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Réponses aux questions du Collectif Pas de bébés à la consigne

Mardi 20 mars, j'étais invité par le Collectif Pas de bébés à la consigne pour un débat sur la politique d'accueil des jeunes enfants.

Au nom d'Eva Joly j'ai répondu, comme les autres représentants des candidats à la Présidentielle, à une série de questions posées par les organisateurs.

Le débat mené par Sylviane Giampino (psychologue Petite Enfance et psychanalyste), Julien Damon (sociologue) et Jacqueline Farache (ex-administratrice de la CNAF), avait pour but de dégager chez chaque candidat(e) les mesures concrètes qu'il/elle envisage en faveur de la Petite Enfance.

Voici mes réponses :

1ère question

Comment situez-vous l’accueil de la petite enfance en tant qu’enjeu de société ? (5mn)

Je tiens tout d’abord, au nom d’EJ, à remercier le collectif Pas de Bébés à la consigne pour l’organisation de ce type de débat qui permet un dialogue exigeant entre les candidat-e-s aux élections et les citoyennes et citoyens. Je crois que c’est une bonne méthode pour faire avancer le débat démocratique, le clarifier et contribuer ainsi à le réhabiliter : il en a besoin.

Plus largement, les initiatives du Collectif ont permis, sans mauvais jeu de mots, de faire grandir la petite enfance dans le débat public.

J’ai participé à un certain nombre de manifestations à vos côtés en 2009 et 2010 contre le décret Morano. La mobilisation des actrices et acteurs de la petite enfance a été exemplaire et elle a atteint un niveau jamais connu avec comme point d’orgue la manifestation du 11 mars 2010 où plus de 10 000 personnes battaient le pavé parisien pour défendre et promouvoir un accueil de qualité pour la petite enfance.

Malgré cela, il nous faut reconnaître à regret que la politique de la petite enfance n’a pas encore la place qu’elle devrait occuper et nous devrons nous battre, ensemble je l’espère, pour que les bébés ne soient ni consignés, ni ignorés.

La politique d’accueil des jeunes enfants en France est aujourd’hui à la croisée des chemins : les promoteurs du laissez faire qui peuvent aujourd’hui trouver des alliés du côté de ceux qui veulent conduire des politiques d’austérité, de l’autre côté les partisans de l’égalité des chances, de l’éveil et de la socialisation précoces des enfants. Nous nous plaçons résolument du côté de ces derniers.

La France hésite voire recule, à l’image de la politique de Nicolas Sarkozy : à l’annonce tonitruante en 2007 de l’instauration d’un droit opposable concernant la garde d’enfants a succédé l’abandon de cette promesse dès 2009 (méfions-nous des annonces de campagne !), la révision des objectifs quantitatifs (de 400 000 à 200 000 créations de places) et l’instauration de mesures de déréglementation, d’optimisation et de déqualification dans le décret Morano du 7 juin 2010.

A gauche et chez les écologistes, nous nous retrouvons depuis plusieurs années sur la revendication d’un service public d’accueil de la petite enfance.

Pour EJ, un service public d’accueil de la petite enfance, et donc une intervention forte des pouvoirs publics, se justifie par le fait que ce qui se joue dans ces premières années concerne les enfants, les parents et la société dans son ensemble.

En effet, il s’agit rien moins que d’assurer tout à la fois le bien-être et le développement des enfants, la socialisation et l’éveil, qui facilite l’adaptation à l’école, mais aussi l’articulation entre travail, vie familiale et vie sociale des parents, pour les femmes en particulier, le soutien à la parentalité, la réduction des inégalités sociales.

Il nous faut une attention particulière au développement des enfants et à l’égalité des chances, dans une société ultra marchande où l’Etat-social est en repli, où les inégalités ne cessent de se creuser, où la division traditionnelle des rôles entre hommes et femmes reste prégnante, où le système économique et social pousse et même contraint au productivisme dans toutes les activités humaines : il faut donner du temps au temps, et accueillir les jeunes enfants dans des structures adaptées.

L’expérience des professionnels de la petite enfance et les travaux de nombreux chercheurs montrent que le développement durant la petite enfance, particulièrement les trois premières années, pose les fondements des aptitudes à l’apprentissage et des capacités d’adaptation, que des interventions précoces permettent de réduire efficacement les inégalités sociales et scolaires grâce notamment à un accueil collectif, à la condition que celui-ci soit doté de moyens et de personnels qualifiés en nombre suffisants, que l’accès à des modes d’accueil exerce un effet positif sur l’accès des femmes à l’emploi, avec des bénéfices potentiels pour le développement social et cognitif des enfants.

Une étude menée par Eric Maurin et Delphine Roy montre que 100 000 places de crèches permettent de préserver 15 000 emplois. Les pays scandinaves dotés de service public de la petite enfance sont les seuls où la transmission intergénérationnelle des inégalités n’a pas augmenté, et certains économistes, dont un prix Nobel, soulignent les bénéfices (ça reste des économistes…) à plus long terme d’un investissement massif dans l’accueil des jeunes enfants, pour le développement du niveau général de formation.

Pour l’heure, nous sommes loin du compte. Le pseudo « libre choix » qui est sensé caractériser notre politique d’accueil (garde par les parents ou accueil extra-familial, mode d’accueil collectif ou individuel) est globalement un « cache sexe » du fait de l’insuffisance de l’offre d’accueil. Ce sont ainsi à 96% les mères qui prennent un congé parental de plusieurs mois, voire jusqu’à trois années pour s’occuper d’un enfant en bas-âge et qui en subissent des pénalités en terme d’emploi ou de déroulement de carrière. De plus, malgré les aides versées, l’accès aux modes d’accueil reste inégal selon les revenus : le recours à un mode d’accueil individuel est encouragé pour les ménages aisés, qui sont pour cela fortement aidés ; pour les ménages plus modestes, l’effort financier pour ce mode d’accueil le met hors d’atteinte : 2% des ménages du 1er quintile y ont accès, contre 37% des ménages du dernier quintile. Même l’accès à l’accueil collectif est inégalitaire : 10% des enfants de moins de trois ans accueillis, mais seulement 5% des enfants d’ouvrières contre 16% des enfants de cadres.

En l’absence de places en crèches, les mères disposant de revenus limités sont alors fortement encouragées à interrompre leur activité en bénéficiant du CLCA de la PAJE, libre choix qui n’en n’est pas un. C’est d’ailleurs, le recours au CLCA qui augmente ces dernières années.

Le contexte de ces cinq dernières années a donc été celui des promesses non tenues, d’une offre d’accueil de la PE qui a été mise à mal par la réduction drastique de la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Aujourd’hui, l’accueil de la PE est insuffisant, ce qui pénalise les femmes dans leur carrière professionnelle, et il est socialement inégalitaire. Il faut donc une politique qui mette fin à cette double inégalité et permette à chaque parent d’accéder à un accueil de qualité.

EJ propose une refonte de l’architecture de la politique d’accueil de la petite enfance : il y a là d’une part un enjeu d’égalité entre les femmes et les hommes, et d’autre part, de réduction des inégalités sociales, qui se forment dès la petite enfance.

Pour répondre à cet enjeu, nous mettrons en œuvre un développement massif de l’offre d’accueil collectif et individuel et nous proposons une réforme du congé parental qui doit être mieux rémunéré et plus égalitaire entre hommes et femmes. Ce chantier est non seulement finançable, mais il est indispensable pour l’avenir de notre société.

 

2e question

Quelles réponses d’ordre quantitatif et qualitatif apporterez-vous pour assurer à tous les parents qui le souhaitent un accueil de qualité pour leur jeune enfant : quelle formation et quelle qualification des professionnel/les, quelle organisation de l’accueil collectif et de l’accueil individuel, quels ratios d’encadrement ?

Pour EJ, l’objectif est de créer un service public de la petite enfance permettant à toute famille de pouvoir trouver, avec un taux d’effort financier équitable et raisonnable (voire gratuit à terme), un mode d’accueil de qualité et universel pour son jeune enfant et ce, quel que soit son lieu de vie.

Pour ce faire, nous considérons qu’il faut revoir l’architecture actuelle de la politique d’accueil : 1. augmenter massivement l’offre d’accueil collectif et individuel car les besoins sont immenses, 2. former des professionnels en conséquence, rapprocher les services de petite enfance et d’éducation destinés aux jeunes enfants avant la scolarité obligatoire, et 3. instaurer un congé parental, mieux rémunéré, partagé entre hommes et femmes.

- Organiser et planifier le développement quantitatif et qualitatif de l’offre d’accueil pour répondre à l’ensemble des besoins

-          Développer les services d’accueil, dans la diversité et la qualité :

En France, les deux tiers des enfants continuent d’être gardés de manière principale par leurs parents, en grande partie faute de pouvoir bénéficier d’un service d’accueil. Ces dernières années, la progression de l’offre d’accueil, principalement en accueil individuel, a été annulée par la réduction de l’accueil des moins de trois ans en maternelle, et elle n’a pas permis d’absorber les naissances supplémentaires qui ont lieu chaque année.

Le rapport Tabarot de 2008 évoquait un besoin d’accueil non satisfait estimé entre 200 000 et 400 000 places. Le collectif Pas de bébés à la Consigne estimait au printemps 2010 le manque de places à au moins 400 000, et aujourd’hui de l’ordre de 500 000 places.

Eva Joly a repris à son compte dans son programme présidentiel la création de 400 000 places d’accueil sur la législature qui correspond à la fourchette haute des besoins évoqués dans différents rapports. En tout état de cause, sans entrer dans une bataille de chiffre, une évaluation fine des besoins sera menée dès le début de la législature, afin de définir avec les acteurs de la PE un plan national visant à créer l’ensemble des places manquantes.

L’accent doit être mis sur la création de places en accueil collectif si l’on veut faire d’une pierre plusieurs coups et inscrire cette politique d’accueil dans une politique d’égalité des chances que permet la qualité des équipes et des activités en accueil collectif, mais aussi le coût pour les familles, la garantie d’un accueil universel et laïc.

Parallèlement, les fermetures de places en école maternelle pour les enfants de deux ans devront être stoppées. Ceci étant dit, la possibilité d’une scolarisation d’enfants de moins de trois ans doit pour nous être ouverte de manière non systématique et en fonction des besoins. Nous pensons que systématiser la scolarisation des moins de trois ans n’est pas souhaitable, et correspond à une forme de « productivisme scolaire ».

Comme le professeur Alain Bentolila, professeur de linguistique à la Sorbonne, nous nous interrogeons : peut-on imaginer que 30 enfants réunis dans une salle de 50 à 60 M2 puissent trouver des conditions favorables à leur développement ?

Nous préférons renforcer l’offre d’accueil des deux à trois ans par la création massive d’établissements d’accueil de la PE, avec des normes d’encadrement qui sont celles de la PE.

L’accueil individuel et les assistants maternels trouveront pleinement leur place dans ce service public d’accueil de la petite enfance. D’une part, les crèches familiales, ainsi que les relais assistantes maternelles, seront développés et des passerelles seront mises en place vers d’autres formations comme le CAP PE pour que les assistantes maternelles aient la possibilité, si elles le souhaitent, d’intégrer un établissement d’accueil collectif. D’autre part, l’accès à la formation continue sera facilitée, la validation des acquis de l’expérience sera développée, avec l’objectif général de mieux insérer les AM dans une carrière à long terme dans la PE.

-          Un plan national d’urgence de formation pour les professionnel-le-s de la petite enfance :

Le développement des places d’accueil doit s’accompagner d’un plan national d’urgence de formation pour les professionnel-le-s de la petite enfance car l’accueil des jeunes enfants, c’est un métier à part entière, qui exige une vraie qualification et la qualité de cet accueil, ce sont des normes d’encadrement à respecter, ce qui nécessite des personnels en nombre suffisant.

Nous sortirons ainsi de la situation paradoxale actuelle d’une pénurie de professionnelles formées aux métiers de la petite enfance alors que les besoins dans ce secteur sont criants et que le chômage des jeunes ne cesse de progresser.

De même, au lieu de baisser les normes de qualification comme l’a fait le gouvernement avec le décret Morano, décret qu’il faudra abroger, nous demanderons aux Régions, aux Académies et aux collectivités de travailler ensemble, afin d’augmenter de façon significative les capacités de formation dans les écoles spécialisées et les lycées professionnels. Le coût de ces formations ne doit plus être un frein pour les personnes qui veulent s’engager dans ces voies, c’est pourquoi ces formations doivent être gratuites. La promotion professionnelle sera recherchée en facilitant la formation continue, la validation des acquis de l’expérience, un meilleur déroulement de carrière. Enfin, les hommes pourraient être incités à travailler dans le secteur de la Petite enfance, en allant notamment directement démarcher les jeunes hommes dans les lycées par exemple.

-          réduire les disparités territoriales

La pénurie d’offre d’accueil se double de disparités territoriales importantes, le clivage entre milieu urbain et rural étant marqué. Ainsi, l’accueil collectif se concentre dans les grandes villes et 45% des crèches se trouvent en Ile-de-France. Le potentiel d’accueil des trois modes d’accueil (collectif, familial et assistantes maternelles) peut varier de 15 à 77 places pour 100 enfants selon les départements.

Seul un service public d’accueil de la petite enfance peut avoir comme préoccupation de proposer un service d’accueil quel que soit le lieu de vie des parents. Des structures adaptées au milieu rural ou aux zones péri-urbaines seront ainsi développées comme les mini-crèches, les halte-garderie itinérantes, les relais assistantes maternelles ou les crèches familiales.

En outre, le service public d’accueil de la petite enfance répondra aussi à l’atomisation actuelle des acteurs et des responsabilités de la politique d’accueil de la petite enfance. Aujourd’hui, plusieurs acteurs publics interviennent en ordre dispersé dans le financement d’une politique d’accueil qui n’est conçue que comme un segment de la politique familiale, qu’il s’agisse de l’Etat, des Caf, des Régions, des départements ou des communes. Aucun acteur n’est réglementairement comptable de l’inadéquation entre les besoins et l’offre en modes d’accueil.

A l’occasion du chantier qui sera ouvert pour instaurer une VIe République, une clarification devra intervenir et une compétence directe en matière d’accueil des jeunes enfants devra être définie à l’échelon le plus adapté, chargé d’organiser le partenariat et la coordination dans ce domaine, au travers de plans pluriannuels, et de rendre compte aux citoyens. Les exemples scandinaves montrent que la gestion de proximité est une bonne solution qui satisfait les attentes des usagers. Nous sommes favorables à la proposition du Centre d’Analyse Stratégique de rendre obligatoires et publics des schémas départementaux de développement de l’offre d’accueil des jeunes enfants, qui identifient les zones prioritaires d’action des pouvoirs publics. Pour résumer, je dirai qu’il faut une politique impulsée au niveau national, et une gestion au niveau local, au plus près des besoins.

- Réformer le congé parental :

EJ propose donc d’instaurer un congé parental mieux rémunéré et incitatif pour les pères, et qui pourra devenir plus court au fur et à mesure que l’offre globale de places d’accueil se développera. Il s’agit de tenir compte d’une part, du fait que le congé parental concerne aujourd’hui très peu les pères et que, pour certaines mères, le congé actuel de trois ans fonctionne comme une trappe à inactivité, et, d’autre part, du souhait légitime des parents de pouvoir passer des moments privilégiés avec leur enfant dans les premiers mois après la naissance car le travail n’est pas tout !

On ne doit pas se débarrasser des enfants une fois qu’ils sont nés. Ni Rachida Dati, ni Marine Le Pen : ni reprise forcenée du travail au bout de 3 jours, ni retour des femmes à la maison avec un salaire parental qui serait en fait un salaire de mère au foyer. Là encore, la Norvège et les autres pays scandinaves ont ouvert la voie. La durée du congé parental peut varier de 6 mois au Danemark à environ une année en Suède, ou en Norvège. Dans ces pays, la rémunération est proportionnelle au salaire (de 67% à 80%), dans la limite d’un certain plafond. Des modalités incitatives pour les pères peuvent exister comme un quota de congés strictement individuel ou l’octroi d’une période de congé supplémentaire. Cette réforme du congé parental doit s’accompagner d’un accroissement significatif de l’offre des services d’accueil, en particulier collectif, sans jamais rogner sur l’exigence de la qualité de l’accueil.

- Un taux d’effort unifié, pour les modes d’accueil collectif et l’accueil par les assistantes maternelles. Vers la gratuité ?

Seule une logique de service public place au cœur de son projet, le souci d’un accès égal pour tous en tenant compte des inégalités de revenus.

En 2008, la Cour des comptes a pointé les inégalités actuelles d’un système d’aides disparates : le taux d’effort des familles pour bénéficier d’un mode d’accueil varie fortement selon leur niveau de revenu. Ainsi, pour les parents disposant d’un revenu équivalent à 6 SMIC, l’emploi d’une assistante maternelle est la solution la moins onéreuse. A l’inverse, l’accueil collectif au sein d’un établissement de petite enfance, le parent pauvre des modes d’accueil, est la formule la plus économique pour les ménages dotés d’un  revenu équivalent au SMIC. Autrement dit, le « libre choix » est une décision contrainte et demeure très économiquement stratifié. De même, nous l’avons vu, les ménages à revenus modestes sont plus directement incités à recourir au CLCA et à interrompre leur activité.

Pour rétablir l’égalité des citoyens devant l’accès aux modes d’accueil, il serait juste d’instaurer un taux d’effort identique pour l’accès aux crèches et aux assistantes maternelles. Pour ce faire, le mode de calcul pour les participations familiales pourrait être celui actuellement en vigueur pour les crèches c’est-à-dire en proportion des revenus (pour les assistantes maternelles, pour éviter toute dérive, un certain seuil pourrait être défini au-delà duquel le coût reposerait intégralement sur les parents).

Au-delà nous sommes favorables à l’ouverture d’un débat national sur la gratuité des modes d’accueil des enfants de moins de trois ans, celle-ci s’inscrivant dans la continuité de ce qui a été fait dans les années 1960 pour l’accès aux écoles maternelles.

-Unifier/intégrer/rapprocher les dispositifs consacrés à l’accueil et l’éducation des enfants de moins de 6 ans :

Une réflexion doit également être ouverte visant à voir dans quelles conditions il peut être envisagé de rapprocher voire d’intégrer les deux secteurs, celui de la petite enfance et celui de la maternelle. Comme l’a montré les rapports Starting Strong conduits par l’OCDE en 2001 et 2006, les pays où l’intégration est poussée, évitent, en matière de petite enfance, à la fois la pénurie de l’offre, sa moindre qualité et les disparités territoriales, et, en matière de préscolarisation, une « primarisation » de l’école maternelle : en Suède par exemple, le passage de la petite enfance sous la tutelle de l’Education, a conduit à constater l’influence réciproque des deux secteurs, préscolaire (de 1 à 7 ans) et scolaires (à partir de 7 ans), les professionnels du préscolaire étant dotés d’une formation de même niveau (bac+3) que les professionnels de l’école élémentaire. A discuter en étroite concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.

 

3e question

Quel financement des modes d’accueil, et quelles places respectives accordez-vous à l’offre publique, associative, privée ?

La nouvelle architecture proposée par EJ pour instaurer un véritable service public de la petite enfance n’a pas fait l’économie de l’exercice, incontournable dans cette campagne, du chiffrage des propositions.

Deux remarques au préalable toutefois :

-         si la question du financement, qui plus est en période de crise, est légitime, elle ne doit pas nous pas nous faire perdre le sens du long terme qui est le sens de la politique, en tant qu’écologiste nous y sommes très attachés concernant plusieurs enjeux, la petite enfance en fait partie, investir aujourd’hui dans la petite enfance c’est investir dans l’avenir, nous ne devons pas nous résigner à une approche de court terme purement comptable

-         dans le même ordre d’idée, le coût d’une réforme ne doit pas se limiter  aux dépenses immédiatement chiffrables : les bénéfices induits par la mise en place d’un service public de la petite enfance sont nombreux et parfois de long terme : certains de ces bénéfices sont chiffrables, d’autres non, ils n’en sont pas moins réels et il doit en être tenu compte lors de l’évaluation.

En matière de dépenses pour la petite enfance, la situation française se caractérise par l’importance de la part des aides en espèces versées aux familles, exonérations fiscales comprises : ces aides financières (12,5Mds) principalement pris en charge par la branche Famille de la Sécurité sociale, sont près de trois fois plus élevées que les prestations dites en nature consacrées à la création et au fonctionnement d’établissements d’accueil (4,8Mds), en tenant compte de l’action des collectivités locales.

L’augmentation relative des dépenses en faveur de l’accueil collectif via des plans « crèches » est une évolution très récente qui s’est amorcée en 2001 avec la mise en place du premier fonds d’investissement mais elle est encore largement insuffisante : la part de l’accueil collectif reste très minoritaire, aux alentours de 10% et, comme le souligne la commission des affaires sociales du Sénat : « confrontées à une situation financière délicate, les collectivités locales sont souvent contraintes de différer leurs investissements en matière de petite enfance ». Avec des dépenses équivalent à 0,4% du PIB pour l’accueil des moins de trois ans, la France dépense environ deux fois moins que le Danemark, la Finlande, la Suède et la Norvège, et même que l’Allemagne qui a lancé en 2007 un vaste plan de création de places (700 000 places sur 5 ans) et est en passe de modifier profondément son système.

Cette priorité donnée aux prestations monétaires (qu’illustre par exemple l’extension des prestations d’interruption d’activité : APE puis CLCA), plus généreux pour certaines catégories que pour d’autres, incite plutôt à l’interruption de l’activité des mères, en particulier les moins favorisées, et ne parvient pas à réduire les inégalités de ressources de départ voire les accroit. De plus, cette priorité se fait, de manière relative, au détriment du développement de l’offre d’accueil collectif dont on a souligné les vertus pour le développement des jeunes enfants et pour la société dans son ensemble, à court et à long terme.

C’est pourquoi, EJ propose d’inverser la tendance et de donner la priorité aux prestations en nature, en services, pour la création d’établissements d’accueil collectif. Il ne s’agit pas d’interrompre les aides aujourd’hui versées mais progressivement de leur substituer une nouvelle offre faite d’un congé parental plus court et mieux rémunéré et d’un accueil collectif en établissement de petite enfance, un accueil plébiscité et attendu par les parents.

Avec cette nouvelle architecture proposée par EJ, le besoin est estimé à environ 500 000 places supplémentaires : c’est le chiffre pour atteindre un nombre de places équivalent au nombre d’enfants de 1 à 3 ans.

Le coût d’une telle mesure  peut être estimé à 3,5 milliards d’euros en fonctionnement et une somme équivalente en investissement, soit une dépense de 4 milliards par an avec un amortissement sur 5 ans (je peux vous donner la formule de calcul si vous le souhaitez qui intègre une économie d’1 milliard par an réalisée sur le versement du CLCA). Je précise qu’il ne s’agit pas de créer des places soit en augmentant le surbooking, soit en assouplissant les normes d’encadrement, soit en demandant aux assistantes maternelles de prendre trois enfants dans chaque bras ou de créer des structures déréglementées mais de créer de vrais places avec de vrais enfants et sans non plus jouer sur l’ambiguité, comme le fait le gouvernement, entre nombre d’enfants accueillis, y compris à temps partiel, et nombre de places.

A ces créations de places en accueil collectif, s’ajoute le coût du congé parental nouveau estimé au même montant.

C’est beaucoup d’argent me direz vous !

Nous autres écologistes avons l’habitude de comparer une dépense à un équipement militaire : cette dépense équivaut à un peu plus de deux porte-avions (Anecdote : à la ville de Paris, on avait la bonne habitude, sous la précédente mandature, de traduire l’argent gâché par la droite en nombre de places de crèches, cette habitude est passée, c’est bien dommage). Plus sérieusement, cette hausse correspondrait à 0,5% du PIB ; la France atteindrait alors pour ces dépenses en faveur des enfants de 0 à 6 ans, un niveau de dépenses à peine supérieure à la moitié de ce que le Danemark consacre comme somme chaque année.

De plus, ces dépenses doivent être mises en regard des bénéfices attendus :

-         Dans une étude 2008, Eric Maurin et Delphine Roy ont estimé que la création de 100 000 places de crèches permettrait de préserver l’emploi de 15 000 parents, des mères en particulier. Dans le même ordre d’idée, l’économiste Olivier Thévenon prend lui pour hypothèse un taux d’emploi des mères s’ajustant progressivement, grâce au développement des places d’accueil,  à celui des femmes de 15 à 64 ans sans enfant, cela pourrait générer 160 000 emplois et un supplément de richesse induite équivalent à 0,6% du PIB, recettes fiscales comprises, soit l’équivalent de ce qui doit être dépensé !

-         On pourrait également tenir compte des nouvelles cotisations générées par les créations d’emplois dans les crèches.

D’autres bénéfices ne sont pas immédiatement chiffrables mais n’en seront pas moins réels : le renouvellement des générations, la réduction des inégalités sociales, scolaires et spatiales, l’élévation du niveau général de formation,…

Nous avons évoqué lors de la deuxième partie l’enjeu lié à l’atomisation des acteurs publics, source notamment de disparités territoriales, en préconisant une clarification des compétences.

Une autre source de financement doit être débattue : le gouvernement de Nicolas Sarkozy a incité fortement les entreprises de crèche à se développer, notamment sous la forme de crèches d’entreprises  ou de mini-crèches, par le biais notamment d’un doublement du crédit d’impôts à la création des entreprises. Un joli cadeau d’argent public qui contribue en partie à la croissance élevée, 35% par an ces 5 dernières années, du secteur à but lucratif d’accueil de la petite enfance.

Le fonctionnement actuel de ces établissements, dont certains respectent les barèmes de la CAF et d’autres non, montrent que les taux de qualification des personnels sont au niveau plancher, ça coûte moins cher !, que les parents ne sont pas pou peu associés à la vie des établissements, que des mini crèches sont montées côte à côte pour mutualiser des personnels en tordant la réglementation, là aussi par souci d’économies, que la politique d’attribution des places peut s’éloigner de toute préoccupation sociale.

Ce constat rejoint un principe qui est de considérer que certaines activités doivent être préservées de logiques lucratives, la petite enfance doit en faire partie au même titre que l’éducation.

La France avait la possibilité en 2010 d’exclure le secteur de la petite enfance du champ d’application de la directive Services et ainsi de le préserver des logiques de concurrence, elle ne l’a pas fait, il faudra revenir sur cette décision, qui fait peser une menace en particulier sur le secteur associatif à but non lucratif.

Attaché à l’économie sociale et solidaire, EJ considère que les associations du secteur de la petite enfance peuvent apporter une richesse appréciable (d’un autre ordre que financière) au service public de la petite enfance. En particulier, nous sommes attachés au développement des crèches parentales. Pour EJ, le secteur associatif, appelé aussi tiers secteur, lié à la collectivité publique par des conventions claires et précises peut tout à fait prendre part, aux côtés des équipements municipaux, au service public d’accueil de la petite enfance que nous appelons de nos vœux.

Ce service public n’est pas qu’une question de financement, c’est avant tout une question de volonté et de conviction !

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