Charlie hebdo citoyen d’honneur de la ville de Paris : discours d’Anne Souyris et David Belliard

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Madame la Maire, Mes chers collègues, Nous sommes profondément éprouvés par l’acte criminel qui a tué  huit journalistes de Charlie Hebdo que nous connaissions tous, un invité de la rédaction, deux policiers, un agent d’entretien et gravement blessé plusieurs personnes.

Nous avons tous une histoire particulière avec ce journal, ses hommes et ses femmes d’engagement qui nous ont accompagnés, parfois agacés, le plus souvent fait rire. J’aurais une pensée émue pour Bernard Maris, économiste talentueux, et avec qui j’ai eu le plaisir de faire en 2002 une campagne pour les élections législatives. Bernard était un homme courageux, capable de porter ses idées avec humour, et même de faire rire les gens dans des lieux aussi improbables que des meetings politiques. Comme toute l’équipe de Charlie Hebdo, il avait cette impertinence et cet esprit libertaire que nous, écologistes, apprécions tant.

Nous sommes éprouvés, et nous sommes aussi profondément inquiets. Inquiets de voir ainsi violer la liberté de la presse par l’attaque d’un de ses symboles les plus indépendants et les plus caustiques. En attaquant Charlie Hebdo, les assaillants ont attaqué l’un des fondements de notre démocratie, cette liberté de pouvoir nous exprimer, de pouvoir débattre et de pouvoir en rire. Il arrivait que nous ne soyons pas d’accord avec ce journal, mais nous sommes attachés à la liberté d’expression plus que tout.  C’est pour nous l’un des fondements de notre pacte social.

Nous sommes également inquiets parce que la violence appelle d’autres violences, comme à Villefranche / Saône, au Mans ou encore à Poitiers et à Port La Nouvelle. Nous ne pouvons accepter de voir se mettre en place une logique de guerre de civilisations. Cette tuerie n’a pas fait que 12 morts, elle a aussi blessé 66 millions personnes vivant en France, quelques soient leur origine, leur croyances, leur appartenance culturelle.  Ce qui s’est passé à Charlie Hebdo nous rappelle que nous avons des valeurs communes, et qu’il est de la responsabilité des partis politiques, des organisations représentatives, des élu-es, de tous les corps constitués de rappeler l’importance de ce qui nous unit plutôt que de fabriquer sans cesse de nouvelles divisions.

Il est des valeurs fondamentales qui permettent de lutter contre la violence et pour le respect des libertés : le pacifisme, valeur fondatrice de l’écologie politique et chère à Charlie Hebdo, en est une. Il faut sanctionner les auteurs de ces crimes, c’est un impératif de justice et de paix sociale, mais nous devons être beaucoup plus exigeants.

À la haine, nous devons répondre par la responsabilité. Lorsque des journalistes sont tués, lorsque les forces de l’ordre sont abattues, lorsque des innocents sont massacrés,  la situation est critique pour notre démocratie et la perpétuation de notre vivre ensemble. La France est diverse et nous avons laissé le silence s’installer sur nos différences et sur nos histoires. Nous devons assumer nos diversités comme une maison commune, par un travail de mémoire et de réconciliation. À notre niveau, au Conseil de Paris, nous pouvons agir. En faisant Charlie Hebdo citoyen d’honneur de la Ville, mais aussi en engageant des actions concertées et d’envergure dans les écoles, dans les lieux de rencontres, dans les musées et dans les lieux culturels, pour que nos histoires se conjuguent et deviennent véritablement notre histoire commune.  Nous pourrions ainsi insuffler un grand mouvement d’éducation populaire de la mémoire,  pour tous les âges et partout à Paris.

Notre responsabilité, c’est que notre « ville monde » ne soit pas celle d’un monde en guerre, divisé, où le « tout sécuritaire » soit la seule et unique réponse. Paris doit être ouverte, respectueuse des croyances et des pratiques de chacun, une ville de débats et de discussions, une ville de créations, bref, une ville de paix.

 

David Béliard et Anne Souyris, présidentEs du Groupe écologiste de Paris

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