Séance plénière du 16 décembre 2013: Discours de politique générale par Perrine Hervé-Gruyer

Séance plénière

C’est avec une citation de Nelson Mandela que je souhaite entamer cette allocution :

 

« Seuls les hommes politiques qui gardent les bras croisés sont à l’abri des erreurs. Les erreurs sont inhérentes à l’action politique. Celui qui est au centre d’une lutte politique, qui doit répondre à des problèmes pratiques pressants sans avoir le temps de la réflexion et alors qu’aucun précédent ne peut le guider, celui-là est amené à faire de nombreuses erreurs.

(…)

Le nouveau monde ne sera pas construit par ceux qui restent à l’écart les bras croisés, mais par ceux qui sont dans l’arène, les vêtements réduits en haillons par la tempête et le corps mutilé par les évènements… »

 

N’allez pas comprendre, Monsieur le Président, cher-e-s collègues, que par cette introduction, je veuille nous voir « réduits en haillons par la tempête et le corps mutilé par les évènements » au sein même de cet hémicycle…

Cette citation m’inspire plutôt l’idée de nous accrocher toujours à la foi d’agir dans l’intérêt général et avec bon sens.

En effet, dans un contexte où la foi en la politique et les politiciens s’amenuise de jour en jour, il faut savoir garder le cap, celui de l’intérêt général aujourd’hui et demain.

Tandis que les incivilités sont fréquentes (bien trop fréquentes), les atteintes à la République renouvelées et l’insatisfaction latente, il nous revient à nous, élu-e-s, de déjouer le piège de la facilité.

Cette facilité qui tend par exemple à décliner le « ras-le-bol » fiscal à tous les temps et d’en faire l’alibi de nombres d’actions….

 

Eco-taxe, equi-taxe, aqua-taxe…. tant de préfixes sont certes à s’y perdre ! Mais au final, ceux qui crient au ras-le-bol fiscal sont ceux qui souhaiteraient user de l’outil législatif ou réglementaire pour d’autres intérêts… les leurs ou ceux de leurs amis, en toute iniquité, avec comme objectif de semer la zizanie.

 

Alors un seul mot d’ordre « bon sens » !

 

Bon sens, oui, car il est de mise. Prenons l’exemple de l’éco-taxe, cette taxe nationale sur les véhicules de transports de marchandises également appelée « taxe poids-lourds » : beaucoup de choses ont été dites à son sujet. Son report a été abusivement mêlé à la problématique bretonne. Peu ont rappelé que son but est de remplacer la taxe à l’essieu, qui ne s’applique qu’aux poids-lourds français et pas aux étrangers, et ne tient pas compte du nombre de kilomètres parcourus. Or, aujourd’hui 25% des poids-lourds roulant en France sont immatriculés à l’étranger, ne s’acquittent donc pas de la taxe à l’essieu, et ne participent pas à l’entretien du réseau routier français qu’ils dégradent pourtant. Et que dire de l’impact de ces camions en termes de trafic, de bruit, d’accidents et de pollution.

On omet encore de rappeler que ces poids-lourds étrangers venant livrer en France des produits agricoles produits hors de notre pays, et ne payant pas la taxe à l’essieu représentent, de fait, un avantage considérable donné aux produits agricoles étrangers par rapport à la production agricole française. Pour autant, aucun de ces éléments n’a été pris en considération par les agriculteurs qui ont manifesté devant la Préfecture, à Evreux le 29 novembre dernier. Ceux-ci étaient en majorité des céréaliers venus d’Île-de-France, tentant de semer – faute de mieux en cette saison – les grains de la colère dans notre Région cristallisant tantôt leur mécontentement sur l’éco-taxe, tantôt sur les changements à venir au titre de la nouvelle PAC.

 

Puisque le produit de cette taxe devrait être affecté aux transports, elle permettrait de financer les investissements en infrastructures, non seulement par les contribuables français mais aussi par les poids lourds étrangers.

 

La Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la République tchèque, la Slovaquie ont déjà institué ce type de redevance. En Suisse par exemple, le bilan de cette taxe est positif : le fret routier a cessé d’augmenter en proportion, et les professionnels ont optimisé le remplissage des camions, améliorant ainsi la productivité du secteur du fret routier. En outre la redevance suisse a pris en compte toutes les externalités, y compris les dégâts aux cultures agricoles causés par les poids-lourds le long des routes.

Précisons encore que les engins agricoles, les camions de ramassage de laits et quelques autres catégories de véhicules sont exemptés de la taxe.

 

Nous ne revendiquerons pas ici l’application de cette éco-taxe à notre seule Région comme peuvent le faire nos amis basques, mais la réclamons à l’échelle hexagonale !

 

 

« Bon sens » donc qui veut que l’on tente de construire plutôt que d’avoir à réparer, compenser sans cesse. A ce titre la transition écologique de notre économie est une véritable alternative. Dans notre région, le projet d’éolien offshore montre la voie. Nous ne pouvons qu’ici appeler de nos vœux une issue favorable en 2014 pour l’appel d’offre inhérente au site du Tréport. C’est du succès de ce projet que dépendra une réindustrialisation souhaitable, car écologique, durable et non délocalisable en Haute-Normandie ! Le but est bel et bien de fixer des moyens de Recherche et Développement puis de production d’éoliennes nationaux, voire régionaux, ce, d’un bout à l’autre de la chaîne. En jeu : 800 emplois directs dans les usines havraises, et beaucoup plus dans les PME / TPE de la région qui ont déjà été repérées et font l’objet d’accompagnement pour être certifiées.

Et quand la transition énergétique croise la volonté politique c’est l’innovation technologique qui décolle : à titre d’exemple, dans cet appel d’offre figurent des éoliennes d’une capacité de 8 Mégawatts (contre 5 disponibles actuellement) qui seront mises au point et installées sur ce site, permettant ainsi de réduire le parc à une soixantaine d’éoliennes espacées d’un kilomètre, ce, pour le plus grand bonheur des pêcheurs…

 

Et puisque nous parlons de pêche, bon sens encore, où étais-tu quand le 10 décembre dernier les élus européens ont rejeté, à l’issue d’un vote, certes serré, un projet d’interdire le chalutage en eaux profondes, réputé très destructeur pour les fonds marins, pour la diversité de la ressource halieutique, pratique reine du gaspillage et présentant une dépendance au fuel cruciale.

Aucune viabilité économique, environnementale ou même sociale dans ce type de pêche dont la société Intermarché est leader en France, et qui a jusqu’alors réussi à pérenniser ces pratiques à grand renfort de fonds publics…

 

 

Bon sens enfin….

 

La Commission européenne a réclamé récemment 335 millions d’euros d’aides versées irrégulièrement à leurs agriculteurs par 15 Etats membres de l’Union Européenne, dont la moitié en France.

La France, qui se doit de vérifier si les conditions fixées par l’Union Européenne, notamment le respect de règles environnementales, sont bien observées, devra ainsi rembourser 152,4 millions d’euros d’aides qui ne respectent pas ces conditions.

Ces fonds seront reversés au budget de l’Union européenne.

 

Enfin, les changements de la PAC à venir et une redistribution des Droits à Paiement Unique (DPU) à l’échelle nationale laissent entrevoir une baisse de ceux-ci d’environ 95 euros par hectare pour les agriculteurs haut-normands.

Le bon sens voudrait donc que les règles environnementales fixées par l’Union Européennes soient respectées afin qu’un maximum de subsides de la PAC soient assurés. Il voudrait encore que pour parer à la baisse prévisible de DPU et donc de revenus pour beaucoup d’agriculteurs haut-normands, une transition s’opère en termes de pratiques agricoles et vise à baisser les charges d’exploitation. Nous savons que pour nombre d’agriculteurs ce virage est difficile à négocier.

Pourtant – et Claude Taleb y reviendra plus en détails tout à l’heure – les nouveaux pouvoirs conférés aux régions comme autorités de gestion des fonds européens, notamment du FEADER, laissent entrevoir la faisabilité d’une coopération et une démarche collective à entamer pour aller dans ce sens.

Si l’on devait résumer ici, sans cynisme aucun, cette notion de bon sens, il s’agirait de dire : « Aide-toi et la Région t’aidera ».

 

Pour télécharger cette intervention en pdf, c’est ici.

 

Remonter