Intervention de Fatiha Benahmed sur la stratégie régionale de développement économique et d’innovation

Benhamed-portrait

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les Conseillers régionaux,

Le dossier qui est soumis à notre vote nous engage pour 4 ans. Le long processus de concertation entre les différents acteurs de l’économie rhônalpine, les partenaires sociaux et les membres de cette assemblée, durant notamment les séances de la commission que j’ai l’honneur de présider, était donc essentiel.

Après ce court préliminaire formel, de quoi s’agit-il ?

Il s’agit de la Stratégie régionale de développement économique et d’innovation. C’est la version 2 pour notre Assemblée, en effet la Version 1 s’est appliquée pendant la période 2005-2010.

1° – Un mot sur la méthode d’élaboration : le choix de la concertation a été bien reçu par les commissaires même si certains ont estimé qu’elle n’avait pas été assez large.

2° – Sur les échanges en commission : A ce niveau je remercie les collègues de notre commission, qui ont enrichit le débat par leur participation

Je citerais d’abord les éléments de consensus :

  • faire de l’espace régional le bon échelon pour conduire une politique économique efficace et coordonnée. Sur la manière de le faire je laisse les groupes exprimer leur point de vue ;
  • affirmer le caractère transversal de la politique économique régionale ;
  • désigner les PME et les TPE comme cible de la SRDEI ;
  • enfin demander de la cohérence en matière de formation et d’emploi.

 

Voici maintenant des remarques plus individuelles des uns et des autres :

  • il convient de préciser le concept d’innovation : l’innovation n’est pas uniquement technique mais l’innovation peut aussi être au service d’un projet de société, de la transformation sociale ou au service de l’émancipation individuelle et collective ;
  • il faut instaurer l’éco-conditionnalité et l’éco-sociabilité des aides régionales ;
  • afin de pouvoir progresser : il s’agit de mettre en place des évaluations et des bilans sur les actions réalisées.

3° – Maintenant je voudrais insister sur le contexte dans lequel nous avons travaillé, contexte qui aura bien évidemment un impact sur la mise en œuvre.

A° – Le contexte international de crises vous ne l’entendez pas mais je mets un S au mot crise et je ne hiérarchise pas mon énumération :

  • la crise financière, qui n’est malheureusement pas derrière nous ;
  • la crise économique qui traduit un basculement du centre de gravité de la planète des pays dits « développés » ou dits « industrialisés », encore que beaucoup aient déjà perdu une grande part de leur tissu industriel, basculement vers les pays dits « émergents » ;
  • et puis vous vous en doutez la crise écologique, avec, pour faire vite, le réchauffement climatique et ses conséquences, la raréfaction des matières premières et les ressources énergétiques fossiles en particulier en Europe, les enjeux environnement-santé, la dégradation de la biodiversité, etc.

 

B° – Le contexte national :

  • La dette publique qui a dépassé 8% du PIB en 2009 et 2010. Le retour à l’équilibre est bien entendu fortement souhaité, il existe en gros 2 façons d’y parvenir, réformer l’impôt ou diminuer les dépenses publiques. Le gouvernement a choisi la deuxième option en supprimant de surcroit des recettes fiscales aux collectivités  Cependant le déficit public ne s’explique pas uniquement par la crise ou les crises, comme il est couramment colporté, mais il s’explique aussi par la baisse des prélèvements et des cotisations sociales. Moins de prélèvements signifie que le délai pour se faire opérer est rallongé, que l’enseignant malade n’est pas remplacé, que les trains circulent moins bien, etc. Or disposer de biens publics de qualité est nécessaire pour assurer la cohésion sociale du pays mais aussi son potentiel de développement. Le choix gouvernemental sacrifie l’avenir au présent.

La réforme territoriale, qui pèsera lourdement sur l’avenir de notre institution, l’émergence des métropoles vient percuter les ambitions régionales dans le domaine du développement économique, alors que l’échelon régional est particulièrement pertinent pour conduire des actions économiques ambitieuses et efficaces. Déjà les régions françaises sont des nains budgétaires au regard des régions européennes. Avec cette réforme elles seront privées encore de recettes fiscales. Le processus est déjà entamé. Enfin une dernière remarque à caractère local : nous sommes appelés à adopter aujourd’hui une SRDEI, mais dans le même temps le gouvernement a livré des pans entiers du territoire rhonealpin aux industriels de l’énergie pour prospection et exploitation des gaz de schiste. Cette décision remet en cause toute l’économie de ces territoires fondée sur la qualité de l’environnement et du cadre de vie. Le gouvernement déssaisi dès maintenant les collectivités de la maîtrise de leur avenir économique en imposant déjà cette réforme catastrophique.

Le contexte économique et social est encore très préoccupant avec des conséquences significatives en matière d’emplois. Ce sont plus de 4 millions de chômeurs inscrits à pole emploi fin décembre 2010.

  • Le Grenelle cet oublié ! on assiste à la diabolisation des énergies renouvelables et du solaire en particulier. J’en veux pour preuve le vocabulaire emprunté à l’univers hostile des traders. Les détracteurs ne parlent plus « d’éco-entrepreneurs » mais de « spéculateurs », les « leviers de croissance vertes » se transforment en « bulles spéculatives ». C’est ainsi que les éoliennes deviennent des épouvantails et la centrale nucléaire un paquet cadeau aux générations futures. La filière photovoltaïque, créatrice de 25000 emplois en 3 ans a été frappée en décembre 2010 par un moratoire, le gouvernement français vient ainsi de mettre la France hors jeu d’un des marchés les plus prometteurs sur le plan économique, social et environnemental. Quid maintenant de l’INES, de Tenerrdis, du cluster eco-énergie ? A quoi serviront-ils s’il n’y a pas de marché domestique ?

 

C° – Et puis quelques remarques personnelles en ce qui concerne la présente proposition : si on peut relever des points positifs, comme :

  • la reconnaissance de l’économie de proximité comme l’un des 2 axes prioritaires ;
  • l’insistance donnée au développement des marchés locaux, ainsi que la place de la maîtrise du foncier ;
  • une place honorable à l’économie sociale et solidaire ;
  • l’utilisation de l’outil « Appel à projet » ;
  • mais l’intégration timide des enjeux écologiques.

 

On peut regretter que l’accent n’ait pas été suffisamment mis sur la nécessaire conversion écologique de l’économie : à ce propos je vous engage à vous reporter aux travaux du chercheur Philippe Quirion pour le compte du WWF, une baisse de 30% des émissions de CO2 d’ici 2020 * sur la base des prix actuels de l’énergie** se traduirait par 684 000 emplois supplémentaires en 2020*** ceci par rapport à un scenario qui ne ferait que suivre les tendances actuelles.

Malheureusement, les engagements pris par les pays développés et les émergents pour 2020 sont si limités qu’ils ne permettront pas d’enclencher le nécessaire recul des émissions de CO2 à cette date, ce qui signifie que les efforts à réaliser par la suite seront plus intenses donc seront plus coûteux.

Le Plan Climat Régional devra être un levier majeur de la stratégie régional du développement économique et de l’innovation.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les conseillers régionaux, agir dès aujourd’hui coûtera beaucoup moins cher que demain si nous restons inactifs.

Nous vous remercions.

 

N.B.

  • base 1990
  • ** 100$ le baril de pétrole
  • *** en tenant compte des emplois perdus

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