Février 2011

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« De l’eau dans le gaz », « majorité en crise », « le torchon brûle »… La presse a eu des mots très forts pour décrire les vifs échanges de l’assemblée plénière de jeudi et vendredi. En fait, chacun des points de friction qui s’y sont fait jour a résulté de divergences de fond connues de longue date. La totalité des votes avait été annoncée à l’avance aux partenaires de la majorité.

Jeudi, ce sont deux visions de l’économie, deux visions de l’évaluation des politiques publiques qui se sont exprimées, et de vraies questions ont été soulevées sur l’équité entre les territoires. Vendredi, les élus écologistes interpellaient le président Jean-Jack Queyranne sur son absence de dialogue social avec les employés de la Région.

Sur toutes ces questions, les élus écologistes ont choisi la cohérence de leurs idées en posant des actes forts.

COMMISSION PERMANENTE

Avant l’assemblée plénière s’est tenue la commission permanente où les élus votent les crédits et les affaires courantes qui découlent des grandes délibérations. La tension a monté sur la question des contrats territoriaux emploi-formation et sur le refus des écologistes de donner un blanc-seing au président Queyranne pour une action en justice contre les parents d’élèves du lycée Mounier de Grenoble alors qu’il n’avait pas respecté le vote de la commission « lycées » sur cette question.

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STRATEGIE REGIONALE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION – SRESRI

Au cours de la préparation de cette délibération, les points de vue ont convergé vers un enseignement centré sur l’étudiant et réparti sur tout le territoire. Pour la recherche, les écologistes ont obtenu la reconnaissance de l’importance des sciences humaines et de la recherche fondamentale. En revanche, c’est seuls qu’ils défendent une vision de l’innovation évaluée à l’aune de son utilité sociale, sociétale et environnementale.

Lire la position des écologistes sur la délibération…

Les élus écologistes avaient prévu de voter pour cette délibération. Néanmoins, ils souhaitaient encore discuter d’un amendement sur l’évaluation de l’impact de la dépense publique. Ils demandaient, entre autres, à avoir une visibilité sur les sommes versées à chaque organisme au fil des années. Une partie du chemin avait été fait, car, face à l’insistance des écologistes, l’exécutif avait proposé un autre amendement moins exigeant qui aurait pu servir de base à une discussion en séance.

Cependant, Jean-Jack Queyranne, président de séance, a opéré un tour de passe-passe [communiqué] qui a empêché l’émergence du compromis. « Sans cela, nous aurions pu nous rejoindre sur un texte commun, regrette Alexandra Cusey, co-présidente du groupe. Jean-Jack Queyranne ne se positionne pas comme l’animateur de la majorité dans son ensemble. Ce mépris de l’assemblée et de son fonctionnement est atterrant ! » C’est pour cette raison que finalement, le groupe n’a pas pris part au vote.

En savoir plus sur l’incident de séance…

Lire l’intervention de Gwendoline Delbos-Corfield et celle de Belkacem Lounes.

Pour : Front de gauche, PS, PRG
Contre : FN, UMP
Abstention : Armand CREUSS
Ne prend pas part au vote : EELV
Rapport adopté

INTRODUCTION DU DROIT D’INITIATIVE CITOYENNE

Cette disposition donnera la possibilité à des citoyens que soit étudié en assemblée plénière un texte faisant évoluer une politique régionale. Cet outil au service de la démocratie participative est l’un des engagements de campagne des élus écologistes, inscrit par eux dans le contrat de mandature. Après Champagne-Ardennes, Rhône-Alpes est la deuxième région de France à adopter cette innovation.

S’il relève de la compétence du socialiste Bernard Soulage, c’est Lela Bencharif, vice-présidente à la démocratie participative, qui l’a fortement soutenu : « C’est une manière très concrète de moderniser l’action publique. Que les questions soumises aux élus nous plaisent ou nous gênent, ce qui est en jeu, c’est notre capacité à écouter l’expression des citoyens. »

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Lire l’intervention d’Eric Piolle…

Rapport adopté
Pour : EELV, PS, PRG, FdG
Contre : FN, UMP

STRATÉGIE RÉGIONALE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET D’INNOVATION (SRDEI)

La stratégie proposée par la Région court tous les lièvres à la fois : l’industrie, l’export d’un côté ; et de l’autre, l’économie de proximité et les marchés locaux. C’est grâce au travail du conseiller écologiste délégué à la nouvelle économie Cyril Kretzschmar que l’économie de proximité a conquis toute sa place dans le texte.

Cyril Kretzschmar a pesé pour orienter la stratégie vers les très petites entreprises, les services locaux, l’artisanat ou le commerce, les associations et l’économie sociale et solidaire, qui représentent ensemble plus de 60 % des emplois.

Les élus écologistes ont aussi fait pression pour que les entreprises prennent plus clairement en compte les enjeux de réduction de l’empreinte écologique. Ils ont aussi obtenu qu’elles soient encouragées à opérer une transition vers une économie de l’usage de préférence au tout-jetable. Enfin, sous l’impulsion du conseiller spécial écologiste Gérard Leras, la Région met en œuvre une réelle stratégie foncière.

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Cependant, cette stratégie n’anticipe pas la nécessaire transition vers une économie écologique. Le groupe a donc présenté un amendement pour demander à ce que cette stratégie s’affranchisse du mythe de la croissance et se concentre sur la satisfaction des besoins de base des citoyens : logement, agriculture saine, éducation, santé, transports, préservation des ressources…

« Toutes ces actions doivent nous permettre de relocaliser notre économie, construire des filières de formation et d’emplois qui permettent d’offrir des alternatives à la fuite en avant insensée de l’économie marchande mal régulée en retissant des liens sociaux trop souvent déchirés », a expliqué Pierre Mériaux dans son intervention.

Cet amendement ayant été rejeté, le groupe écologiste s’est abstenu sur la délibération.

« Le mythe de la croissance est la principale divergence idéologique avec les partis traditionnels, qu’ils soient de droite ou de gauche, regrette Eric Piolle, coprésident du groupe. L’économiste John Maynard Keynes disait que la difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, elle est d’échapper aux idées anciennes qui ont poussé leurs ramifications dans tous les recoins de l’esprit des personnes ayant reçu la même formation. »

Lire aussi l’intervention de Fatiha Benahmed, présidente de la commission économie, et celle d’Eric Piolle …

Pour : PS, Front de gauche (7 votants), PRG, Cyril Kretzschmar
Contre : UMP, FN
Abstention : Front de gauche (3 votants), EELV
Rapport adopté

UNE REGION SANS GAZ DE SCHISTE

Chacun de son côté, les groupes PS et Europe Ecologie – Les Verts avaient chacun travaillé sur un projet de délibération sur les gaz de schiste qui serait dans la veine de la délibération « une région sans OGM » de 2005. Au final, c’est le groupe PS qui a déposé le premier sa délibération. « Il n’était pas question pour nous de faire de ce sujet l’objet d’une bataille politicienne, explique Olivier Keller, conseiller régional très actif dans la mobilisation en Ardèche. Nous sommes heureux de constater que les problématiques environnementales n’appartiennent pas à Europe Ecologie – Les Verts et que d’autres les relayent. »

Les élus écologistes ont proposé de bonifier le texte afin que la commission nationale du débat public soit saisie, et que la Région organise un grand débat citoyen sur la question. Benoît Leclair, vice-président écologiste délégué à l’énergie et au climat, a proposé de replacer la question dans le contexte de la problématique énergétique.

Le lendemain, une manifestation réunissait près de 15 000 personnes à Villeneuve-de-Berg, en Ardèche, dont sept conseillers régionaux écologistes.

Lire l’intervention de Benoît Leclair, vice-président à l’énergie et au climat…
Lire l’intervention d’Annie Agier, conseillère régionale…

Pour : PS, EELV, Front de gauche, PRG, FN
Ne prend pas part au vote : UMP
Rapport adopté

CONTRATS TERRITORIAUX EMPLOI-FORMATION (CTEF)

Avant l’assemblée plénière, la commission permanente de la Région a étudié un rapport sur les CTEF. Les écologistes militent pour que les dotations concernant la formation s’adaptent à la réalité des territoires : « Etre juste, c’est donner plus à ceux qui en ont le plus besoin », estime Philippe Meirieu, vice-président à la formation tout au long de la vie. Les partenaires de la majorité ne l’ont pas souhaité, et Jean-Jack Queyranne s’est emparé du vote négatif des écologistes pour créer une situation d’étranglement et rejeter la responsabilité sur Europe Ecologie – Les Verts.

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Sur le même thème, la vice-présidente Christiane Puthod a présenté une délibération actualisant les CTEF. Les écologistes ont obtenu de renforcer la participation citoyenne dans les conférences locales, comme ils l’avaient fait pour les comités de ligne en décembre. En effet, en tant que vice-présidente écologiste déléguée à la démocratie participative, Lela Bencharif a pour mission d’intégrer la démocratie participative dans tous les dispositifs de la Région.

Pour : EELV, PS, Front de gauche, PRG
Contre : UMP
Rapport adopté

LE PERSONNEL DE LA REGION MANIFESTE

Vendredi, pour la deuxième fois, des gendarmes armés de matériel anti-émeutes étaient postés dans tous les couloirs entourant la salle des délibérations. Ils étaient censés contenir la manifestation des personnels de la Région.

« En décembre, il y avait déjà une manifestation, et l’assemblée avait eu lieu derrière un cordon de gendarmerie, rappelle Eric Piolle. Nous avions prévenu que nous ne siégerions plus dans ces conditions. C’est pourquoi cette fois, nous sommes sortis pour discuter avec les manifestants. Leurs revendications sont légitimes, mais le dialogue social ne passe pas. Ils se sentent ignorés et déconsidérés. »

Les élus écologistes ont donc quitté l’assemblée et ont remis une lettre à Jean-Jack Queyranne pour l’exhorter à dialoguer.

« Sous la pression, le président a fini par descendre de son perchoir et à aller voir les représentants des salariés, explique Alexandra Cusey. C’était la première fois qu’il les rencontrait depuis qu’il est président ! Nous nous en félicitons, même si nous avons bien conscience que tous les problèmes ne sont pas encore résolus. Il appartient maintenant au différentes parties de continuer le dialogue. »

Lire la lettre au Président sur le dialogue social à la Région…

C’est donc en l’absence du groupe Europe Ecologie – Les Verts que l’assemblée s’est poursuivie. Elle a adopté l’idée d’un appel à projets en faveur de l’égalité femmes-hommes. Sur cette question, le grand rendez-vous politique est fixé à l’automne.

Elle va aussi adhérer à un Groupement local de coopération transfrontalière. Cet outil de gouvernance partagé permettra l’émergence d’une grande métropole transfrontalière autour de Genève.

Enfin, la Région a acté des délibérations qui infléchissent un partenariat de développement avec la région de Tombouctou au Mali, ainsi qu’un partenariat économique avec deux provinces d’Argentine.

Les élus FN et UDC ont ensuite demandé à ce que soit constaté le fait que le quorum n’était pas atteint. L’assemblée plénière s’est donc arrêtée, laissant de côté plusieurs vœux, dont, heureusement, un vœu scélérat déposé par le FN qui demandait de rétablir la peine de mort et les expulsions de délinquants étrangers. Malheureusement, un vœu de la majorité sur le lycée Jean-Moulin n’a pas non plus été examiné, alors que justement, il pointait le déficit de dialogue dont souffrent élèves, parents et professeurs. Il sera transformé en lettre ouverte.

EPILOGUE

Suite à cette session très mouvementée, les élus du groupe regrettent que le travail de la majorité, très dense au quotidien, puisse connaître de tels ratés en séance.

« L’arbre ne doit pas cacher la forêt, estime Alexandra Cusey. Globalement, nous travaillons bien avec la plupart des élus de la majorité. Il reste que sur certains dossiers, nous nous heurtons à la pratique de Jean-Jack Queyranne. Plutôt que d’animer la session, il ne fait que l’envenimer. Il y a là une ancienne manière de penser la politique exclusivement en termes de rapport de forces. Aujourd’hui, il nous faut dépasser cet écueil. Nous cherchons au contraire à faire avancer des pratiques de partenariat, de co-élaboration. Nous comptons bien rester dans la majorité pour faire avancer ces pratiques, et faire en sorte que la pensée écologiste réussisse à intégrer une véritable plus-value pour les politiques régionales. »

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