Réponses au questionnaire de la LICRA
1- MAIRE DE LYON, QUELLES SERONT VOS 3 PRIORITES POUR FAIRE RECULER LES ACTES DE RACISME ET D'ANTISEMITISME ?
Fondamentalement, il n’existe pas, ou plus, de dispositions législatives ou réglementaires exprimant une inégalité de nature raciale entre les individus. Il convient d’apporter des réponses à des attitudes plus ambiguës et plus sournoises.
- en matière de recrutement du personnel municipal, la priorité sera donnée aux personnes issues des concours, afin d’éviter toute forme de clientélisme trop fréquent dans la nomination des contractuels. Le clientélisme est, en creux, une discrimination envers tous ceux qui ne sont pas introduits dans les réseaux.
- un soutien sera apporté aux associations qui luttent les actes de racisme par des actions concrètes (testing par exemple).
- des expériences seront développées pour améliorer le vivre ensemble notamment à l’école
2- A LYON, LES DIX DERNIÈRES ANNÉES VOUS SEMBLENT-ELLES AVOIR PERMIS DE LUTTER EFFICACEMENT CONTRE LES DISCRIMINATIONS ?
NON : En mars 2013, la Commission nationale consultative des Droits de l'homme avait publié un rapport sur le racisme en France : les actes xénophobes ont augmenté depuis 20 ans. Un sondage Opinionway pour la Licra : 59% des personnes interrogées considèrent que le racisme a augmenté depuis 30 ans en France.
Estimation du rapport : 1.539 actes et menaces à caractère raciste, antisémite et antimusulman en France. La CNCDH attirait cependant l'attention sur "l'amélioration de l'outil statistique à disposition du ministère de l'Intérieur, qui gonfle mécaniquement le nombre d'actes et de menaces recensées".
Il y aurait "Trop d'immigrés en France" pour 69% des Français, 10 points de plus qu'en 2011, 22de plus qu'en 2009.
Beaucoup de travail reste à faire.
3- QUELLE EST VOTRE VISION DU "VIVRE ENSEMBLE" DANS LA VILLE ? QUELLES SONT LES ACTIONS QUE VOUS PROPOSEZ POUR LA REALISER CONCRETEMENT ?
L’éducation civique, la recherche d’une morale « universelle », et plus largement les actions à favoriser le vivre ensemble constituent des priorités dans la lutte contre toutes les formes de racisme et de haine. Un monde sans morale révélée nécessite de construire une éthique partagée par le plus grand nombre. Le débat est nécessaire dans la société.
« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », le propos de Louis Antoine DE SAINT-JUST, interpelle nécessairement dans un pays qui plaide à la fois pour la liberté, légalité et la fraternité.
Les lieux de mémoire et de culture doivent être utilisés comme leviers pédagogiques pour faire prendre conscience des horreurs de l’histoire. Le nombre des scolaires visitant les lieux de mémoire sera accru. Des collaborations avec des chercheurs permettront de mieux comprendre les réactions enfants lors de leur passage dans ces endroits chargés de souffrance.
Le bulletin municipal a un rôle important à jouer dans la prévention de la formation des préjugés racistes et antisémites, notamment dans la présentation des actions sociales de la ville.
Il faut savoir ouvrir le débat dans l’espace scolaire.
Le respect de l'autre et la capacité à vivre en société s’échafaudent aussi dans le cadre des activités d’éducation populaire et sportive. La sensibilisation et la formation des animateurs intervenant dans les MJC, les centres sociaux… et les clubs sportifs sera renforcée.
La formation et la sensibilisation des agents de la ville doivent être renforcées, notamment lorsqu’ils sont en contact avec le public. La neutralité de cette rencontre avec le public est importante.
4- ÊTES-VOUS FAVORABLE A L'EXTENSION DE LA MIXITE SOCIALE ? DANS TOUS LES QUARTIERS DE LA VILLE ?
Oui, dans tous les quartiers. Une des pistes de l’augmentation des logements sociaux s’avère l’acquisition, dans les fins de programmes de projets immobiliers de droit commun, d’appartements afin qu’ils puissent compléter les logements sociaux.
5- QUE FEREZ VOUS DE LA FUTURE METROPOLE POUR EN FAIRE UN ACTEUR MAJEUR DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ?
La métropole a des actions spécifiques dans d’autres compétences que la ville, notamment l’urbanisme, les transports… Il convient de souligner que les actions sociales de la métropole seront issues des anciennes compétences du Conseil Général.
Les politiques ci-dessus exprimées au profit de la lutte contre le racisme à l’intérieur de la ville de Lyon, seront bien entendu déclinées par la métropole.
L'ACTION MENÉE PAR LA VILLE DE LYON AVEC LA LICRA POUR LES MENUS DANS LES CANTINES SCOLAIRES A FAIT DES ÉMULES DANS D'AUTRES VILLES FRANÇAISE. SI VOUS ETES ÉLU A SA PRÉSIDENCE, PROPOSEREZ-VOUS CETTE "RECETTE" A TOUTES LES VILLES DE LA MÉTROPOLE ?
La solution mise en place au niveau des cantines a été soutenue par le groupe des VERTS (EELV). Elle ouvre un éventail de possibilités sans indiquer clairement les objectifs des uns ou des autres. Il n’en reste pas moins vrai que l’existence de repas différenciés, existe depuis plus de trente ans. L’apport de la solution lyonnaise est d’apparaître moins stigmatisante. La métropole pourra étendre la solution au niveau des collèges.
En revanche, la métropole n’a pas d’autorité sur les autres conseils municipaux. C’est une bonne chose. Il est toujours possible de promouvoir des solutions par la pédagogie.
LA LIBERTE D'EXPRESSION A-T-ELLE ETE SACRIFIEE DANS LES MESURES PRISES A L'ENCONTRE DE DIEUDONNE ?
«Une interdiction a priori s’apparenterait à de la censure» déclarait dans Libération, Sergio Coronado, député Europe Ecologie-les Verts : « Notre groupe parlementaire refuse le piège tendu par le ministre de l’Intérieur qui consiste à nous demander de choisir entre l’antisémitisme et l’Etat d’exception. Nous considérons que Dieudonné est un personnage condamnable qui se nourrit de la haine et de l’antisémitisme mais nous ne sommes pas en faveur d’une interdiction a priori de ses spectacles qui s’apparenterait à de la censure. Il ne faut pas que sous couvert de lutter contre l’antisémitisme de Dieudonné, on puisse porter atteinte aux libertés fondamentales. Cela irait à l’encontre de notre conception de la démocratie. »
Pour ma part, j’exprimais la même chose dans une interview à Lyon Capitale.
Il ne faut pas sous-estimer le danger des juridictions lorsque sous la pression de l’opinion publique, du gouvernement, de groupes de pression…, elles n’interprètent plus la loi, mais la « fabrique ». La séparation des pouvoirs est un élément essentiel de la démocratie. Sans la séparation des pouvoirs, il n’y a plus de constitution disait Montesquieu.
Tel est pourtant l’analyse que l’on peut faire de la dernière décision du Conseil d’État dans l’affaire Dieudonné.
Si la loi est injuste, il appartient au législateur de la changer et non pas au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation de l’inventer sous couvert d’une prétendu interprétation.
N’oublions jamais que c’est cette même liberté donnée « trop facilement » au juge d’interpréter la loi (lorsque l’interprétation séduit) qui a favorisé l’interprétation des lois existantes à l’encontre de certaines communautés notamment la communauté juive sous le régime de Vichy, puisque l’opinion et le gouvernement le voulaient.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas sanctionner les actes précis, même ceux prononcés par un humoriste, selon une procédure de droit commun. Les condamnations sont toujours sur des faits précis et, a posteriori.
Beaucoup d’écologistes gardent en eux la mémoire, de cette période où les bonnes âmes socialistes allaient manifester devant les réunions publiques du FN. L’effet immédiat a été de faire monter les voix du parti de Jean-Marie Le Pen.
« La main droite de Dieu » est un livre particulièrement éloquent sur l’ambivalence entretenue par certains dans la lutte contre le racisme, avec la volonté secrète de faire monter le FN, les triangulaires, et les victoires électorales injustes.
Les écologistes ont montré dans leurs actions nombreuses comment, il fallait lutter contre le FN. L’annulation de l’élection de Charles Millon était une priorité. Pour gagner il ne fallait ni la solution d’extrême gauche qui consistait à démissionner en bloc laissant le champ libre aux alliances illégitimes, ni la solution des socialistes qui voulaient récupérer la présidence de la région Rhône-Alpes à leur profit.
La solution des verts, organisée dès mars 1998, reposait sur l’acceptation de l’idée que pour combattre le FN, il fallait donner la chance à la droite de se ressaisir et de présenter éventuellement un candidat libéré du FN. Elle a été finalement la solution mise en œuvre avec l’élection d’Anne-Marie Comparini que j’ai rencontrée dans la semaine qui a suivi l’élection de Charles Millon.
MAIRE DE LYON, VOUS PRONONCEREZ VOUS PUBLIQUEMENT CONTRE LA TENUE DU SPECTACLE DE DIEUDONNE PROGRAMME A LA SALLE 3000 EN JUIN ?
Non, en revanche si des propos dérapent, il appartiendra à ceux qui en ont la possibilité d’engager des poursuites.
Etienne TETE
Emeline BAUME
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