La région Île-de-France a besoin de Méditerranée !
Après une minute de silence pour le peuple syrien lors de l’assemblée plénière régionale, c’est avec un enthousiasme manifeste que les conseillers régionaux Europe-Ecologie-les-Verts ont voté, ce 17 février 2012 une nouvelle politique régionale pour la Méditerranée.
Saisissant l’opportunité historique des révolutions du monde arabe pour inventer de nouveaux modes de coopération internationales basés sur les échanges de société civile à société civile et des relations institutionnelles équilibrées, les élus EELV se réjouissent d’entamer ainsi un processus de soutien à la transition démocratique de la rive Sud de la Méditerranée. Un appel à projets sera mis en place fin 2012, à destination des Franciliens, afin de soutenir des projets citoyens, d’échanges, d’apports mutuels sur la vie démocratique entre les populations de part et d’autre de la Méditerranée.
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Intervention générale sur le rapport cadre Méditerranée
CR 24-12
Michel BOCK
Monsieur le Président, Monsieur le Vice-Président.
De quoi parle-t-on quand on parle de la Méditerranée ? Aujourd’hui nous parlons de révolutions. Hier, nous parlions de dictatures… Et c’est là toute la différence. C’est cette différence qui est à l’origine de la présentation de ce rapport cadre. C’est cette différence qui fait aussi tout son intérêt.
Et pour cause. Reparlons un peu du passé : le président Sarkozy, a lancé en 2008, l’Union Pour la Méditerranée, après l’échec du processus de Barcelone lancé en 1995. L’UPM n’a pas fonctionné. Institutionnelle, volontairement apolitique, elle visait principalement des objectifs économiques et de régulation de l’immigration. Elle proposait une dissociation imaginaire et impossible entre le politique et le technique, (ouvrez les guillemets) « comme si l’existence d’un système de corruption généralisé et le non respect de l’Etat de droit étaient conciliables avec un développement durable » explique même un directeur de recherche à l’IRIS. En réalité, l’UPM ne pouvait pas marcher : on ne peut mettre de côté les différends politiques et les questions relatives aux droits de l’Homme ou à la démocratie indéfiniment. On ne peut concilier les institutions entre elles sans travailler les relations entre les peuples et les régimes.
Depuis un an maintenant, en Egypte, en Tunisie, et ailleurs du côté de la rive Sud de la Méditerranée, tout a été chamboulé. Les fondements mêmes de l’UPM sont ébranlés, à savoir les deux piliers sur lesquels elle reposait : le tandem Sarkozy-Ben Ali, d’une part, et le tandem Berlusconi-Khaddafi de l’autre. Paris, aveuglé par de petits arrangements entre amis, n’a rien anticipé, n’a pas soutenu le renforcement de la société civile, n’a pas aidé à la survie d’oppositions politiques.
C’est pourtant ce qu’il aurait fallu faire, et c’est en tout cas ce que notre région s’apprête à faire.
Il ne sert à rien de dresser des murs contre des peuples différents ou contre l’Islam, d’utiliser la Méditerranée comme une zone tampon des migrations, de créer des lignes de défense militaires et politiques. Fonder des relations avec une zone géographique large et multiple implique plutôt de mettre en place des moteurs politiques et citoyens.
Le rapport que vous présentez aujourd’hui, M. le Vice-Président est le fruit de débats, auquel notre groupe a contribué. Il a un grand mérite : celui de saisir l’opportunité historique des révolutions du monde arabe pour refonder des relations institutionnelles et des relations entre les peuples. Ces relations se basent désormais sur un système de valeurs communes portées par la démocratie. Et notre groupe politique se réjouit de participer aujourd’hui à la création d’un outil qui favorise les échanges de société civile à société civile, qui souhaite accompagner les transitions démocratiques et qui soutient le maintien des libertés fondamentales acquises. le rapport présente aussi la poursuite et le lancement de coopérations nouvelles, notamment avec la Palestine. Avancée forte selon nous, en raison de la prégnance du conflit israélo-palestinien dans cette région du monde.
Ce rapport était aussi une nécessité en Île-de-France. « Notre région a besoin de Méditerranée » C’est vrai ! En effet, un tel rapport est plus qu’attendu par les franciliens, qui sont liés, de près ou de loin aux difficultés par lesquelles leurs familles ou leurs amis sont passés dans les pays de la Rive Sud de la Méditerranée. Les révolutions ont un fort écho dans notre région où depuis plus d’un an maintenant, ne se passe pas une semaine sans qu’il n’y ait une manifestation. C’est dire si notre région est solidaire. C’est dire si nous aussi nous avons une côte sur la mer Méditerranée.
Car nombreux sont les franciliens à être issus de l’immigration, de 1ère, 2ème, 3ème génération, souvent attachés à leurs origines. Ces jeunes et moins jeunes suivent de près les pays où ils ont parfois leurs racines ou d’où ils ont dû parfois partir en raison des régimes où la parole politique n’était pas toujours possible. Ils sont interpellés, émus, en colère. Ils ont été révoltés par les attitudes françaises au début des révolutions. Et ils ne sont pas les seuls…
Parce qu’en Tunisie, en Egypte, en Algérie, tien n’est gagné. Les révolutions sont loin d’être radieuses, loin d’être terminées. Sont-elles instrumentalisées ? sans doute. Le personnel des anciens régimes se recycle en catimini. C’est vrai aussi. Mais si elles sont forcément chaotiques et dureront peut-être des décennies, cela ne justifierait en rien que l’on ne soit pas du côté de la démocratie. Contenons)nous de là où nous sommes d’appuyer le processus en cours, de respecter les choix des peuples tout en restant vigilants sur le respect des libertés.
Nos craintes et nos espoirs qui sont aussi ceux de nos concitoyens franciliens ne doivent pas être l’occasion de donner des leçons à un peuple qui n’en a pas eu besoin pour faire sa révolution et se serait même bien passé d’appuis aux dictatures passées. Alors réjouissons-nous de ces changements et accompagnons cette effervescence sans pour autant tenter de les guider ou de les dévier. Notre groupe sera plus qu’attentif à ce que nous ne retombions pas dans l’erreur d’un colonialisme détourné.
Aidons à la naissance de mouvements politiques qui ne nous ressembleront pas nécessairement. Ces peuples peuvent se vanter d’avoir réussi seuls ce dont l’Europe n’oserait pas rêver : c’est nous qui allons apprendre d’eux. Et non l’inverse. Notre groupe se réjouit de la possibilité d’une orientation nouvelle dans les coopérations internationales.
En ce sens, nous voterons bien évidemment favorablement ce rapport.
Michel Bock
1 commentaire(s)
[…] Une nouvelle politique de coopération à destination des pays méditerranéens http://elus-idf.eelv.fr/la-region-ile-de-france-a-besoin-de-mediterranee/ […]