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Epandages aériens : courrier à Stéphane Le Foll

Monsieur Stéphane Le Foll
 Ministère de l’Agricultre
  et de l’Agroalimentaire
  78, rue de Varene
  75349 Paris SP 07

   Toulouse, le 11 juillet 2012

Monsieur le Ministre,

 

Le 29 juin dernier, vous retiriez l’autorisation de mise sur le marché du pesticide Cruiser OSR de Syngenta. Pour prendre cette décision, suite à alerte donné par plusieurs scientifiques français, vous vous êtes basés sur les conclusions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES), confirmant l’effet néfaste observé d’une dose sub-létale du produit concerné sur le retour à la ruche des abeilles butineuses. Nous vous remercions pour cette décision qui soulage l’ensemble du secteur apicole français, mais aussi nombre de citoyens. En effet, les abeilles ont un rôle fondamental dans la pollinisation des plantes et pas moins de 35% de notre diversité alimentaire est lié à leur pollinisation. Malheureusement, d’autres produits encore en circulation contribuent à la surmortalité actuellement observée des abeilles.

 

Depuis le 31 mars dernier, les entreprises françaises de pesticides déposent les unes après les autres leurs demandes de dérogations sur les départements de tout le territoire pour pouvoir épandre des pesticides par voie aérienne. Ces demandes font suite à la décision prise le 31 mai 2011 par Bruno Le Maire, alors Ministre de l’agriculture, d’autoriser des dérogations annuelles à la Directive européenne interdisant les épandages aériens. Dans plusieurs départements du Sud-Ouest, en cette période de pollinisation, ces autorisations viennent d’être délivrées.

 

Or, trois études réalisées par des chercheurs du Centre National d’Études Vétérinaires et Alimentaires Sophia, Antipolis et de l’Institut de recherches en apiculture de l’académie des sciences agricoles de Pékin, ont prouvé les effets néfastes, entre autre, de la déltaméthrine et de la cyperméthrine (insecticides présents dans les épandages prévus) sur les abeilles (hausse de la mortalité, baisse de la fertilité, de la croissance et du développement etc.). Force est de penser que si ces « sentinelles de l’environnement » peuvent être affectées, d’autres espèces, dont l’être humain, le seront inévitablement.

 

Au vu de ces études, il nous semble que le principe de précaution doit absolument être appliqué. En effet, d’après la Charte de l’environnement, inscrit en 2005 dans la Constitution française : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

 

D’autant plus que, suite à une saisie de la Commission européenne, est paru fin mai dernier un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) remettant en cause les tests d’évaluation des risques pour les abeilles des pesticides mis sur le marché. D’après les conclusions de ce rapport, « les expositions prolongées et intermittentes ne sont pas évaluées en laboratoire », pas plus que « l’exposition par inhalation et l’exposition des larves ». Les calculs d’exposition des insectes seraient aussi systématiquement biaisés : ils ne tiendraient pas compte de l’eau exsudée par les plantes traitées, avec laquelle les insectes sont en contact. « De même ajoute le rapport, les effets des doses sublétales ne sont pas pleinement pris en compte par les tests standard conventionnels ». Sans parler d’autres faiblesses majeures comme la taille limitée des champs traités aux insecticides traités.

 

Par ailleurs, ces décisions d’épandages aériens semblent contraires au droit européen à plusieurs niveaux. Tout d’abord, la Directive européenne relative à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (n°2009/128/CE) dispose dans son article 14 que la pulvérisation aérienne est interdite sauf si cette technique ne présente qu’une « incidence limitée sur la santé et l’environnement ». D’autre part, certaines communes concernées par l’épandage figurent sur des sites Natura 2000. Au vu des incidences néfastes précitées, les Directives Habitats (92/43/CEE) et Oiseaux (79/409/CEE) ne sont clairement pas respectées car il y a un risque de « détérioration et d’élimination de la faune et de la flore présente » sur ces sites. Enfin, la Directive cadre sur l’eau ((2000/60/CE) est elle aussi malmenée puisqu’elle prône une protection des eaux et une diminution croissante des produits dangereux rejetés dans l’eau (art. 22, 27, 43)  à l’horizon 2015. Or, la fiche technique de Bayer Crop au sujet du Decis Protech notamment, pesticide bientôt pulvérisé par avions sur les terres en question, précise que celui-ci est « très toxique pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique. »

 

Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous prions de revenir sur l’autorisation de dérogations annuelles à la Directive européenne interdisant les épandages aériens.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.

Catherine Grèze, Députée européene
François Arcangeli, Conseiller régional Midi-Pyrénées
Patrick Jimena, Conseiller général Haute-Garonne

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