Réforme territoriale : les régions seront les grandes perdantes
Par nicole rouaire le jeudi 21 octobre 2010, 13:10 - Humeur... - Lien permanent
Le projet de 'réforme territoriale' arrive en phase finale d’adoption parlementaire, après bien des péripéties qui ont montré que, même dans la majorité, il suscite des réticences. Mais Sarkozy y tient : question pour lui d’affichage politique et d’intérêt politicien.
Pour Gustave Alirol, conseiller régional et président du Partit Occitan,
"à bien des égards, il serait pourtant difficile de faire pire réforme
sur le sujet, tant les objectifs affichés (démocratie, simplification,
modernisation / adaptation) sont pour la plupart dévoyés".
D'autant, qu'au passage, "la promotion des métropoles (avatar poussiéreux de la
pensée économique des années 60) signera l’abandon de toute politique
des solidarité entre les territoires".
"Nous sommes face à une réforme tournant le dos à la démocratie, revenant
sur la décentralisation, qui plus est d’inspiration populiste et néo-libérale.
Bref, du 'sarkozysme' à l’état pur, dans un domaine où il est susceptible de
passer presque inaperçu, tant la question des institutions territoriales est
généralement – et malheureusement – éloignée des préoccupations des citoyens
!
La création du poste nouveau de 'conseiller territorial', élu sur une base
'cantonale' pour siéger à la fois au département et à la région, en est un des
axes majeurs, aux effets éminemment pervers. Avec l’élection sur la base d’un
scrutin uninominal à deux tours, l’UMP espère garder le contrôle des
départements et conquérir par là les régions, lesquelles lui échappent
aujourd’hui. Qu’importe qu’en même temps soient abandonnés et la parité
effective hommes/femmes que ce mode de scrutin ne peut garantir et le
pluralisme politique : vive le bipartisme au masculin ! Tout ceci,
soi disant, pour 'rénover la démocratie locale' et réduire le nombre d’élus
territoriaux (comme si c’étaient eux qui coûtaient cher), quand la faible
diminution du nombre des cantons se trouve en grande partie compensée par un
quasi triplement du nombre d’élus siégeant à la région : pour la Région
Auvergne 146 sont prévus au lieu des 47 actuels !
En fusionnant les élus départementaux et régionaux, la réforme en cours
'cantonalise' la Région et la soumet de fait aux départements. Au
surplus, sans la 'clause de compétence générale' (que seules conserveront
formellement les communes) qui lui permet d’intervenir sur tout sujet
intéressant son territoire et sa population, la Région ne sera plus une
véritable collectivité de plein exercice.
Ainsi, là où, dans une optique d’approfondissement de la décentralisation, on
pouvait espérer une augmentation des ses compétences et de ses moyens, la
Région est la véritable perdante de la réforme, au détriment des politiques
adaptées aux besoins de ses citoyens. Exit donc la régionalisation. Place à la
recentralisation !
De plus, malgré la suppression de la clause de compétence générale existeront
des 'compétences partagées' ou des 'délégations de compétences exclusives'
entre collectivités : bonjour la simplification !
La recentralisation est de surcroît complétée par la mise en place de
'métropoles', institutions nouvelles qui regrouperont des communes
formant un ensemble de plus de 500 000 habitants : 8 sont prévues en
France, en plus du 'Grand Paris' ; en Auvergne pourra tout au plus se
mettre en place un 'pôle métropolitain' autour de Clermont-Ferrand. Ces
métropoles seront dotées, avec les financements qui y sont liés, de l’essentiel
des compétences des communes de leur territoire, et de bon nombre de celles de
leur département ou de leur région : elles assureront, par exemple, la
promotion à l’étranger du territoire de la région et de ses activités
économiques. Là encore, on est loin de la prétendue simplification du
'mille-feuilles territorial', d’autant que l’on verra se mettre en place des
services publics 'croisés' entre métropoles et départements ou régions.
Avatar poussiéreux de la pensée économique des années 60, la promotion
des métropoles signera ainsi la dernière étape de l’abandon de toute politique
des solidarité entre les territoires. L’argument généralement avancé
se veut imparable dans la logique néo-libérale : la décentralisation
serait un frein au développement économique de la France car, au rebours du
slogan 'Paris et le désert français', elle permet aux territoires à économie
'résidentielle' de développer leur revenu par habitant au détriment des
secteurs 'productifs' que sont les métropoles, seules entités économiques qui
comptent sur la scène de la mondialisation. Pour que cesse ce 'pillage' des
économies métropolitaines, voici donc la fin programmée des solidarités
territoriales. Á ce titre, l’Auvergne est plus que concernée. On pouvait
espérer une autre 'adaptation' à la réalité des territoires !
S’ajoutent à tout cela la réduction des moyens budgétaires des
collectivités territoriales, déjà largement entamée au prétexte
qu’elles contribuent au déficit général des finances publiques (leur
endettement ne représente pourtant que 10% de la dette publique totale et ne
sert à financer que des investissements) ainsi que la fin de leur autonomie
fiscale (via notamment la réforme de la taxe professionnelle).
Les raisons ne manquent donc pas de s’opposer à une réforme à
contre courant de toute l’évolution qui, depuis 30 ans, a visé à la
modernisation des institutions territoriales de la République, laissant
entrevoir pour celle-ci un rapprochement avec le standard des autres grandes
démocraties européennes : celui de l’ 'autonomie régionale'. Aussi, lors
de la dernière session du Conseil Régional, notre groupe a-t-il voté sans
hésiter, avec la majorité régionale, une motion la condamnant.
Á travers toutes ses composantes qui ont à préparer ensemble l’échéance
de 2012, la Gauche devra dès lors se prononcer clairement, par un contrat de
mandature, pour l’abrogation dans l’urgence d’une réforme proprement
réactionnaire. Elle devra aussi se prononcer pour un approfondissement de la
régionalisation démocratique, dans la double perspective promue tant par Europe
Écologie/Les Verts que par Régions & Peuples Solidaires/Partit
Occitan : celle du fédéralisme régional différencié et des nécessaires
solidarités territoriales."
Commentaires
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