Pourquoi les écologistes font-ils de la politique ?
La revue Combats posait cette question en 1978 à René Dumont. Sans doute devons-nous continuer à y réfléchir.
Car, l’écologie est, ontologiquement, politique. L’écologie, en tant que discours sur l’oikos, c’est-à-dire sur le lieu de vie, nécessite une réflexion sur des règles et des comportements qui permettent un vivre-ensemble, une tempérance, en quelque sorte, qui conjugue développement, progrès et respect des éléments environnants l’activité humaine : la nature. L’objet de l’écologie serait alors l’ensemble des choses qui dépassent les hommes : leur avenir, certes, mais aussi l’avenir de la Terre, de ses ressources et de ses richesses, en ayant à l’esprit l’idée que l’homme, être naturel, doit s’inscrire dans cette Terre et s’y épanouir. Car quel est le « projet écologiste » ? Disons pour simplifier que l’on part du constat que notre développement est limité par des entraves que nous n’avons pas choisies (un dieu, d’abord, puis un tyran, puis les règles capitalistes). Il fallait alors tendre vers une autonomie, comme l’écrivait Castoriadis. Cette autonomie, c’est l’humain délivré de ce qu’il n’a pas choisi, c’est-à-dire la démocratie. L’écologie, parce qu’elle se situe dans l’homme, va rejeter un « imaginaire social dominant » fondé sur l’idée que « la visée centrale de la vie sociale c’est l’expansion illimitée de la maîtrise rationnelle » (Castoriadis, toujours). Ainsi, l’écologie ne fait pas sienne la devise cartésienne, fondement anachronique du capitalisme, voire du libéralisme : « nous rendre maîtres et possesseurs de la nature », tant il est vrai que c’est la nature qui nous possède.
Il n’était donc pas, au départ, notamment avec René Dumont, question de faire de la politique. Comme le disait en 1983 Cédric Philibert « j’ai toujours l’espoir d’un truc qui se détermine en dehors de la coupure droite-gauche ». Nous avons toutefois décidé d’un engagement à gauche. Car les valeurs de partage, de cohésion, de refus de l’individualisme, son humanisme aussi, nous ancraient à gauche. Nous avons fait ce choix en conscience. Il faut alors assumer ce choix, et nous battre avec les armes que la politique nous donne : la rhétorique, le débat d’idées, la confrontation.
Nous proposons un modèle de société, un modèle de développement. Comment concilier science, technique, progrès, richesse, avec le respect de la nature ? Comment rénover nos institutions ? Quelles écoles, quels enseignements pour les jeunes, décrits comme des paresseux par notre société ? Quelle recherche, quelle industrie, quel commerce pour demain, pour lier emploi, progrès technique et progrès humain ? Comment vivre (et faire vivre) les considérations écologiques au quotidien ? Nous apportons des réponses concrètes, fondées sur la recherche d’un équilibre durable entre besoins et fins, entre développement, croissance et respect de l’Homme, et du premier de ses droits : celui de vivre dans un environnement sain.
Redonnons une dernière fois la parole à Cornélius Castoriadis : « Si nous voulons vraiment lutter contre le système, et aussi, si nous voulons voir les problèmes auxquels se heurte aujourd’hui par exemple un mouvement comme le mouvement écologique, nous devons comprendre une vérité élémentaire qui paraîtra très désagréable à certains : le système tient parce qu’il réussit à créer l’adhésion des gens à ce qui est. Il réussit à créer, tant bien que mal, pour la majorité des gens et pendant la grande majorité des moments de leur vie, leur adhésion au mode de vie effectif, institué, concret de cette société. C’est de cette constatation fondamentale que l’on doit partir, si l’on veut avoir une activité qui ne soit pas futile et vaine ».
Ainsi, l’écologie politique implique une réelle « révolution », en ce sens qu’elle propose un modèle de société opposé au système individualiste et surconsummériste que vous subissons aujourd’hui.
Ce n’est pas savoir la période de floraison des jonquilles. C’est vouloir et savoir construire le monde de demain, celui que nous laisserons aux générations suivantes. L’écologie, c’est une vision et une mise en œuvre du progrès, de la modernité, au service de la société, de l’Homme et de la Terre.
C’est collectivement que nous arriverons à bâtir une société juste, solidaire et démocratique.
C’est collectivement que nous défendons l’Homme, avec ses droits, ses devoirs et ses besoins.
C’est collectivement que nous protégeons la Terre, pour assurer sa pérennité, sa survie et sa richesse.