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Execution budgétaire : éviter l’étrange défaite

Intervention de Jean-Marc Pasquet

 

Dans cette intervention relative à la situation financière de la Région Ile-de-France, souvenons nous de ce qu’écrivait l’historien Marc Bloch dans les temps sombres. A quelques jours des résultats des élections européennes, les « solutions théoriques » portées par les conseillers paient rarement.

I. L’exécution du budget

L’exécution budgétaire est bonne, la meilleure sans doute depuis le début du mandat. Nous constatons la sincérité du budget 2013 au regard de sa réalisation et le respect des équilibres politiques qui avaient été trouvés à l’occasion des discussions budgétaires, tel qu’adopté par notre assemblée.

L’investissement (1.675 M€ en CP), en particulier pour les compétences obligatoires – secteurs des transports (631 M€ en CP) et des lycées (370 M€ en CP), l’aménagement (73 M€) mais aussi les priorités politiques définis en début de mandate comme le logement (137 M€ en CP)-> plus d’un milliard d’euros sur la mandature.

Nous saluons ce bilan et son corolaire (par la voie d’un amendement dans les discussions budgétaires) en matière d’évaluation par la création d’un observatoire de l’exécution budgétaire et sa réunion en Commission des Finances à cette rentrée, sans attendre la fin de l’année et les bleus budgétaires pour découvrir d’éventuelles difficultés dans tel ou tel secteur.

Néanmoins, j’en viens à deux points cruciaux tels qu’ils ont été abordés par différentes orateurs et sur lesquels mon groupe marque sa singularité.

C’est la question de…

II. La question de la dépense publique et de la dette

Un procès émerge ici et là, sans qu’on ait tiré tous les enseignements récents des politiques « d’ajustements » fondées sur le coupage de la dépense publique.

Premièrement. Permettez moi de rappeler que pour 1 euro d’emprunt, la région continue de financer plus de deux euros d’investissement.

Deuxièmement. Chaque euro d’investissement génère à son tour trois ou quatre euros d’investissements supplémentaires d’autres collectivités qui sont autant de commandes passées aux entreprises et d’emplois locaux : c’est le cas des chantiers sur lesquels nous sommes maître d’oeuvre (lycées).

Il est important réhabiliter la dépense publique, particulièrement en temps de crise où elle agit comme un levier pour sortir du marasme et du spectre de la déflation.

A ce titre de nombreux économistes – dont les Stiglitz, l’OFCE, mais aussi Olivier Blanchard (chef économiste au FMI) – et encore récemment le prix Nobel d’économie M. Krugman dans une tribune du NYT (16 novembre dernier : « la stagnation séculaire » la nécessité d’une relance par l’investissement.

D’autant plus indispensable qu’elle nous permettrait de faire face à une véritable « trappe à investissement » d’un secteur des entreprises en lien avec sa crainte d’une trop faible rentabilité de ceux ci, doublée de celle d’une remontée des taux : autant de faits – réels ou fantasmés- qui plaident en faveur d’investissements publics dont la rentabilité attendue est plus conforme à l’engagement de long terme (réseaux, fibre optique, TC…), de nos politiques régionales.

D’autant que :

- les taux d’intérêt des grands investisseurs n’ont jamais été aussi bas (la région est passée d’un taux moyen annuel de 2,71% à 2,46% en un an) : le coût de la dette est faible

- baisse des taux qui nous ont permis de diminuer la charge de la dette tout en musclant notre section d’investissement.

C’est là un cycle vertueux qu’il nous faudrait briser en écoutant les docteurs de la dépense publique qui verraient bien guérir « le malade imaginaire » qu’est la France (P. Kruggman) de nouvelles saignées sans dire où les pratiquer et encore moins le pourquoi.

Notons à ce titre que la Région Île-de-France a réussi une émission obligataire « verte et responsable », portant sur plus de 600 millions d’euros au taux exceptionnel de 2,375% auprès d’investisseurs socialement responsables (ISR).

Les projets qui seront financés par cette opération devront nécessairement respecter onze critères précis concernant la transition écologique, la lutte contre le changement climatique, ou encore la lutte contre les inégalités. Autant d’éléments de l’Actif d’un bilan : j’entends sur d’autres bancs qu’il faudrait diminuer le Passif du bilan de la région de l’endettement sans se plier à l’exercice concomitant qui serait de pointer les réalisations à stopper en contrepartie.

Pour autant, nous devons…

III. Faire face aux contraintes et à nos responsabilités

Elle sont liées aux répercussions à court terme de la diminution programmée des transferts de l’Etat. Devons nous anticiper de manière brutale sur notre prochain budget ces baisses de dotations sans avoir de lisibilité sur la partie compétences, c’est-à-dire sur la partie dépenses de notre budget.

C’est là où doit s’imprimer la volonté publique qui a davantage besoin de vision que de coups de volant sous la pression médiatique. Car notre épargne brute est stable, proche de 740 millions d’euros et, si on prend l’option qu’il puisse faire face à dix années d’endettement de notre collectivité, nous avons des marges de manœuvre importantes.

Alors que la reprise de l’activité annoncée peine à se concrétiser, , nous ne participerons à un mouvement qui serait de renier dix années de politiques publiques, de mettre un terme brutal à toutes nouvelles opérations car appelons un chat un chat, diminuer la voilure budgétaire de 100, 200, 300 me, c’est répondre par la panique là où nous attendons de nous certitude, conviction et donc constance.

Nous adoptons ce CA car il répond à cette triple attente.

Chers collègues, à la rentrée budgétaire, ne mettons pas en œuvre des recettes qui sont en échec ailleurs.

Permettez moi de citer, je crois que l’évocation mémorielle récente à un sens, quand l’historien Marc Bloch, peu avant son exécution, voit dans « l’étrange défaite » une responsabilité partagée, dans ces étapes, ces 25 mai à marquer d’une pierre brune, « le culte du beau papier », la « dilution de la responsabilité » et le poids des « solutions théoriques » sans que « personne n’ose élever la voix (…) ou remettre en cause les idées reçues ».

Il y a dans ces réformes territoriales de coin de table, des équilibres budgétaires dictés par Excel, et de ces conseillers endogames les ferments d’un naufrage dont nous pouvons éviter les écueils à la rentrée.