La France ne pourra maintenir son rang ni son système de protection sociale si elle abandonne la production. Or, depuis 30 ans, deux millions d’emplois industriels ont disparu et le nombre comme les revenus des paysans se sont effondrés. Dans le même temps, de nouvelles nations émergent qui fondent leur croissance sur l’épuisement des matières premières et des ressources naturelles. Ici comme ailleurs, nous vivons l’épuisement d’un hyper-productivisme oublieux des fins
humaines. Ici comme ailleurs, les femmes et les hommes aspirent à une autre logique. Elle suppose de réconcilier production et préservation, de revaloriser le travail et de créer des emplois pour tous, de soutenir les entreprises en reconversion, d’orienter les capacités de formation, de recherche, d’innovation pour inventer les nouvelles façons de fabriquer, consommer, acheminer.
La croissance, mais de quoi ? S’il s’agit de la croissance du chômage des jeunes et des seniors, de la précarité au travail ou des inégalités entre petites et très grandes entreprises, croître est le contraire de se développer. C’est pourquoi, sur la base du rapport de la Commission Stiglitz, nous établirons un nouvel indicateur de développement humain. Outre les critères économiques traditionnels d’évaluation du PIB, il mesurera la cohésion sociale (inégalités de revenus, accès au logement et à la santé, services publics), d’émancipation individuelle (accès aux études supérieures) et de préservation écologique (recyclage des déchets, qualité de l’air et de l’eau). Les conclusions pertinentes du Grenelle, édulcorées ou sabotées par les gouvernements UMP successifs, feront l’objet d’une mise en oeuvre effective. La « gouvernance à 5 » sera étendue à la gestion d’organismes chargés de la protection environnementale (éco-emballages, etc.)
Soutenir notre industrie tout en accélérant sa conversion écologique est une urgence nationale. La réduction des activités polluantes et la croissance de l’emploi – en particulier dans les secteurs liés à la transition environnementale et énergétique de l’appareil productif – sont une même ambition. Le rôle de la puissance publique, et d’abord de l’Etat stratège, est de favoriser cette transformation. Dès lors, la sauvegarde et la modernisation de notre outil industriel, scientifique et technologique est impérieux : pas d’innovation sans base productive existante. Nous encouragerons les filières d’avenir – énergies nouvelles, mobilités durables, agroressources et éco-construction, santé et biotechnologies, contenus culturels et télécommunications, prévention des pollutions (pesticides, rejets industriels) et des risques, etc. – et nous développerons une politique de formation et de reconversion des travailleurs des secteurs concernés. Nous inciterons, par la fiscalité notamment, les relocalisations d’activité, ainsi que l’écoconception et l’éco-labellisation des process industriels. Une Banque publique d’investissement, mutualisant l’ensemble des moyens de financement des entreprises, permettra de consolider leurs fonds propres pour qu’elles grandissent, innovent, exportent. Elle sera déclinée sous forme de fonds régionaux, en lien avec les Régions et les intercommunalités, les pôles de compétitivité, les clusters d’entreprises. Une agence des PME y sera organisée. Ses financements seront prioritairement orientés vers la transition écologique de l’économie et seront démultipliés par des dotations budgétaires annuelles, le livret Développement Durable élargi et par des emprunts à bas taux auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI). Parce que le temps n’est plus à  l’expérimentation, une loi-cadre organisant le développement du tiers secteur d’économie sociale et solidaire sera votée. Au total, ces évolutions profondes favoriseront la création de 600 000 emplois verts dans l’isolation thermique, les énergies renouvelables, les infrastructures et les équipements ferroviaires, les transports en commun, l’agriculture biologique. Dans le même temps, nous agirons pour réparer les dégâts humains et territoriaux de la désindustrialisation : en faisant entrer la puissance publique au capital des entreprises viables ou sur un secteur stratégique en proie à des difficultés conjoncturelles, en instaurant un principe «délocaliseur-payeur» pour revitaliser les sites et reclasser les personnes, en conditionnant les fonds accordés (maintien et création d’emplois, réduction des émissions de CO2, plan de formation, prévention des maladies professionnelles), en facilitant l’accès de la commande publique aux PME, en favorisant la reprise d’activité par les salariés.
Le temps est venu d’une nouvelle ambition pour l’agriculture et pour la pêche. La France n’est plus la première puissance agricole d’Europe et 20 000 exploitations ferment chaque année. Ce sont autant de drames humains et de pertes économiques. Le Président sortant a affiché son renoncement lorsqu’il a lancé au Salon de l’agriculture : «l’environnement, ça commence à bien faire». Contrairement à la droite, nous disons la vérité : l’avenir n’est pas dans le productivisme intensif et dévoreur de pesticides. Une telle voie est une impasse pour les agriculteurs eux-mêmes – pour leurs revenus comme pour leur santé – et pour les consommateurs. Bien sûr, changer la donne relève largement de la régulation internationale : inscription du droit à la souveraineté alimentaire dans la charte des Nations unies et promotion d’une agriculture familiale autonome et vivrière dans les pays en développement seront deux revendications de la France dans les discussions multilatérales. En Europe, c’est la refonte de la PAC qui imposera la mobilisation du nouveau Gouvernement français et de sa majorité : redistribution des aides plus équitables et abaissement de leur plafond, indépendance protéinique de l’Union européenne, réévaluation de l’aide aux petites fermes dans le cadre de la convergence des aides, conditionnalité de l’accès à la ressource et aux aides publiques (impact environnemental, consommation de carburant et rejet de CO2, création d’emploi, respect des conventions internationales – par exemple sur la sécurité et le statut des marins, la préservation des ressources, etc). Mais la France ne saurait attendre les évolutions extérieures pour agir ! Nous lancerons un débat national sur l’agriculture, la pêche et l’alimentation dès 2012 en vue d’une loi d’orientation agricole débattue au Parlement en 2013. L’un des premiers actes de la législature garantira le pluralisme syndical dans les inter-professions, condition d’un large débat démocratique. Aucun enjeu ne sera occulté : réforme des soutiens publics en faveur de l’emploi et de l’environnement, aide à l’installation agricole, refonte de la gestion foncière, relocalisation de l’agriculture favorisant les productions de proximité en lien avec les collectivités locales, soutien à l’agriculture paysanne et biologique pour atteindre les 20% de la SAU (Surface Agricole Utile) en bio, lutte à la source contre les algues vertes, revalorisation de l’enseignement agricole, soutien à la pêche artisanale et nouvelles zones protégées pour les poissons en milieu marin, soutien à la conversion vers une pêche écologiquement soutenable et économiquement viable, création d’un ministère de la Mer, suppression des politiques de soutien aux agrocarburants qui empiètent sur la production alimentaire. Nous agirons pour stopper l’érosion de la biodiversité en rendant opposables les trames vertes et bleues et restaurer notre patrimoine naturel.