Débat d’Orientation Budgétaire 2013 : intervention de David Cormand
Monsieur le Président, cher-e-s collègues,
Comme le souligne le rapport du Président notre société traverse une grave crise économique.
Certains incrimineront la politique du Gouvernement.
D’autres cibleront, à juste titre, les politiques néo libérales menées partout dans le monde qui ont privilégié les intérêts de la finance contre ceux de l’économie réelle.
Ainsi, les dettes des états qui servent actuellement de prétexte aux politiques d’austérité sont d’un montant comparable à la somme des intérêts versés aux marchés financiers depuis que les états ont l’obligation de se financer auprès d’eux plutôt que de recourir à leur banque centrale.
Ce sont les mêmes marchés qui ont spéculé contre la Grèce conduisant l’Europe au bord du gouffre.
Incriminé, le déficit public de la Grèce qui devrait atteindre 5% du PIB en 2013 alors que la fraude fiscale est trois fois plus importante, estimée à 15% du PIB.
Cependant, il n’est pas possible d’appréhender cette crise que par une approche classique opposant politiques keynésiennes et néolibérales, la crise est avant tout écologique.
C’est l’épuisement des ressources naturelles qui entraine la perte de compétitivité progressive de notre système productif.
Pour la seule année 2012 nos importations d’énergies fossiles ont représenté 69 milliards d’euros.
Nous n’avons pas d’autre alternative que d’engager la transition écologique de notre économie pour réduire notre dépendance énergétique, créer des emplois pérennes tout en préservant notre environnement.
J’illustrerai mon propos par deux secteurs d’activités qui font l’objet de mesures spécifiques pour 2014.
Tout d’abord l’agriculture.
Les difficultés de ce secteur ont été mises en avant par la fronde contre l’écotaxe.
Je précise que nous sommes favorables au principe d’une écotaxe mais que nous dénonçons la façon dont le précédent gouvernement l’avait conçue.
Le journal Médiapart a révélé les conditions troubles dans lequel le Partenariat Public Privé (PPP) a été attribué au consortium Autostrade qui s’est vu garantir, pour une mise de fonds de 30 millions € de capital, un revenu de 3,2 milliards €, plus de 100 fois la mise initiale, 10.000 % de rendement !
En outre, l’écotaxe prévoyait d’exonérer le transport international pourtant celui là même que l’on cherche à transférer sur le rail ou le fleuve.
Il serait peut être temps pour Monsieur Borloo d’arrêter de donner des leçons au Gouvernement et qu’il s’explique sur ce qui s‘apparente pour un énième scandale des PPP.
Pour autant, le modèle agricole breton basé sur une production de masse est bien en crise, incapable de faire face à la montée de la concurrence, en particulier de l’Allemagne, qui pourtant applique l’écotaxe.
L’agriculture bretonne a avant tout besoin de monter en gamme vers un modèle plus respectueux de l’environnement et qui valorise les savoir-faire notamment dans la transformation.
C’est ce secteur qui est le plus en difficulté car les animaux élevés en Bretagne sont envoyés pour être transformés en Allemagne du fait du faible coût de transport.
Dans ce contexte, une écotaxe juste et efficace aurait pu jouer un rôle de bouclier pour l’agriculture bretonne.
Malheureusement il est plus facile d’incriminer les mesures environnementales plutôt que de s’attaquer aux sources du problème et d’engager un changement de modèle agricole.
C’est pourtant l’espoir que nous formons pour la Haute-Normandie et ce pourquoi nous attachons beaucoup d’importance aux travaux menés par notre collègue Claude Taleb dans le cadre du transfert de la gestion des fonds européens FEADER. Cela sera une opportunité pour la Haute-Normandie de renforcer sa politique de soutien à l’Agriculture biologique et de faire évoluer les dispositifs d’aide en faveur d’une agriculture plus durable, créatrice de valeur ajoutée, d’emplois pérennes et respectueuse de l’environnement.
Ce budget sera également l’occasion de favoriser le développement du secteur de la rénovation thermique qui pourrait créer dans notre région 4.000 emplois pérennes.
Nous avions fixé dans notre SRCAE un objectif de rénovation de 20.000 logements par an. Cependant le système actuel basé sur l’emprunt et les subventions a montré ses limites et se révèle incapable de relever ce défi.
Le moment est venu de faire évoluer notre politique en créant une structure de tiers financement régionale.
Dans le cas du tiers financement, le propriétaire n’emprunte pas auprès des banques, c’est la structure de tiers financement qui réalise à sa place l’opération et perçoit en contre partie un loyer équivalent à la valeur de l’énergie économisée par les travaux.
C’est pourquoi nous nous réjouissons que la Région engage dès 2014 une étude pour la création d‘une structure régionale qui s’inscrit en cohérence avec les annonces du Président de la République lors de la conférence environnementale de créer une structure nationale de tiers financement complétée par la création d’un fonds de garantie et qui pourra s’appuyer, par exemple, plus localement sur la future métropole rouennaise dotée de la compétence Energie.
Sans développer plus avant le sujet de la transition écologique de notre économie je souhaite également souligner les progrès réalisés en faveur de la protection et de l’éducation à l’environnement.
L’année 2014 verra le lancement de deux appels à projets l’un en faveur de la biodiversité et l’autre de l’éducation au développement durable qui permettront de mieux répondre aux attentes des citoyens et besoins des territoires.
Parallèlement la Région poursuivra les travaux d’élaboration de son Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE) avec en particulier des actions importantes en faveur de la trame vert trame bleue.
Enfin, parce que la conversion écologique de notre société passe avant tout par les changements de comportement, je tiens à signaler l’aboutissement en 2014 des travaux sur l’évolution de l’Agence régionale de l’environnement.
Si l’AREHN a fait ses preuves au service des territoires, il est nécessaire de la renforcer pour prendre en compte la montée des questions environnementales et lui donner la capacité d’accompagner l’ensemble des politiques publiques qui agissent pour l’environnement.
Je vous remercie.
Intervention à télécharger en pdf ICI