Sourires.)

 

Qu’avons-nous fait concernant la fiscalité ? L’aide publique au développement représente 10 % de la totalité des flux financiers qui remontent du Sud vers le Nord et qui passent en partie par les paradis fiscaux. La France est le premier pays au monde à avoir soutenu des initiatives à cet égard.

 

Par exemple, en partenariat avec la Norvège, nous finançons le projet lancé par l’OCDE d’« inspecteurs des impôts sans frontières » ; je ne sais pas si cette appellation perdurera jusqu’au bout. Quoi qu’il en soit, l’objectif est précisément de mettre les compétences d’inspecteurs des impôts, soit actifs, soit retraités, en provenance des pays du Nord, au service des administrations fiscales des pays du Sud pour des cas concrets de montage fiscal opaque à l’origine de l’évasion de recettes fiscales que les États ne peuvent donc pas utiliser pour mener des politiques publiques en matière de santé ou d’éducation. Ce n’est qu’un exemple, mais je pourrais en citer d’autres qui témoignent de l’importance que nous accordons à ce sujet.

 

S’agissant des terres, nous sommes tout à fait conscients de l’importance qu’il y a à lutter contre leur accaparement. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à l’Agence française de développement – ce sera aussi valable pour sa filiale PROPARCO, qui traite les projets d’investissements privés – de n’accorder aucun prêt dans le domaine agricole pour des investissements qui ne respecteraient pas les principes de la FAO sur lesquels la communauté internationale s’est mise d’accord voilà quelques mois.

 

Il ne peut y avoir, d’un côté, une diplomatie française qui, quelle que soit la couleur du gouvernement, lutte contre l’accaparement des terres et, de l’autre, un outil public, l’AFD et sa filiale PROPARCO, qui ferait le contraire !

 

M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !

 

M. Pascal Canfin, ministre délégué. J’ai donc demandé très clairement à cette agence et à sa filiale de mettre fin à tout investissement qui ne présenterait pas toutes les garanties en la matière.

 

M. Yvon Collin. Très bien !

 

M. Pascal Canfin, ministre délégué. Enfin, s’agissant des mines, là encore, nous sommes plutôt leaders puisque la France est le premier État au monde à avoir donné son accord et un financement à un fonds nouveau de la Banque mondiale pour l’Afrique.

 

Ce fonds permettra aux États concernés d’acheter en quelque sorte des journées de fiscalistes, d’avocats, de consultants, pour négocier d’égal à égal avec les sociétés multinationales qui veulent exploiter – et cela n’est pas illégitime – leurs ressources minières.

 

Il permettra également de renforcer l’équité des contrats, donc d’abonder les royalties et les impôts qui seront payés par ces entreprises à ces États, tout en améliorant la transparence de l’utilisation de ces ressources. En effet, pour bénéficier d’un tel dispositif, la condition sera bien évidemment d’avoir une gestion transparente des ressources en question.

 

Voilà autant d’exemples concrets qui, je l’espère, vous convainquent que ces neuf premiers mois d’action au service du développement n’ont pas été inutiles.

 

Je souhaite à présent dire quelques mots sur la problématique de la mobilité et des migrations.

 

Demain, auront lieu les deux dernières tables rondes des Assises du développement et de la solidarité internationale. L’une d’elle s’intitule justement « migration et développement ».

 

Le précédent gouvernement avait établi un lien entre développement et émigration, et une partie du budget du développement avait été transférée au ministère de l’intérieur, de manière que l’aide soit versée en contrepartie, en quelque sorte, de la signature d’accords de gestion concertée des flux migratoires.

 

Nous avons délié les politiques migratoires des politiques de développement – c’est l’une des toutes premières décisions que nous avons prises –, de façon à donner à chacune d’elles sa rationalité propre. Par conséquent, les budgets et les équipes qui étaient partis du Quai d’Orsay vers le ministère de l’intérieur sont revenus au ministère du développement, afin que soient désormais menées des politiques de développement indépendamment des politiques migratoires.

 

Cela montre que le développement peut être un élément de la mobilité internationale et que les migrations n’équivalent pas à la mobilité, laquelle amène une personne à partir de son pays, puis à y revenir, avant de repartir ailleurs. L’immense majorité des migrants sont en fait des personnes mobiles. Il est important d’affirmer cette valeur de la mobilité internationale non comme une source de problèmes, mais, au contraire, comme une richesse pour notre pays et pour la communauté internationale.

 

J’en viens à la question des collectivités territoriales et surtout à leur action. Bien entendu, je ferai dans cette enceinte un point particulier sur ce sujet, car, cela ne nous a pas échappé, l’aide sous forme de coopération décentralisée est l’un des leviers intéressants, efficaces, près des populations et tournés vers les services de base.

 

Le rapport d’André Laignel faisait suite à d’autres rapports, dont certains étaient issus de votre assemblée. Avec Laurent Fabius, nous avons d’ores et déjà pris un certain nombre de décisions, parmi lesquelles le renforcement de ce que nous appelons les « réseaux régionaux multi-acteurs », c’est-à-dire les coordinations régionales. Aujourd’hui, neuf ou dix régions sont concernées, mais il n’y a pas de raison pour que cela ne soit pas étendu aux vingt-deux régions.

 

Bien sûr, il n’est pas question que les actions de coopération décentralisée soient coordonnées par une collectivité qui en chapeauterait d’autres : Dieu me préserve se songer à une telle configuration ! (Sourires.) En revanche, il faut coordonner les actions pour en améliorer l’efficacité grâce à un travail en synergie.

 

Nous avons également pris, avec Laurent Fabius, l’engagement de travailler sur la politique des visas, sujet toujours complexe. Nombre d’élus locaux nous sollicitent en nous expliquant qu’ils organisent un événement ou une manifestation impliquant la présence de partenaires étrangers, mais qu’ils ne savent toujours pas, vingt-quatre heures avant la date prévue, si ces derniers pourront venir !

 

Pour simplifier les procédures et éviter que des partenaires du Sud, identifiés par les collectivités locales, ne puissent en aucun cas se rendre en France pour des questions de visa, nous avons pris l’engagement d’infléchir les règles en travaillant sur une sorte de label spécifique pour les événements organisés par une collectivité locale dans le cadre d’une coopération décentralisée.

 

Ces propositions et d’autres sur les collectivités locales prendront corps très rapidement, dans quelques semaines je crois, dans le cadre du projet de loi de Marylise Lebranchu sur la décentralisation. J’aurai donc le plaisir de commenter ces propositions lorsqu’elles seront rendues publiques.

 

Pour conclure, je ferai un point sur le Mali.

 

J’étais à Bamako lundi et mardi pour la reprise opérationnelle de l’aide. L’Agence française de développement avait partiellement arrêté son activité. Le directeur de l’AFD nouvellement nommé est en place et un directeur adjoint va arriver dans les prochaines semaines.

 

Concrètement, quelles sont les urgences ? Par exemple, rétablir l’eau et l’électricité à Tombouctou, faire en sorte que les personnes déplacées et réfugiées puissent rentrer chez elles et y trouver de quoi préparer la future campagne agricole. En effet, si les personnes ne peuvent pas rentrer, si elles n’ont pas de semences et si les champs ne sont pas déminés, le risque d’insécurité alimentaire au Mali l’année prochaine sera énorme.

 

De même, les banques ont été pillées par les groupes qui ont occupé les villes du nord pendant plusieurs mois. Non seulement l’argent n’est plus disponible, mais il faut remettre l’infrastructure bancaire en place.

 

Voilà quelques exemples concrets de ce sur quoi nous, Français, travaillons. Mais il y a surtout les 20 millions d’euros qui sont susceptibles d’être déployés au travers de la « Facilité de Paix pour l’Afrique » de l’Union européenne. Le 26 février, se tiendra à Bruxelles une réunion qui nous permettra de nous mettre d’accord sur une liste de vingt ou trente priorités que ces 20 millions d’euros serviront à financer.

 

Nous sommes vraiment mobilisés sur ce point pour gagner là où l’on échoue la plupart du temps, à savoir ce qui relève non de l’urgence humanitaire ou du développement à moyen et long terme, mais de la reprise de l’aide à l’horizon de trois à six mois. Je suis personnellement très impliqué sur cette question et vous pouvez me faire confiance.

 

D’autres initiatives ont été prises concernant le Mali, que j’ai eu l’occasion d’évoquer hier à l’Assemblée nationale : une conférence de donateurs pour le développement du Mali, que la France organisera au mois de mai avec l’Union européenne à Bruxelles ; une rencontre qui aura lieu à Lyon le 19 mars et qui réunira les 100 villes françaises ayant des coopérations décentralisées avec le Mali ; une réunion, fin mars, à Paris ou en Île-de-France, avec des représentants de la diaspora franco-malienne. Il faut savoir que l’on compte en France 120 000 personnes maliennes ou franco-maliennes, qui peuvent évidemment contribuer à la reprise du développement dans leur pays.

 

En conclusion, les politiques de développement, particulièrement au Mali, sont aujourd’hui vraiment indispensables pour gagner la paix et c’est, je crois, un objectif que nous partageons tous ! (Applaudissements.)

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