A l’invitation de Vincent Peillon, le débat « Refondons l’Ecole » bat son plein, en prélude à une loi d’orientation attendue pour l’automne. Pour une éducation apaisée et émancipatrice les écologistes portent les valeurs de coopération plutôt que de compétition, la résolution non-violente des conflits plutôt que leur exacerbation dans des confrontations destructrices, l’approche sensible (par l’art et les sciences) comme nécessaire aux apprentissages.
Loin de se limiter à une question technique, la formation des enseignants est un enjeu crucial : elle est LE principal levier par lequel agir. De quels enseignants aurons-nous besoin dans vingt ans ? Avec quelles missions et quelle formation ? Comment travailleront-ils avec les autres acteurs éducatifs : parents, associations, collectivités ?
La formation des enseignants a été mise à mal par le gouvernement précédent, qui, au prétexte de la mastérisation, l’a amputée de son volet de « formation professionnelle » et de toute dimension pédagogique. Des promotions entières de jeunes enseignants et d’élèves en souffrent. L’urgence appelle deux priorités : renforcer la dimension pédagogique et pratique de la formation et en diversifier les voies d’accès.
Nous insistons sur la dimension professionnelle. Il n’est pas acceptable aujourd’hui que les futurs enseignants n’aient aucune notion du développement d’un enfant, ne connaissent pas les fondamentaux des pédagogies, n’aient jamais rencontré un parent d’élève, un élu local et une association éducative en formation initiale.
Pour laisser le temps à la formation réellement professionnelle, il est impératif d’éviter qu’elle soit tributaire d’une logique académique de préparation aux concours. C’est pourquoi nous demandons que les concours de recrutement des enseignants aient lieu en fin de licence et laissent ainsi le temps d’une vraie formation pendant les deux années qui suivent. Les futurs masters du professorat et de l’éducation permettraient ainsi d’éprouver sur le terrain des approches théoriques, d’analyser des pratiques… Du stage de découverte au stage en responsabilité, à mi-temps en deuxième année, le futur enseignant pourrait ainsi se préparer au métier. Deux années pleines, en alternance, ce n’est pas de trop ! La titularisation des enseignants ne deviendrait effective qu’après l’obtention d’un master professionnel.
Ce schéma nécessaire ne permet pas, pour autant, de satisfaire à la nécessaire diversification de profils des enseignants. Il convient donc de le compléter en diversifiant les voies d’accès au métier. Ainsi, deux autres concours sont envisageables, et ce, quelque soit le niveau d’enseignement ou la discipline : l’un s’adressant à ceux qui sont déjà titulaires d’un master, l’autre à ceux qui ont déjà une expérience professionnelle qu’ils pourront faire valoir pour concourir dans une troisième voie. Cela permettra, à la fois, d’élargir le vivier de recrutements et de favoriser, par l’accès aux métiers de l’enseignement, la formation tout au long de la vie.
Face à une situation aujourd’hui sinistrée, nous savons que nous ne pourrons mettre sur pied la formation initiale des enseignants en un claquement de doigts. C’est pourquoi nous devons construire la transition vers une organisation ambitieuse.
Cette transition nécessite une adaptation provisoire du service des jeunes diplômés : ce qu’ils n’ont pu recevoir en formation initiale doit être dispensé par une formation continue sur les premières années de pratique professionnelle. Il s’agit de faire monter progressivement en puissance la formation initiale des enseignants, afin qu’en fin mandat, elle atteigne sa plénitude. Par ailleurs, un plan de relance immédiat de la formation continue doit être mis en place pour tous les enseignants et cadres de l’Education nationale : plus facile à engager, plus rapide à mobiliser à court terme, la formation continue est un outil essentiel pour faire progresser tout le système éducatif.
La situation de l’École l’impose. Nous ne pouvons nous résigner à un marché de dupes. Nous ne voulons ni la relance de la précarité, ni l’abandon d’objectifs ambitieux pour cause de contraintes budgétaires. La loi de programmation et d’orientation doit refonder la formation initiale et la formation continue, de manière étroitement articulée, elle doit en faire une priorité absolue : un signal fort sera alors donné en faveur des jeunes comme de la formation tout au long de la vie. Notre société a besoin d’un sursaut éducatif. Ne ratons pas l’occasion.
Pour Europe Ecologie-Les Verts :
Marie Blandin, sénatrice du Nord,
Barbara Pompili, députée de la Somme,
Philippe Meirieu, président du Conseil fédéral/Vice-président à la formation tout au long de la vie en Rhône-Alpes,
Olivier Masson, commission Enfance-Education-Formation