Jean-Charles Kohlhaas : « Les priorités du projet Lyon – Turin ont changé »

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L’avis de la Région est sollicité dans le cadre de l’enquête publique sur le projet ferroviaire Lyon-Turin. Les écologistes se sont abstenus sur l’avis régional, ne pouvant se contenter des promesses du gouvernement. Quand Jean-Jack Queyranne se rassure des annonces du Premier ministre, les écologistes se souviennent qu’ils ont toujours défendu la priorité au fret ferroviaire par rapport au TGV. Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional EELV, apporte son éclairage sur la question.

Jusqu’ici, les conseillers régionaux verts soutenaient le Lyon-Turin. Avez-vous changé d’avis ?

Jean-Charles Kohlhaas : Non. Ce sont les priorités du projet Lyon-Turin qui ont changé. Les écologistes se sont pourtant battus pendant des années, à la Région depuis 1992, pour faire évoluer ce dossier dans le bon sens. A l’époque, il en a fallu des débats, des actions de nos élus pour convaincre largement que la seule justification d’une telle infrastructure, c’est de contribuer à un report modal massif du transport de marchandises de la route vers le rail, et non de faire la promotion du TGV.

En 2007, en signant le protocole de financement des accès français au tunnel de base, l’Etat et l’ensemble des collectivités s’engageaient enfin pour une priorité au fret, sur un itinéraire évitant les rives du lac du Bourget et le tissu urbain de Chambéry. 

Mais, en 2009, tout était à nouveau brouillé. Une idée géniale venait de surgir : les jeux olympiques d’Annecy. Le fret était mis au second plan pour remettre le voyageur en tête de wagon ! Le projet changeait réellement de sens. Nous l’avons dénoncé. C’est à ce moment que Gérard Leras a mis un terme à la mission de suivi que lui avait confiée Jean-Jack Queyranne. Les jeux ont eu le succès que l’on sait, mais la priorisation, elle, n’a pas changé. Si la ligne voyageurs vers Chambéry est construite en premier, nous disons que les aménagements fret indispensables vers la Maurienne seront repoussés aux calendes grecques. 

Pourtant, l’avis de la Région dit que le projet permettra de diminuer le nombre de camions circulant dans les Alpes. C’est bon pour l’environnement, non ?

C’est louable, mais le projet soumis à notre avis n’envisage absolument pas cela. L’Etat et RFF prévoient une croissance de plus de 50 % du nombre de camions sur les routes alpines d’ici 2035 : cela signifie 720 000 poids lourds de plus chaque année au Mont Blanc et au Fréjus ! C’est inacceptable pour nos vallées alpines et pour quiconque souhaite un autre modèle de développement. Pour nous, le report modal se conjugue avec la relocalisation des activités et se mesure en valeur absolue, pas seulement en pourcentage d’un système où les trafics inutiles ne cessent d’augmenter. 

Mais alors, que faire ?

Pour les marchandises, il faut du volontarisme politique. Or, depuis 10 ans, on a bien un « report modal », mais à l’envers, c’est-à-dire du rail vers la route ! Le fret ferroviaire a été divisé par trois entre 2000 et 2010. La politique de l’’Etat et de son bras armé SNCF y est pour beaucoup. Simultanément, l’Etat français demande aux citoyens français de payer 70 milliards d’euros de subventions au transport routier chaque année. Il faut cesser de subventionner les camions et instaurer enfin une éco-redevance !

C’est à cette seule condition que la liaison Lyon-Turin peut être envisagée favorablement. 

Pour les voyageurs, la priorité doit être aux lignes ferroviaires classiques permettant des circulations entre 200 et 240 km/h, qui satisfont les besoins de 90% des usagers des trains et qui coûtent dix fois moins cher, ce qui permet d’en faire dix fois plus avec le même budget.

Aujourd’hui, nous ne pouvons nous contenter des promesses du gouvernement. Quand Jean-Jack Queyranne se rassure des annonces du Premier ministre, nous nous souvenons que seuls les écologistes ont toujours défendu la priorité au fret ferroviaire par rapport au TGV.

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