Le classement du Littoral et de la Vallée de la Seine au patrimoine mondial de l’UNESCO: véritable projet de territoire ou « développementdurable.com»?
Le Président du Département de Seine-Maritime a annoncé son intention de déposer les candidatures de la Côte d’Albâtre et de la Vallée de Seine au titre du classement au patrimoine mondial de l’Unesco, au regard de leur valeur historique, culturelle ainsi que la richesse écologique de ces sites.
Cette idée du classement, notamment de la vallée de la Seine, au patrimoine mondial de l’UNESCO est ancienne. Elle constitue un projet fédérateur et positif qui permet de coordonner les énergies pour préserver et valoriser d’une façon dynamique un patrimoine par ailleurs menacé. Les élu-es EELV au Conseil régional défendent activement ce projet depuis le renouvellement de l’assemblée régionale, en mars 2010.
Le classement de la Seine au patrimoine mondial de l’UNESCO est un enjeu régional. Mais faut-il rappeler à Didier Marie que la Seine, comme tous les fleuves, a deux rives, et qu’elle ne s’arrête pas à Caudebec les Elbeuf ?
Un projet de classement de la Seine au patrimoine de l’UNESCO, notamment si celui-ci vise à s’appuyer sur la valeur patrimoniale du territoire liée aux impressionnistes, doit associer – a minima – le Département de l’Eure car il est évident qu’un éventuel classement de la Seine devra inclure dans son périmètre d’étude la vallée jusqu’à Giverny, ainsi que les paysages de la rive sud situés sur le département de l’Eure.
Le portage adéquat d’un tel dossier ne peut être envisagé, si l’ambition réelle est de parvenir à un résultat, qu’au niveau régional. Voire inter-régional si on considère que la rive sud de l’embouchure de la Seine avec Honfleur et la côte fleurie (qui pourrait faire parti d’un périmètre de classement intéressant) jusqu’à Houlgate sont en Basse-normandie.
En plus d’être une « mauvaise manière » faite à la Région, cette initiative qui méprise la moitié des territoires concernés par ce classement risque d’handicaper la réussite même du projet en affaiblissant sa cohérence.
L’UNESCO, cache-misère de la « bétonisation » de la Seine conduite par le Département 76 ?
Comment ne pas lier une candidature de classement au Patrimoine Mondial de l’UNESCO et le processus actuel de classement (national) des boucles de la Seine ?
Et c’est là que le bât blesse… Le Vice-Président du CG 76, Frédéric Sanchez (en charge de la valorisation économique, environnementale et touristique de la Seine…), sous la casquette « Vice-Président de la CREA au développement durable », écrivait au Préfet le 24 décembre 2008 pour demander de sortir du périmètre de classement les zones U et AU (urbanisation future) de la boucle de Roumare. Cette demande a, naturellement, été rejetée par la Préfecture, représentante de l’Etat et donc d’un gouvernement qui ne brille pourtant pas par ses ambitions écologiques…
Plus grave. Dans le cadre du « fameux » projet « Grand Seine 2015 », porté par le CG 76, on constate que la quasi-totalité des fiches actions ne concerne que l’aspect « développement économique » de l’axe seine. Pire, « Grand Seine 2015 » a été l’occasion pour le Département de surseoir à ses engagements en portant à la baisse les crédits dédiés à « la restauration des berges de la Seine et de ses annexes hydrauliques ». En effet, dans le Contrat de projet 2007-2013, le Département s’était engagé, dans le cadre des mesures environnementales liées à l’arasement du chenal de la Seine, à participer à hauteur de 54 millions d’euros[1].
Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Rien. Ou quasi. Ce sont 50 millions d’euros d’engagement sur des mesures environnementales en faveur de la renaturation de la Seine qui ont été abandonnés par le Département.
Si le Département 76 souhaite agir en faveur de la préservation de la Seine, il nous apparaît utile qu’il commence par respecter ses engagements et assume les compétences qui sont les siennes.
La stratégie du « développementdurable.com » a ses limites. L’environnement subit déjà de la part du Gouvernement une politique d’affichage « bling bling » sans action réelle. Il est déplorable de voir un beau projet servir d’alibi à une collectivité locale de Gauche pour masquer une politique environnementale exsangue.
La richesse naturelle et historique de la Vallée de Seine et sa place dans le vécu et l’imaginaire de ses riverains (et au-delà) méritent mieux que le cynisme consistant à porter aux nues ce, qu’en réalité, on bétonne et l’on détruit.
[1] Sur un budget global du Département de 85M€ pour les actions de dragage et les mesures environnementales.