Le financement de la réforme ne vous convainc pas. Et sur la pénibilité, quelle est votre approche ?

C’est incontestablement le point de satisfaction. Il y a là la traduction d’un changement de philosophie, qui permet la prise en compte de la situation individuelle de chaque salarié : le compte pénibilité ouvre tout à la fois la voie à des départs anticipés en retraite pour les salariés en situation de travail pénible, et une réorientation – via des formations notamment – vers des métiers ou des postes moins dommageables pour la santé des salariés. C’est un pas considérable, même si le diable se niche dans les détails et qu’il faudra être particulièrement vigilant sur la mise en œuvre concrète du dispositif. Parce que beaucoup est renvoyé à des décrets ou des accords ultérieurs. Sans compter que nous regrettons que ce dispositif soit sans effet sur les salariés qui ont réalisé une grande partie de leur carrière, puisque le texte exclut la reconstitution de ces points de pénibilités.

Eric Woerth a parlé de « nouveaux régimes spéciaux » pour caractériser ce compte pénibilité…

La droite fait des régimes spéciaux une fixation lorsqu’elle est dans l’opposition. Arrivée au pouvoir, elle n’y touche quasiment pas. C’est une façon détestable d’opposer les Français entre eux. Le compte pénibilité a justement vocation à sortir de la logique des régimes spéciaux collectifs, pour privilégier une approche individuelle de la réalité des carrières. Quand il fait cette critique, Monsieur Woerth nie simplement les différences et les inégalités de pénibilité de services et de conditions professionnelles entre les salariés.

Vous aviez dit attendre beaucoup du texte sur la question de l’égalité hommes/femmes et sur celle des jeunes en formation. Où en est-on, après l’examen du texte en commission ?

Pas bien loin, et c’est tout le problème ! Certes il y a quelques avancées sur la comptabilisation facilitée des trimestres travaillés – on abaisse les seuils d’heures nécessaires pour valider un trimestre, ce qui bénéficie aux salariés à temps partiel qui sont majoritairement des femmes. Mais en renvoyant à plus tard l’examen de questions essentielles comme « la prime au 3è enfant » qui est proportionnelle à la pension, et bénéficie donc majoritairement aux hommes, on ne traite pas les inégalités les plus criantes. De même, les dispositifs de rachat de trimestres d’études, la non prise en compte de la situation des stagiaires nous laissent un goût amer… Nous avons bien l’intention de remettre ces questions en débat cette semaine, via des amendements.

Vous ne semblez pas avoir apprécié l’ambiance et les résultats du travail en commission…

C’est le moins que l’on puisse dire ! Autant le gouvernement avait pris la peine d’entendre les organisations syndicales et le patronat avant de rédiger son projet de loi, autant l’attitude adoptée par la ministre en commission nous semble contre-productive. Vouloir conserver l’architecture générale d’un texte, cela peut se comprendre. Mais être à ce point sourd aux propositions des parlementaires – singulièrement de ceux de sa propre majorité-, c’est tout de même extrêmement problématique. Ces propositions ne viennent pas de nulle part, ce ne sont pas des lubies, mais le fruit d’auditions de partenaires sociaux, d’économistes, de sociologues, que nous menons depuis des semaines. Les balayer d’un revers de main, c’est faire comme si ces acteurs du débat n’existaient plus dès lors que le débat parlementaire est lancé. Je l’ai dit, nous travaillons avec le sens des responsabilités. Mais je le dis également tout net : nous ne sommes pas des machines à voter aveuglément les projets qui nous sont soumis.

Retrouver cet entretien sur le site Internet des députés écologistes