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La sécurité exige du sérieux

PoliceMunicipale

Communiqué du 26 février 2014

Le rassemblement citoyen, de la gauche et des écologistes révèle l’enquête sur la vidéosurveillance à Grenoble et expose ses propositions en matière de sécurité et de prévention.

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Télécharger le document "Evaluation de la vidéosurveillance dans 3 sites expérimentaux grenoblois - Synthèse du rapport final réalisé par Planète Publique en septembre 2013" (1,6 Mo)

Depuis 2008, nous assistons à Grenoble à la multiplication des effets d’annonce concernant la sécurité : création d’une équipe de soirée de la police municipale, expérimentation de 18 caméras de vidéosurveillance, création d’une brigade canine, patrouilles en Segway, création d’une Zone de Sécurité Prioritaire (ZSP), pour que les mêmes finissent par promettre un armement de la police municipale et l’objectif de 160 caméras de vidéosurveillance.

Grenoble n’a pas besoin de tapage ni de gesticulation. Il nous faut regarder la situation en face, construire une politique du résultat, et pas du coup d'éclat, éviter les coups de force et développer une vision et une action globales de protection des Grenoblois.

Une bonne politique s’appuie d’abord sur un diagnostic sérieux

Le 27 janvier 2014, le maire de Grenoble nous a indiqué  de façon stupéfiante : «nous ne disposons pas de statistiques ou d’études réalisées par la Ville de Grenoble ou les services de l’Etat concernant la sécurité, la délinquance ou la demande sociale de sécurité.» Il ajoute le 11 février 2014 que « s’agissant du nombre d’installations privées de caméras de vidéosurveillance et de leur carte d’implantation sur le territoire communal […] nous ne disposons pas de ces documents » alors même que le Collège d’éthique a demandé un rapport sur ces caméras dès le 18 mars 2013.

Une bonne politique s’appuie d’abord sur un diagnostic sérieux de la situation pour regarder la réalité telle qu’elle est. Dès le début du nouveau mandat, nous analyserons la réalité des actes de délinquance sur la commune et de la demande sociale de sécurité des habitants.

 

Une bonne politique est une politique débattue et partagée

Alors que la convention entre la Ville et l’Etat indique que le Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) doit se réunir au moins 2 fois par an, il n’y a eu aucune réunion du CLSPD jusqu’en juin 2010 (soit un mois après le lancement de la vidéosurveillance). Depuis, ce CLSPD ne s'est réuni qu’une fois par an et dans une composition non seulement différente de celle votée par le Conseil Municipal en 2008 mais en plus modifiée pour chaque réunion.

Nous proposons que le CLSPD soit réuni au moins deux fois par an pour débattre sérieusement avec tous les acteurs de la chaine de la prévention et de la sécurité des politiques menées, à mener et des difficultés rencontrées. Sa composition sera stabilisée parce que pour mener une action efficace, il faut que les acteurs autour de la table soient durablement impliqués. Pour mettre fin à tous les fantasmes, l’opposition y sera associée et nous reprenons, à notre compte, la proposition du directeur de la prévention et de la sécurité de la Ville, faite depuis janvier 2011, qu’un CLSPD par an soit public.

Recentrer la police municipale sur ses missions

La convention de coordination entre la police nationale et la police municipale précise elle-même qu’« en aucun cas, il ne peut être confié à la police municipale de mission de maintien de l’ordre ». Dès le 14 mars 2011, le collège d’éthique souligne que « le mélange des genres entre Police Nationale et Police Municipale est nuisible à la bonne gestion des compétences ». Les rapports d’activité de la police municipale démontrent d’ailleurs que la sollicitation des habitants à l’égard de la police municipale se concentre essentiellement sur le stationnement des véhicules (entre 37 et 47% des demandes suivant les années depuis 2008).

Nous redéfinirons les actions de la police municipale pour la recentrer sur ses missions essentielles : troubles du voisinage (76% des nuisances sonores sont liées aux activités des bars et commerces), stationnement, sécurité routière, circulation, occupation du domaine public, arrêtés du maire, sécurisation des déplacements aux abords des écoles.

Une police nationale que nous voulons de proximité

Alors que 120 postes de policiers ont été supprimés sous Sarkozy sur la seule circonscription de Grenoble, 16 postes ont été créés depuis 2012. Nous demanderons à l’Etat d’augmenter les effectifs de la police nationale pour pouvoir déployer une présence humaine plus régulière et de proximité dans les quartiers.

Dans un nouvel esprit de partenariat avec l’Etat, nous mettrons à disposition des locaux municipaux pour favoriser le retour de commissariats de proximité dans les quartiers où la demande sociale de sécurité est la plus importante.

Nous exigerons de l’Etat qu’il prenne les dispositions pour que la sécurité des biens et des personnes dont il a la responsabilité, soit toujours mieux assurée. Il faut que les résultats de ces efforts soient vérifiables à court et long terme. Cela passe par le renforcement des effectifs et le décloisonnement des services qui s'ignorent trop souvent.

Une vidéosurveillance développée sans l’accord du Conseil Municipal

L’adjoint à la sécurité a lancé une expérimentation de 18 caméras en 2010. Ni les habitants ni le Conseil municipal n’ont délibéré parce qu’il n’y a pas de majorité pour cette politique à Grenoble.

Contrairement à ce qu’exige la Charte d’éthique dont s’est dotée la Ville de Grenoble le 13 décembre 2010 (« chaque décision d’installation fait l’objet d’une délibération du conseil municipal, après consultation, pour avis, du ou des Unions de quartiers concernées »), le Maire de Grenoble indique lui-même le 11 février 2014 que « les Unions de quartier et les CCS n’ont pas émis d’avis lors des implantations de caméras de vidéosurveillance ».

Il y en a désormais, sans aucun vote d’aucune instance, 52 qui sont connectées et reliées avec la police. Aujourd’hui, l’adjoint à la sécurité, courant après la droite, promet d’en tripler le nombre et d’atteindre 160 caméras dans le prochain mandat : une caméra pour 1000 habitants, soit 2 fois plus que la moyenne dans les villes de droite, 5 fois plus que la moyenne dans les villes de gauche (sur les 60 plus grandes villes françaises).

Le 18 mars 2013, le collège d'éthique rappelait pourtant  qu’ « aucune étude scientifique, conforme aux critères de rigueur définis internationalement, par exemple les critères de niveau 3 de l’université du Maryland, n’a pu établir que la vidéosurveillance faisait baisser la délinquance». La Cour des Comptes, évoquant le cas de Lyon, qui "mesure chaque année l’évolution comparée de la délinquance de voie publique dans les zones vidéo-surveillées et dans celles qui ne le sont pas", les magistrats notent ainsi que le résultat n'est guère brillant : "de 2005 à 2008, la différence d’évolution a été faible puisque la délinquance de voie publique a baissé de 23,5 % dans les premières et 21,9 % dans les secondes", alors même que "la délinquance de proximité a diminué de 48 % à Villeurbanne, dépourvue de vidéosurveillance, soit plus rapidement qu’à Lyon (- 33 %)".

Une évaluation « de l’expérimentation » malmenée

A Grenoble, l’évaluation de l’expérimentation n’a jamais été rendue publique malgré les engagements de la municipalité. Elle a pourtant été rendue au collège d’éthique dès le 18 mars 2013. Sa présentation qui était prévue en conseil municipal l’automne dernier a tout bonnement été annulée. Et pour cause, bien que cette étude ne respecte pas les critères prévus par la convention avec la police nationale, elle ouvre le débat plus qu’elle ne le conclut. Nous avons pu nous procurer la synthèse de l’étude du cabinet Planète Publique que nous révélons aujourd’hui et que nous avons mis en consultation libre sur notre site (télécharger le document "Evaluation de la vidéosurveillance dans 3 sites expérimentaux grenoblois - Synthèse du rapport final réalisé par Planète Publique en septembre 2013" (1,6 Mo)).

Comme nous le présentions cette enquête permet de tirer des enseignements très intéressants. Si la vidéosurveillance sur la voie publique agit sur le ressenti des habitants, qui par ailleurs ne sont pas majoritairement favorable à son installation, elle n’a aucun rôle significatif, au regard de son coût, pour la prévention de la délinquance ou l’élucidation des délits. Par ailleurs l’enquête démontre que la présence humaine a plus d’effet que la vidéosurveillance, sur la tranquillisation des habitants, sur la diminution des nuisances et actes de délinquances. Quelques extraits :

« Ces premiers éléments donnent surtout à voir une grande stabilité sur la période, avec une légère tendance vers plus de confiance vis-à-vis de la vidéosurveillance. 47% des enquêtés considèrent l’installation comme une bonne initiative. », avec des variations selon les quartiers entre le centre-ville et les quartiers populaires.

60% des enquêtés du Jardin de ville restent opposés à la vidéosurveillance après l’expérimentation, 50% des enquêtés du centre-ville sont du même avis. "Les habitants de ces quartiers ne ressentent que très peu de sentiment d'insécurité. Ils sont par ailleurs plutôt opposés, voire très opposés, à l'usage de la vidéosurveillance".

"Pour les habitants du VO, l'outil est remarqué et apprécié". 53% des enquêtés sont pour installer de la vidéosurveillance. "Pour les habitants de Lafleur, l'attente était moins partagée mais elle parait entrainer son effet de satisfaction net quand elle est constatée" puisque seulement 38% des enquêtés ont conscience que le quartier est vidéo-surveillé.

L’évaluation du cabinet Planète Publique relève que "pour les riverains du jardin de ville, la vidéosurveillance n'était ni attendue ni demandée. Une fois mise en place, elle n'est ni constatée ni plus appréciée qu'avant. La demande portait sur une meilleure intervention publique". "On peut supposer que l’effet de tranquillisation est plutôt lié au déploiement de la Brigade de soirée sur ce territoire". Dans les quartiers éloignés du centre-ville, l’évaluation conclut que "le constat de l'intervention publique, notamment concrétisée par la présence de caméras, est en soi un vecteur de tranquillisation".

L’évaluation précise qu’"en l'état des informations qui nous sont fournies, il n'est rien possible de dire sur le taux d'élucidation". Sur l’ensemble des réquisitions réalisées (128 depuis 2011 dans les documents dont nous avons eu connaissance), 7 auraient permis l’élucidation d’affaires mais nous n’avons pas connaissance de l’analyse qualitative de ces élucidations pourtant demandée par le collège éthique dès mars 2012.

Il serait pertinent que l’évaluation puisse être explorée et débattue dans son intégralité, d’autant que la synthèse soulève une baisse de l’activité de la police nationale parallèlement aux expérimentations de vidéosurveillance alors qu’elle souligne qu’un effet de tranquillisation peut être atteint par une autre forme d’intervention publique et humaine.

Des moyens à réaffecter sur des outils plus efficaces

Aux responsabilités, nous réorienterons les moyens affectés par la majorité sortante à la vidéosurveillance et l’armement de la police municipale. Au lieu d’investir 4 millions de plus dans des caméras de vidéosurveillance, nous proposons notamment d’assurer une présence humaine renforcée dans les quartiers afin de prévenir la délinquance : éducateurs, médiateurs de jour et de nuit selon les quartiers.

En lien avec les organismes de logement social, nous augmenterons la présence publique, notamment en subventionnant le retour des gardiens-concierges dans les habitats publics. Nous augmenterons l’accueil des Travaux d’Intérêt Général dans les services municipaux afin d’accroître les possibilités pour la justice d’avoir recours à ces peines et d’accélérer le processus de sanction-réinsertion pour les primo-délinquants.

Par ailleurs, nous proposons, comme l’a rappelé Sébastien Roché, expert en politiques de sécurité et membre du collège d’éthique, d’agir sur l’éclairage public qui a beaucoup plus d’effet sur la baisse des actes de délinquance et des conflits d’usage de l’espaces public que la vidéosurveillance. Ainsi, nous nous engageons à réaliser un plan lumière qui permette d’améliorer l’éclairage là où il est manifestement insuffisant.

Nous notons que le Programme Local d’Actions de Prévention dispose d’un budget annuel inférieur à 100 000 €. Parallèlement, l’investissement pour les 18 premières caméras a nécessité 700 000 € d’investissement, celui pour l’armement nécessiterait au moins 200 000 € pour le seul démarrage. Il faut comptabiliser en plus, pour 3 années, un budget de fonctionnement de 1 110 000 € (pour le personnel et l’entretien), soient 370 000 € par an, sans prendre en compte la subvention de la mairie à la vidéosurveillance de la police nationale.

Pendant le même temps, suite aux demandes des habitants et professionnels, depuis janvier 2011, la Ville indique au CLSPD « réfléchir » à la création de médiateurs dans d’autres quartiers que la Villeneuve. La médiation expérimentée à la Villeneuve représente un budget pour la Ville de 115 000 € par an. La réaffectation des moyens permettrait donc de tripler les moyens consacrés à la médiation et la présence humaine dans les espaces publics faisant l’objet de conflits.

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Les questions de prévention et de sécurité sont trop sérieuses pour laisser de la place aux effets d’annonce et à la démagogie. Aux responsabilités, nous mettrons en œuvre les solutions efficaces pour une ville apaisée et conviviale.