Que préconisez-vous comme solution pour nourrir la planète ?

Actuellement, 90 % de l’agriculture mondiale est consommée là où elle est produite et 75 % de ce pourcentage dans un rayon de 75 km. Seuls 10 % de l’agriculture mondiale changent de continent. Donc parler de la mondialisation de l’agriculture comme d’un phénomène qui reflète la réalité, c’est faux. Mais les règles économiques de l’Organisation mondiale du commerce imposent que les lois pour les 10 % structurent toute la production agricole. On casse, au nom de cette volonté de mondialiser l’agriculture, toutes les politiques agricoles locales et on empêche les pays de Sud de se développer.

Pourtant la mondialisation est présentée comme une solution pour nourrir le monde, contre la famine…

Il n’y a plus grand monde qui dit ça. On se rend compte qu’en 1996 au sommet de la FAO, il y avait à peu près 830 millions de personnes qui mourraient de faim. Aujourd’hui, quinze ans après la mise en place de l’Organisation mondiale du commerce en 1995, on en est presque à un milliard. La réalité, c’est que 60 % des gens qui meurent de faim vivent en milieu rural. Ce sont les paysans les premières victimes de la famine. Ça veut dire que le commerce mondial détruit la capacité des paysans locaux à écouler leur production et à obtenir un prix convenable pour leur production. C’est dû à la pression des Etats-Unis et de l’Europe avec le dumping et les subventions qui font que leurs produits sont en dessous du coût de production des paysans africains ou asiatiques. Après on dit, vous voyez, ils n’y arrivent pas !

Vous dénoncez aussi les effets pervers de l’aide alimentaire ?

A travers l’aide alimentaire il y a des tentatives d’imposer de nouvelles formes d’alimentation qui rendent dépendant. Par exemple, en Afrique de l’Ouest, on trouve du pain partout alors que ce n’est pas un produit traditionnel et que le blé n’y pousse pas. La transformation du mode alimentaire rend les populations dépendantes, c’est une espèce de chaîne infernale qui progresse.

Quelles sont les solutions que vous proposez ?

On affirme le droit à la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit des peuples à se nourrir avec leur propre agriculture. Donc le droit de pouvoir se protéger, en protégeant leurs frontières contre le dumping. Le dumping est totalement illégitime, il devrait être condamné par l’OMC.

Mais n’est-ce pas seulement une déclaration d’intention ?

Non, grâce à l’énonciation d’un tel droit universel, les associations de paysans pourront appuyer leurs actions contre leur Etat.

A l’échelle européenne, pensez-vous vraiment que les circuits courts peuvent avoir un avenir ?

Aujourd’hui, il y a une nécessité de relocaliser l’agriculture. On a fait des statistiques sur tous les circuits courts comme les Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), notamment sur Marseille et on s’est rendu compte que les produits labellisés bio ou agriculture paysanne coûtent 20 % de moins que ceux de Leader Price !

Que pensez-vous la prochaine réforme de la Pac (Politique agricole commune) ?

C’est tout l’enjeu des cinq prochaines années. On doit changer la Pac en 2013. Depuis 1992 et la première transformation de la Pac, on a perdu plus de deux millions d’emplois paysans dans l’ancienne Europe des 15. Dans l’Europe des 27, c’est encore davantage : une ferme disparaît toutes les trois minutes ! Cette Pac n’est satisfaisante ni pour les agriculteurs, ni pour les consommateurs, ni pour l’environnement, puisque le seul modèle préconisé est le modèle productiviste.

La récente décision des pays de l’Union de refuser la levée de l’interdiction de la culture du maïs génétiquement modifié en Hongrie et en Autriche constitue-t-elle une avancée significative ?

C’est une bonne nouvelle. Là, pour la première fois, une large majorité de pays ont voté pour le maintien du moratoire. Le vote sur le maintien du moratoire en France et en Grèce doit avoir lieu prochainement, j’ai donc bon espoir qu’il soit maintenu. Actuellement, le seul argument de la Commission en faveur des OGM, c’est le risque d’un procès des Etats-Unis à l’OMC, comme pour le bœuf aux hormones ou le poulet chloré. La majorité de la population européenne est opposée aux OGM, donc j’ai bon espoir qu’on arrive à les interdire définitivement.

Est-ce dans ce but que vous vous présentez aux élections européennes ?

Oui. Aujourd’hui, on vit un moment historique. On peut, si on est fort et nombreux notamment avec le groupe vert, être en capacité de faire bouger les lignes dans ce parlement. C’est une nécessité pour les citoyens de l’Europe. On peut créer plus d’un million d’emplois paysans dans les années qui viennent. C’est un gisement extraordinaire qui va dans le sens de la conservation de la biodiversité au niveau de l’Europe.
Recueilli par Pascale Le Garrec