Session Santé 07/09/2012 – Intervention de Thierry Brochot

P1040620

 Monsieur le Président,

Monsieur le Président du CESER,

Monsieur le Directeur général de l’Agence régionale de santé Picardie,

Chers collègues.

 

Il est inutile, après tout ce qu’ont dit mes collègues, de m’appesantir à mon tour sur les indicateurs de santé en Picardie comparés au reste du territoire. Tout le monde est d’accord, ils ne sont pas bons.

 

Il nous semble donc plus utile d’essayer de poser les bases d’un diagnostic des causes qui pourraient expliquer que la Picardie se situe dans le peloton de queue d’à peu près tout ce qui se mesure dans le domaine : espérance de vie, mortalité prématurée ou prévalence des affections chroniques, mais également offre de soins et démographie médicale.

 

La première piste on peut l’explorer du côté de l’environnement : nous sommes une région majoritairement rurale et agricole et chacun connaît désormais la toxicité de nombreux pesticides et fertilisants de synthèse ainsi que de certains additifs comme l’aspartame utilisés par l’industrie agro-alimentaire. Nous sommes également une région qui, même si elle est en déclin, a longtemps été industrielle. Là encore, les conditions de travail et la pollution des milieux dans lesquels travaillent les ouvriers prennent toute leur part dans le constat. Je suppose, M. Le Directeur que François Veillerette, qui est en charge de la politique de santé environnementale de la région, interviendra dans le débat pour vous interpeller sur ces points.

 

Mais un autre facteur nous semble tout aussi déterminant à qui chercherait les causes des mauvais chiffres dela Picardie. Ondoit, selon nous, mettre nos indicateurs sanitaires en regard des indicateurs sociaux. D’autant plus que le déséquilibre observé sur le territoire national, nous le retrouvons également à l’intérieur de notre région. Ce sont ceux de nos territoires les plus fragilisés sur le plan de l’emploi et qui comptent le plus d’allocataires sociaux qui sont les plus exposés sur le plan de la santé. Certains facteurs simples y contribuent. La précarité énergétique par exemple. Quand on n’a plus les moyens de payer la facture de chauffage, on en vient à renoncer à l’essentiel. On se retrouve dans un logement humide, de proche en proche, on développe des problèmes respiratoires. Et puis évidemment, il y a tous ceux qui, à force qu’on ait rogné sur la solidarité à coups de tickets modérateurs, de 50 centimes sur chaque boîte de médicament, ceux qui n’ont plus les moyens de se payer une complémentaire santé, renoncent, purement et simplement à se soigner. C’est aussi simple que ça. Et ça se traduit en chiffres morbides. Cancers, diabète et maladies cardio-vasculaires touchent en plus grand nombre les plus modestes d’entre nous. Doit-on l’accepter, ou plutôt, peut-on s’y résigner ?

 

Ce qui est terrible, c’est que le remède à ces maux, ou plutôt les remèdes, ils sont connus. Et ils sont à la portée, y compris budgétaires, de qui voudrait s’attaquer vraiment au problème. Mais il semble que la loi HPST du 21 juillet 2009 leur ait tourné le dos au profit d’une logique d’apothicaire (oui, oui, c’est fait exprès) de centres de coûts, centres de profits, tarification à l’acte et équilibre comptable.

 

Parmis les remèdes quels sont ceux autour desquels nous pourrions tous nous retrouver ? Lutter contre les inégalités bien sûr. En amont, certes, de toutes nos forces, mais également dans la mise en place d’une péréquation juste entre les régions, notamment pour ce qui concerne les équipements et l’offre de soins. En réseau, aussi, pour que soient connectés les différents acteurs de tous les échelons, l’ARS, votre agence, Monsieur le Directeur général, et aussi les services sociaux des départements et les centres communaux d’action sociale si nous convenons du lien de causalité qui existe entre la précarité sociale et la précarité sanitaire.

 

Et puis, prévention ET éducation, LES deux investissements les plus rentables que nos sociétés aient jamais inventé. En cette période de rentrée scolaire, il faut rappeler que l’éducation à la santé doit prendre toute sa place dans nos écoles, que ça soit pour l’hygiène bucco-dentaire comme pour la nutrition et l’information sur les conduites à risque – toxicomanies, tabac, alcool. Et ça passe par le renforcement des effectifs de la médecine scolaire, praticiens et infirmières à tous les échelons du parcours : maternelle, primaire, collège, lycées, centres de formation, établissements d’enseignement supérieur.

 

Voilà, ce ne sont que deux ou trois aspects, à peine survolés, que les écologistes souhaitaient souligner avant même que le débat s’engage au sein de cette assemblée.

 

La santé est une des rares problématiques dont on peut affirmer qu’elle touche tout le monde tout au long de sa vie. Moins que toutes les autres, elle ne saurait être réduite à la seule question des moyens. Moins que toute autre, nous ne saurions accepter que insidieusement, de proche en proche, elle soit sous-traitée à quelques intérêts trés particuliers, je pense notamment aux assureurs, cliniques et laboratoires pharmaceutiques privés. 

 

Depuis la fin de la dernière guerre, notre système d’assurance-maladie est au coeur du sens que notre société a voulu donner à un idéal de solidarité et d’universalité. C’est notre responsabilité collective que de continuer à faire vivre cette vision dont, parfois, au hasard des lois qui sont votées,  des textes qui sont appliqués et des décisions qui sont prises nous avons le sentiment qu’elle a été un peu oubliée.

 

Je vous remercie.

Remonter