Loi Grenelle I : bilan d'étape pour les députés Verts
Par nicole rouaire le mercredi 22 octobre 2008, 16:10 - Actu - Lien permanent
La loi Grenelle 1 fait-elle avancer ou non l'écologie ?
Pour les députés Verts, après la 1ère lecture à l'assemblée, ce texte
hémiplégique ne traite que la moitié des questions écologiques.
Pique-nique (sans
OGM) à côté de l'Assemblée, mai 2008)
En excluant tout débat sur la remise en cause du choix nucléaire, en
autorisant la contamination des milieux naturels par les cultures OGM dans une
loi préalable, en traitant du seul changement climatique (l’aval du carbone)
sans même évoquer la déplétion géologique des énergies fossiles (l’amont du
carbone), la loi Grenelle 1 vise le consensus médiatique sur le plus facile en
écartant le dissensus politique sur le plus difficile.
Cette loi est-elle infidèle au Grenelle 2007 ? Oui et non…
Oui, le projet initial du gouvernement traduisait en terme juridique une
version édulcorée, voire régressive, des 173 engagements adoptés par les
parties prenantes il y a un an. Ainsi, par exemple, de l’amendement
« Ollier » sur la norme thermique de 50 kWh/m2 /an pour les
constructions neuves, infléchie en 80 ou même 120 kWh/m2/an lorsqu’équipées en
chauffage électrique. Le lobby nucléaire est satisfait au détriment des ménages
modestes qui paieront plus cher leurs factures électriques dans un habitat
moins bien isolé. Ainsi encore, de l’abandon du « plafonnement des
capacités routières » de la France au profit d’une possibilité
d’augmentation des routes pour des raisons « d’engorgement, de sécurité,
ou d’intérêt local », formule qui justifiait déjà la bitumisation du pays
depuis cinquante ans. De même, l’amendement « Jacob » qui favorise la
« valorisation énergétique » n’est qu’une relance des incinérateurs,
degré zéro de l’intelligence de traitement des déchets.
Ainsi aussi l’introduction, dans la loi, de l’objectif de recherche d’une
« croissance durable », énoncé ridicule tant du point de vue écologique
que du point de vue économique et social, au moment où notre pays et le monde
affrontent une récession qui sera longue et douloureuse, surtout pour les plus
défavorisés, au Nord comme au Sud. Enfin, en refusant de choisir l’indicateur
majeur que constitue l’empreinte écologique comme outil d’évaluation des
politiques à mettre en œuvre, et en s’en tenant aux illusions de la notion
molle de « développement durable », la loi ne franchit pas le saut
intellectuel nécessaire pour réaliser la « révolution verte » évoquée
par Jean-Louis Borloo. Non, Monsieur Borloo, chaque amendement voté n’a pas
constitué « une avancée ». Certains sont de sérieux reculs par rapport aux
engagements du Grenelle.
Mais cette loi n’est pas rien. Les parties prenantes du Grenelle s’étaient
entendues sur un compromis. Ce compromis est dans la loi, peu ou prou. Dans
bien des domaines (bâtiments, transports, biodiversité, déchets, gouvernance…),
il sera désormais plus difficile aux productivistes économiques et politiques
de saccager l’environnement comme ils le firent auparavant. Certes, la loi
Grenelle 1 est plus lyrique que juridique, plus poétique que contraignante,
plus incitative que normative. Mais, tout compte fait, elle reprend une partie
des engagements du compromis de l’an dernier. Même le choix de Christian Jacob
comme rapporteur fut habile, au sein d’une majorité UMP a priori hostile au
projet de Jean-Louis Borloo et Nathalie K-M.
Cependant, il est probable que les investissements énoncés dans le texte
soient revus à la baisse par la récession qui commence. Il restera alors du
processus Grenelle et de cette loi une sorte de message pédagogique pour
changer les comportements individuels et influencer les choix collectifs. Un
code de la sobriété par gros temps de récession.
Le putsch avorté de Patrick Ollier
Sur la forme, on ne peut que déplorer le rythme des débats qui a été imposé
par le gouvernement et par Patrick Ollier. Les travaux de coélaboration du
Grenelle engagés l’an dernier avec les associations, les syndicats, les
entreprises et les collectivités, se sont étalés sur une année entière. Comment
le gouvernement a-t-il pu croire que les députés viendraient à bout d’un tel
texte en quelques séances dans l’hémicycle, morcelées en demi-journées ?
Le président Sarkozy avait fait du Grenelle un processus déterminant de sa
politique générale. Le projet de loi a été traité hâtivement comme un sujet
secondaire. En outre, Patrick Ollier a essayé de passer en force en réécrivant
tout le texte à partir de l’article 19, pour faire tomber sans débat tous les
amendements de l’opposition ! Un putsch inacceptable qui a conduit les
députés Verts à refuser d’examiner les articles 20 et 21 ainsi réécrits. Ollier
a finalement cédé et les débats ont heureusement repris normalement à partir de
l’article 22.
Les améliorations gagnées par les Verts
Les députés Verts, très engagés dans le processus et dans la loi, ont
arraché des votes favorables sur plusieurs des amendements que j’ai défendus en
leur nom. Nous pouvons recenser douze avancées significatives introduites par
notre action :
1/ Le passage de la part des énergies renouvelables de 20 à
23% respecte les objectifs proposés par l’Union européenne. Par cet
amendement, la France rétablie son ambition initiale
2/ Nous avons également fait adopté un amendement portant sur les
biomatériaux, ayant étrangement disparu du texte. Nous avons
ainsi rétabli l’utilisation renforcée de bois certifiés et de
biomatériaux
3/ Il a été accepté que la durée de rénovation des bâtiments publics
passe de 10 à 8 ans. Nous avons réussi à amoindrir le retard des
bâtiments publics en terme d’émissions de gaz à effet. Ils devraient être tous
rénovés et correctement isolés en 2017
4/ Un amendement prévoit de défendre l’objectif communautaire de 120
grammes de dioxyde de carbone / kilomètre d’ici 2012 pour les véhicules
neufs. Cet amendement a été également repris par la majorité, mais
nous l’avions déposé co-signé des quatre députés Verts
5/ Nous sommes parvenus à faire voter « l’étiquetage énergétique à
tous les appareils de grande consommation ». Il s’agit par cet
amendement de faire interdire à la vente dans des délais courts les appareils
les plus énergivores et d’imposer un régime de veille peu consommateur
d’énergie
6/ Dès 2012, les phosphates seront interdits dans tous les produits lessiviels.
Les phosphates sont un des principaux responsables de la pollution des eaux en
France
7/ Un des nos amendements consistait à inscrire la bio-diversité des
semences dans le projet de loi. Il a été voté à l’unanimité
8/ Un de nos grands succès durant les débats est l’adoption de l’amendement
portant sur le crédit d’impôt pour les diagnostics énergétiques de
toutes les exploitations agricoles. Tracteurs et machines, bâtiments
et serres, intrants, devront désormais être évalués. C’est un grand
progrès
9/ Grâce à un amendement des députés Verts, les bandes enherbées deviennent un
élément constitutif obligatoire de la trame verte et bleue. Elles constituent
ainsi officiellement un maillage naturel favorisant la circulation de la
biodiversité
10/ Désormais les pollutions marines que constituent le dégazage, les
déballastages et l’apparition d’espèces invasives sont mentionnées
explicitement dans le texte. La lutte contre ces pollutions sera
renforcée
12/ L’écologie deviendra un domaine à part entière dans la formation du
personnel des entreprises
Les députés Verts décideront mardi 21 octobre matin de leur choix lors du
vote solennel de l’après-midi. Ils tiendront compte de la nouveauté introduite
dans les esprits par le processus Grenelle et par certaines parties de la loi.
Mais, ils continueront à lutter en seconde lecture pour que ce texte à moitié
écolo le devienne beaucoup plus.
Yves COCHET
Commentaires
Le "Grenelle" de l'environnement, nom choisi par le président de la France, lui qui execre mai 68 ...
Une belle mascarade en tout cas, qui n'aborde ni le nucléaire, ni la civilisation automobile, ni les déchets, ni les ogm, pour mieux ménager les intérêts des multinationales, dont les chefs sont les amis ... de sarko(et ceux de nicolas hulot !) . la boucle est bouclée. Vive la peinture verte !