Session plénière du 14 mars 2011, intervention de Philippe Hervieu
Suite au séisme et au tsunami, le Japon est maintenant sous la menace d’une catastrophe nucléaire de toute première ampleur.
Je voudrai dire tout d’abord qu’Europe Ecologie Les Verts apporte tout son soutien aux victimes et au peuple japonais dans cette tragédie qui l’accable.
Mais je voudrai revenir aussi sur la question du nucléaire, choix énergétique fait en France en dehors de tout débat démocratique.
Je ne sais pas si l’on se souvient bien de la manière dont le choix du tout nucléaire a été décidé. La décision d’engager la France dans le nucléaire pour des décennies a été prise en avril – mai 1974 par Pierre Mesmer, pendant la vacance de pouvoir du Président de la République, Georges Pompidou venant de décéder. La décision de lancer la France dans l’aventure nucléaire s’est passé en toute clandestinité, sans vote ni débat à l’assemblée, sans que cette question ait été portée devant le public ni inscrite dans un quelconque programme électoral.
Les évènements dramatiques du Japon nous donnent l’occasion de redire que le nucléaire repose sur 5 mensonges.
Le premier est que le nucléaire est sûr.
On le voit parfaitement aujourd’hui : C’est Faux.
En 10 mois, le monde est passé à côté de deux accidents nucléaires suite au tremblement de terre en Chine d’avril 2010 et aux feux de forêt de cet été en Russie. Évitera-t-il celui du Japon ? Je le souhaite de tout mon cœur. Mais il faut en finir avec le mythe de la sûreté de cette industrie particulièrement dangereuse.
Je vous rappelle que nous en sommes arrivés à un tel point de banalisation de cette technologie que Nicolas Sarkozy a proposé de vendre une centrale à Mr Kadhafi, il y a encore quelques mois !
Vingt-cinq ans après la catastrophe de Tchernobyl, dont on nous a expliqué qu’elle était liée aux insuffisantes normes de sûreté des centrales soviétiques, ou à leur vétusté, on se rend compte que, dans un pays réputé sûr comme le Japon, la catastrophe arrive quand même.
Le deuxième est que le nucléaire garantie l’indépendance énergétique de la France.
C’est évidemment Faux aussi.
Les otages français prisonniers au Niger, principal pays d’approvisionnement d’AREVA en Uranium sont là pour nous prouver le contraire.
Pas besoin de discours.
Le troisième est que le nucléaire crée des emplois.
Bien sûr le nucléaire crée des emplois mais le problème est qu’il en crée moins que les énergies renouvelables. L Allemagne et les pays du Nord démontrent que les énergies renouvelables créent 10 fois plus d’emplois que le nucléaire. D’ailleurs, les succès fulgurants du photovoltaïque et de l’éolien ont obligé notre gouvernement à supprimer ses aides pour l’un et freiner son développement pour l’autre, car cela venait en contradiction avec sa politique du ‘’tout nucléaire’’, tout en participant de manière significative au déséquilibre de notre balance commerciale avec ces pays.
En Bourgogne, j’entends dire partout que le pôle nucléaire bourguignon pérennise l’emploi dans la métallurgie.
Cela risque bien d’être tout aussi faux, malheureusement.Il y a en effet fort à parier que l’accident japonais va détourner du nucléaire nombre de projets mondiaux d’implantation de centrales électriques, et accélérer encore plus les recherches et développement d’autres sources énergétiques.
Il est donc important M le Président d’inciter la métallurgie bourguignonne à diversifier ses débouchés pour ne pas dépendre que d’un seul marché.
Le quatrième est que le nucléaire n’est pas cher.
Encore un gros mensonge puisque les dépenses à venir sont cachées ou minimisées et donc pas intégrées dans le prix. Les experts sérieux estiment par exemple le coût du démantèlement des centrales à 100 Milliards d’euros, tandis qu’il n’est valorisé qu’à hauteur de 15 milliards dans les comptes d’EDF. Sans parler du coût de la gestion des déchets radioactifs.
Enfin le cinquième pilier sur lequel repose l’industrie nucléaire est l’omerta ou/et la désinformation.
Je ne reviens pas sur le plus connu et le plus sinistre des exemples, celui de la déclaration du Professeur Pelerin en 1986 venu à la télévision nous expliquer que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à nos frontières.
Mais juste dire qu’en France aussi des centrales sont construites sur des failles sismiques : Fessenheim, Cadarache ou Cruas et rappeler qu’EDF a truqué les chiffres de relevé sismologique pour construire certaines centrales, afin de ne pas avoir à assumer le surcoût imposé par l’autorité se sûreté du nucléaire.M. le Président, il est des moments où il est inconfortable d’avoir raison, c’en est un.
Pour Europe Ecologie Les Verts, le bon sens, c’est de décider maintenant de sortir du nucléaire, en prenant le temps qu’il faut pour organiser la substitution énergétique, 10, 15, 20 ans.