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  1. Eva Joly : «Hollande, candidat classique de la gauche classique»

    Mediapart 23 janvier 2012
    Par Stéphane Alliès et Lénaïg Bredoux Mediapart
    La candidate écologiste, à la peine depuis le début de la campagne, espère que le premier grand meeting de François Hollande permettra d’ouvrir le débat entre ses « solutions nouvelles » et la « gauche classique ». En marge de cet entretien, elle nous confiera son étonnement de se voir sans cesse demander quand elle va se retirer. Et, sirotant son martini rouge, elle a assuré sa volonté d’aller au bout. Sa marque de fabrique ? D’abord et avant tout l’écologie. Entretien.

    Quel bilan faites-vous du premier grand meeting de campagne de François Hollande ?
    J’y vois des possibilités de convergences. Je pense au non-cumul des mandats, à la parité, au droit de vote des étrangers, à la fin des privilèges. Mais François Hollande n’a pas dit un mot d’écologie dans son discours. Cela me donne une obligation de résultat ! Parce que c’est important que quelqu’un porte les idées nouvelles. Lui, c’est le candidat classique de la gauche classique. Moi je suis la candidate des solutions nouvelles et de la transformation écologique. Je veux que nous changions de vision.

    Quand François Hollande dit que son ennemi est la finance, j’en prends acte. Mais si on veut réellement agir, on ne peut pas faire croire que la finance vit toute seule, alors qu’elle a été promue à cette place par des régimes politiques, soumis au libéralisme, et plus précisément par la droite ces dix dernières années.

    C’est le gouvernement de Nicolas Sarkozy qui a freiné des quatre fers lorsque j’ai porté au parlement européen les idées de limitation des institutions financières. La France ne nous a pas du tout soutenus ! Or là, c’est bien de Nicolas Sarkozy qu’il s’agit, mais François Hollande ne le dit pas… Pourquoi ne le dit-il pas selon vous ? Est-ce un manque de volonté politique ? Un manque de clarté. Du coup, sa dénonciation semble un peu facile… Mais je n’entrerai pas dans les procès d’intention. Moi j’aurais dit que ce sont mes adversaires politiques qui ont créé cette situation et que la finance n’a pas pu prospérer seule.

    Hollande évoque tout de même la création d’emplois liée à l’isolation thermique des bâtiments…
    C’est vrai. Je me retrouve aussi dans la limitation des loyers, mais François Hollande n’est pas très précis. Moi je suis pour un moratoire de trois ans sur les loyers et je défends la création de 900.000 nouveaux logements sur neuf ans. En fait, nous sommes plus volontaristes que François Hollande.
    Globalement, il y a encore beaucoup de chemin à faire ensemble : sur la réduction de la consommation d’énergie, la lutte contre le dérèglement climatique… La gauche a besoin d’une boussole écologique. Grâce à la transition énergétique, nous pouvons créer un million d’emplois d’ici 2020.

    Mais dans le contexte de crise, avec la note de la France qui vient d’être dégradée et les menaces qui pèsent sur la zone euro, est-il vraiment possible de porter une alternative, et non seulement une alternance, et d’être justement cette « candidate des solutions nouvelles » ?
    C’est bien pour cela que je suis toujours candidate et que je me bats dans des circonstances difficiles ! C’est parce que je pense que les solutions classiques ont vécu. François Hollande croit toujours qu’il va redémarrer avec la croissance. Nous, nous savons que ce n’est pas vrai. L’erreur serait de dire que la crise nous empêche d’investir. Il faut investir pour assurer l’emploi et l’avenir.
    Sinon nous allons être tirés vers le bas. Moi je veux créer un cercle vertueux qui va nous sortir de la crise. Je veux améliorer le pouvoir d’achat en réduisant les factures des familles : grâce aux travaux de rénovation, on peut réduire par deux ou trois la note d’électricité ! Les solutions au pouvoir d’achat, c’est de vivre mieux, pas d’avoir toujours plus.

    Mais avez-vous l’impression que les électeurs que vous voyez sur le terrain sont pris dans un étau de contraintes ? Qu’ils sont résignés ?
    La résignation est du côté des politiques. Les Français veulent que ça change. Beaucoup se vivent comme très exposés, au bout du rouleau, mais souvent c’est parce qu’ils ne sont pas entendus.
    Récemment, j’ai rencontré à Nantes des salariés de Pôle emploi : vous avez des agents qui étaient des accompagnateurs pour aider les chômeurs à se réinsérer. Aujourd’hui, les nouveaux critères d’efficacité empêchent ces agents de faire réellement leur travail. Ils ont un sentiment d’inutilité, de frustration et de souffrance. Dans ce sens, le sommet social de Nicolas Sarkozy est une parodie ! Un sommet social de trois heures ? Mais une telle réunion devrait durer dix jours…
    Il faut prendre le temps d’écouter, puis de chiffrer les besoins. Il faut construire avec ceux qui savent. Ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui et ça, cela crée de la souffrance. Moi je crois qu’il y a des souffrances qu’on peut soulager : on peut améliorer la vie des citoyens et donner du sens sans que cela soit nécessairement coûteux.

    Vous dites parfois que vous voudriez importer le modèle social scandinave en France. Comment le définiriez-vous ?
    C’est tout simplement le respect des citoyens. Quand on prépare une réforme, on ne s’attend pas à ce que le conseiller du ministre écrive ça un dimanche matin sur la table de cuisine ! Il faut discuter de cette réforme avec toutes les parties. Je prends l’exemple que je connais bien du code pénal : il faut parler avec les avocats, les juges, mais aussi les médecins, les travailleurs sociaux, les infirmières. Il faut les écouter, puis construire avec tous les éléments qui en ressortent…

    Mais pour revenir sur l’atmosphère en France aujourd’hui : François Hollande est convaincu que les Français ont besoin d’apaisement. Jean-Luc Mélenchon, lui, dit qu’ils sont en colère. Qu’en pensez-vous ?
    Je crois qu’avant tout les Français ont besoin d’espoir et d’avenir. Moi ce que j’ai entendu à Nantes, comme dans beaucoup d’autres endroits, c’est : “On ne me voit pas, on ne m’entend pas et on me traite avec arrogance.”

    Comment expliquez-vous que votre projet qui est chiffré…
    …et je suis la seule jusque-là. Ce projet porte par ailleurs sur une croissance de 0,8 %, ce qui montre que j’avais raison !

    Mais vous peinez pourtant à être audible. Exemple, lors de la nuit de l’égalité, vous faites toute une série de propositions mais la seule retenue est celle de deux nouveaux jours fériés… Pourquoi ?
    C’est la loi du système médiatique. Surtout, on a maltraité cette proposition : on a dit que ce n’était pas laïque. Mais c’est ne rien comprendre à ce qu’est la laïcité. Là aussi, il s’agit de supprimer un peu de souffrance. Celle de l’enfant juif qui fête Kippour et qui va marquer dans son cahier d’absence pour l’école “raisons personnelles ou familiales”. Qu’est-ce que cela coûterait d’avoir deux nouveaux jours fériés pour tous les enfants, un pour une fête juive, l’autre pour une fête musulmane, et qu’on réduise d’autant les vacances ? Dans les classes, ce serait une dignité, une égalité, une laïcité plus grandes. Quand on est réellement laïque, on admet que les religions aient les mêmes droits.
    Aujourd’hui, les réactions à cette mesure montrent un repli de la société, une peur, une violence… Cela m’inquiète. C’est un rétrécissement de la société. Mes idées dérangent. Mais vous savez, je ne me suis pas engagée en politique pour mon intérêt personnel. Ce n’est pas une posture ! Car les postures sont méprisables. Comme dire qu’on est un résistant, comme le fait François Bayrou dans son dernier meeting. D’où tire-t-il ce titre de gloire ? Il n’a risqué sa vie nulle part. Ou alors la langue ne veut plus rien dire. A mes yeux, il s’agit, là, d’une imposture.

    Dans ce jeu de postures, vous avez du mal à imposer vos propositions ?
    Je crois à l’intelligence des électeurs, aussi, j’ai fait l’effort dès le début de la campagne de chiffrer mes propositions. Désormais, François Hollande a mis des propositions sur la table : le débat est possible. Fraternel, mais vigoureux.

    Hollande a affirmé son ancrage à gauche au Bourget. Sur quels thèmes peut désormais s’imposer ce débat que vous espérez ?
    Ce n’est pas une simple question de thèmes : c’est une logique globale. Je porte la transformation écologique de la société. François Hollande est un social-démocrate tempéré. La campagne est encore longue. Mais chacun voit bien que l’écologie n’entre pas dans son champ de pensée. Sur la sortie du nucléaire, la montée en puissance des énergies renouvelables, l’agriculture biologique, l’abandon des pesticides, la fin des grands travaux pharaoniques, je veux réussir le rendez-vous de la France et de l’écologie.

    Vous citez des éléments de programme qui ne figurent pas dans l’accord avec le PS. Ne pensez-vous pas que cet accord est, avec le recul, un énorme piège ? Pour l’instant, François Hollande dit qu’il n’en appliquera qu’une partie, abandonnant notamment la fermeture des 24 centrales nucléaires. Et si vous faites un mauvais résultat, l’accord électoral pourrait aussi être mis à mal aux législatives…
    C’est la raison pour laquelle ceux qui veulent un vrai changement doivent voter pour moi. Il n’y a pas d’écologie sans les écologistes.

    Et vous pensez devoir vous recentrer sur le cœur de cible de l’écologie ?
    Ce n’est pas un recentrage. Ma campagne n’a jamais cessé d’être écologiste. J’ai juste élargi notre champ d’intervention. Cela a pu surprendre, mais je l’avais annoncé dès la primaire. Le PS veut imposer la thématique du vote utile, qui est un acte d’autorité sur le reste de la gauche. Quel vote est le plus juste ? Ce n’est pas l’alternance seule qui compte. L’alternance pour mener une autre politique d’austérité sans créer de marges de manœuvre serait décevante et désespérante. Je ne mets pas tant François Hollande en cause, personnellement. Mais l’alternative doit exister.

    Au PS comme au Front de gauche, on dit ressentir une adhésion au vote Le Pen, sur les marchés et dans les porte-à-porte. Votre République irréprochable est-elle une réponse au “tous pourris” ?
    Marine Le Pen n’a aucune légitimité pour s’arroger le monopole de la morale publique, bien au contraire. Moi j’ai prouvé par ma carrière ce qu’était défendre la transparence. J’ai risqué ma vie pour ça. Elle, elle s’est donné la peine de naître avec une cuiller en argent dans la bouche, et va hériter de la fortune d’un ancien tortionnaire d’extrême droite, qui en a lui-même hérité dans des conditions sordides. Je ne demande pas mieux que de débattre avec elle.

    Comment expliquez-vous que vous ayez du mal à trouver un espace dans la campagne…
    Si on prenait un chronomètre, on se rendrait compte du temps que je passe à commenter les candidatures des autres ou mon éventuel retrait… C’était déjà le cas face à Nicolas Hulot. Une semaine avant, tout le monde me disait que j’allais être écrasée. C’est maladif dans les médias. Je crois qu’un fois encore, je peux créer la surprise.

    Par rapport aux autres scrutins, vous ne semblez pourtant pas la mieux placée pour mobiliser ceux qui s’abstiennent d’habitude…
    Je fais énormément de déplacements, et je suis très bien reçue dans les quartiers. Comment vous convaincre ? Si vous me suiviez dans le train ou dans la rue, vous verriez qui sont les gens qui m’arrêtent et me parlent dans la rue. Il se passe quelque chose.

    Votre engagement pro-européen est-il compatible avec le vote de ceux qui se sont opposés à la constitution européenne en 2005 ? Admettez-vous aujourd’hui une critique de ce qu’est devenue la construction européenne ?
    Aucun partisan de l’Europe ne peut se satisfaire de son état actuel. L’Europe reflète l’état politique des pays membres. Aujourd’hui, ils ne sont que trois à ne pas avoir un gouvernement libéral ou ultralibéral. Quand la crise financière et européenne a éclaté en 2008, le commissaire au marché intérieur était libéral. Mais cet aveuglement doctrinal collectif est sur la fin. Dans tous les pays, les élections sanctionnent les sortants. Tout cela est conjoncturel, il n’y a rien d’illogique à ce que des institutions inter-étatiques ne protègent pas les citoyens, mais on peut s’organiser pour que cela change.
    L’Europe souffre aussi aujourd’hui d’un déficit démocratique : le Parlement ne pèse pas assez. Ma volonté est de faire évaluer tout ça, notamment pour imposer des taxes écologiques aux frontières de l’Europe.

    En quoi vous différenciez-vous des tenants de la démondialisation comme Arnaud Montebourg ?
    Je défends davantage une Europe fédéraliste que je n’ai la volonté d’instaurer des barrières nationales. Ma France ne se construit pas contre le reste du monde. Elle cherche à imposer d’autres règles dans la mondialisation.

    Soutenez-vous les initiatives en faveur d’un audit de la dette européenne, et êtes-vous pour une annulation partielle des dettes liées au marché financier ?
    Il faut voir et écouter les arguments avancés. L’endettement lié au renflouement des banques doit être traité à part, c’est une certitude.

    Quand vous dites cela, vous êtes plus proche de Mélenchon que de Hollande ou de Bayrou…
    Je suis plus proche de son volontarisme. Mais Mélenchon est anti-européen sur bien des aspects, et voudrait que la France s’isole. Or l’échelon européen permet d’agir dans le monde. Personne ne peut l’oublier.

    Vous restez persuadée de la réussite de votre candidature ?
    Oui, j’ai un mandat de tous les écologistes pour mener cette campagne. Et cette campagne est financée par les citoyens. Nous avons déjà recueillis 200.000 euros de dons, parmi lesquels beaucoup de dons de 5 ou 10 euros. Et je reçois des mails de RMIstes qui me disent « 5 euros, c’est beaucoup pour moi, mais je vous les donne ». Je ne me vois pas leur expliquer que je me retire parce que des commentateurs médiatiques me le conseillent…
    L’entretien a eu lieu dimanche soir, après le meeting de François Hollande, dans un bar non loin de la gare Montparnasse. Il a duré une heure et a été relu et amendé par Eva Joly et son directeur de campagne (en fait quelques formules ont été précisées, mais rien n’a été enlevé).

  2. Eva Joly « Remettre l’école au centre du combat pour l’égalité »

    Publié le

    Source : http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/01/20012012_EvaJoly.aspx

    Pour la candidate d’Europe Ecologie Les Verts, il est urgent de lutter contre le stress à l’Ecole. Pas seulement pour améliorer la qualité relationnelle dans l’Ecole mais aussi parce que c’est une étape vers plus d’égalité. Eva Joly souhaite créer 20 000 nouveaux postes d’enseignants dans les quartiers défavorisés. Elle veut lancer des « Etats Généraux de l’Education » pour refonder l’Ecole. Mais sa signature se retrouve particulièrement dans l’idée d’assouplir le rapport à l’école. « De 16 à 25 ans, je veux que chacun puisse facilement interrompre ou reprendre son parcours. Les jeunes français sont parmi les plus stressés du monde : ce stress est lié à l’absence de droit à l’erreur. Je veux donner le droit à l’erreur, le droit de rater, le droit de recommencer. Je veux donner le droit de partir, de travailler, de vivre une expérience personnelle grâce à l’éducation populaire, et de revenir ».

    Quelle doit être la priorité de toute action politique sur l’éducation pour vous ?

    Ma plus grande crainte pour l’école, c’est qu’elle devienne le lieu de la compétition acharnée. Que sous couvert d’excellence, ce soit le règne de la concurrence. Je ne veux pas d’un tel système qui gaspille les talents en condamnant dès le plus jeune âge des enfants. Et, comme par hasard, ceux qui sont condamnés sont bien souvent ceux qui sont nés au mauvais endroit, dans le mauvais quartier. Avec la lutte de tous contre chacun, l’égalité n’a pas plus sa place, ni comme postulat, ni comme horizon. Cela nous condamne à la reproduction sans fin de la domination.

    Plutôt que de fragmenter, je veux remettre l’école au centre du combat pour l’égalité, en réunissant dès le début du quinquennat, des Etats Généraux de l’Education, avec toujours la même obsession : l’égalité. Nous mettrons sur la table la question de la carte scolaire, de la répartition des moyens sur le territoire, de l’affectation des jeunes enseignants. Plutôt que défaire le collège unique, je défends l’idée d’une école fondamentale accueillant toute une classe d’âge jusqu’à 16 ans sans sélection ni orientation. De 16 à 25 ans, je veux que chacun puisse facilement interrompre ou reprendre son parcours. Les jeunes français sont parmi les plus stressés du monde : ce stress est lié à l’absence de droit à l’erreur. Je veux donner le droit à l’erreur, le droit de rater, le droit de recommencer. Je veux donner le droit de partir, de travailler, de vivre une expérience personnelle grâce à l’éducation populaire, et de revenir.

    A droite l’UMP met en avant un modèle sur l’Ecole : celui du pilotage par l’évaluation et de la mise en concurrence des écoles et établissements. C’est un modèle qui est déjà opérationnel dans plusieurs pays ce qui lui ajoute du poids. Pensez-vous que la France puisse échapper à ce modèle de gestion de l’Ecole ? Si oui, par quoi le remplacerez-vous ?

    La mise en concurrence existe et s’étend, mais le pilotage est à courte vue. Les citoyens doivent se réapproprier la réflexion sur les critères et les confusions savamment entretenus sur l’évaluation doivent être levées. Par quoi le remplacer ? Par une logique de coopération, de complémentarité, entre les établissements. Cela implique une réelle transparence (par exemple les budgets consolidés des établissements). La coopération doit se construire à l’échelle des bassins de vie, sur une logique de projet. Les démarches démocratiques doivent être aussi encouragées qui associent les élèves, les parents et permettent de coopérer avec les acteurs d’un territoire, dont les dimensions s’étendent progressivement au fur et à mesure de la scolarité.

    Dans les idées qu’on entend un peu partout (pas seulement chez Sarkozy), il y a l’idée qu’on peut augmenter le temps de travail des enseignants. Même si, de fait, les rectorats n’arrivent plus à caser leurs heures supplémentaires défiscalisées. Quel est votre sentiment là-dessus ?

    Je suis opposée à cette logique si elle aboutit à augmenter les temps d’enseignement en classe entière. Car cela rend très difficile l’individualisation de l’enseignement, car cela ne permet pas de varier les groupements d’élèves en fonction des besoins, des rythmes ou des projets. Il faut au contraire que les enseignants puissent avoir moins d’élèves à suivre en même temps, et pour cela repenser le temps de travail des enseignants, des élèves… et aussi ce qu’on demande aux parents ! Les élèves sont de plus en plus tôt soumis à un stress permanent, leurs parents aussi. Et par ricochet, les enseignants… Il est temps d’afficher « RALENTIR ECOLE », pour s’approprier le savoir à son rythme. Pour apprendre à vivre en groupe, à prendre des responsabilités. Pour confronter ses émotions, ses impressions. Pour rencontrer l’autre. Pour comprendre ce que les adultes demandent.

    Certains courants expliquent que l’amélioration des performances du système éducatif passe par une autonomie plus grande des établissements. Partagez-vous cette analyse et pourquoi ?

    L’autonomie, oui, nous sommes pour, cela fait partie des fondamentaux de l’écologie. Mais qui l’exerce ? Le chef d’établissement ? Le gestionnaire ? L’équipe pédagogique ? On revient là au fonctionnement démocratique des établissements. Nous proposons qu’une partie de l’équipe de direction soit élue et apparaisse comme une émanation de la communauté éducative. L’autonomie pédagogique a plus de sens dans ces conditions. L’enjeu véritable est d’inventer, dans chaque établissement, le moyen adapté qui sera plus fécond que le modèle unique « une heure, une classe, un enseignant, une discipline » pour atteindre la culture commune des citoyens en s’appuyant sur un socle commun qui soit défini à l’échelon national. Cela requiert un autre mode de rédaction des programmes, en les définissant en termes d’objectifs de fin de cycle et non de contenus disciplinaires. Cela suppose une réorganisation des examens, qui orientent toute la pédagogie en amont et contribuent à fossiliser le système.

    Le débat sur les « compétences » et l’évaluation des élèves est très fort depuis quelques années, dans les pays de l’OCDE. Il semble que ces notions fassent débat chez les enseignants. Comment pensez-vous que le système éducatif français puisse dépasser l’apparent antagonisme entre programmes et socle commun, entre évaluation par compétence et examens nationaux (brevet, bac…) ?

    Ce cheminement sera long et la France s’y est engagée tardivement. Tout le monde est concerné : il suffit par exemple de lire les référentiels des diplômes de bac professionnel adoptés en 2008-2009 pour s’apercevoir que les différentes inspections disciplinaires elles-mêmes ne parlent pas le même langage sur des notions aussi triviales que les compétences, les attitudes, les connaissances. Il faut donc changer les habitudes.

    Les leviers sur lesquels il faut agir portent sur les pratiques d’évaluation conditionnées par les examens finaux, mais aussi la formation initiale et continue des enseignants : on n’en prend pas le chemin ! La validation d’unités capitalisables, la présentation de travaux, des épreuves transdisciplinaires aux examens contribueraient à faire évoluer les priorités.

    Les travaux de l’OCDE montrent que les salaires des enseignants ont relativement diminué depuis 1995 et qu’ils sont bas par rapport aux pays voisins. Là aussi, qu’est-ce qui peut être fait ? Avec quelles exigences en retour ? Comment rendre le métier à nouveau attractif ?

    Cette question est centrale dans le débat public. Derrière se cache la question du temps de présence des enseignants dans les établissements. Dans beaucoup de pays d’Europe, les enseignants sont présents dans l’établissement, pas seulement pour faire leurs cours ou corriger leurs copies. Ils sont disponibles pour accueillir les élèves. Ils doivent en suivre un certain nombre individuellement. Aujourd’hui, ce n’est matériellement pas possible. Les enseignants ont-ils un bureau, un ordinateur personnel auquel accéder, des salles pour recevoir parents et élèves ?

    L’urgence politique pour nous, c’est aussi de reposer les bases de l’entrée dans le métier : deux années de formation réellement professionnelle, en alternance, après le concours en fin de licence. Il faut aussi d’autres voies d’accès par concours : je pense à ceux qui sont déjà titulaires d’un mastère ou aux enseignants contractuels.

    En démocratisant le fonctionnement des établissements, en soutenant l’innovation, en réduisant la précarité que le gouvernement actuel développe, en agissant sur le système d’affectation pour sécuriser le parcours des enseignants débutants, faciliter la constitution d’équipes stables et encourager la prise de responsabilité des enseignants expérimentés, on donnera à nouveau envie aux meilleurs étudiants d’embrasser eux-mêmes la carrière enseignante.

    La situation économique ne cesse de se dégrader. Dans cette perspective est-il encore possible de dégager des moyens supplémentaires pour l’Ecole, par exemple pour embaucher 60 000 personnes ? Le futur gouvernement peut-il s’engager sur des moyens supplémentaires pour l’éducation ?

    Je propose de recréer 20 000 postes d’enseignants, d’abord dans les quartiers défavorisés. Est-ce possible dans le contexte budgétaire ? La crédibilité de l’ensemble des propositions écologistes réside dans le fait que je les finance : j’ai dévoilé dès novembre dernier mon budget alternatif. C’est une question de choix politiques. Je préfère m’attaquer à la fraude fiscale, réintroduire de la progressivité dans l’imposition des citoyens et des entreprises, mettre un terme au gaspillage financier dans les autoroutes, les grandes infrastructures prestigieuses comme l’EPR…

     

  3. Fuite de tritium à la centrale de Civaux

    Une fuite de tritium à la centrale de Civaux pollue la nappe phréatique.

    Le 13 janvier, des analyses réalisées par EDF dans la nappe phréatique située sous la centrale nucléaire de Civaux ont révélés une concentration inhabituelle de tritium, un nucléide radioactif produit par la centrale. (suite…)

  4. Conférence de presse des candidat-e-s en 79

    17 janvier 2012

    Cyril Pouclet, Virginie Léonard et Geneviève Paillaud ont accueilli les journalistes autour d’une boisson chaude dans un café de Niort.

     

     

    Entre 2 sifflements de percolateur, ils ont expliqué leur engagement dans cette élection. Chaque journaliste a reçu le programme « Vivre mieux« .

     

    Visiblement impressionnés par son épaisseur, ils sont restés attentifs aux paroles de nos candidat-e-s.

     

     

    Nouvelle République du 18 janvier 2012

     

     

  5. Environnement : Réaction d’Eva Joly et Cécile Duflot aux propos de Nicolas Sarkozy

    Publié le

    Communiqué de Presse

    Hier, M Sarkozy a déclaré en Ariège   »J’ai conscience que l’aspect tatillon de règlement administratif vous insupporte, je prends exemple des règles environnementales, la question de l’eau, la protection de l’eau…. Nous allons prendre des mesures pour relâcher la pression… »

    La candidate EELV, Eva Joly et la secrétaire nationale d’EELV, Cécile Duflot, déclarent : « Nicolas Sarkozy préfère défendre « le petit bonheur » de quelques chasseurs court-termistes plutôt que la survie des espèces. Il reprend la chasse aux voix et la course derrière la campagne du Front National. Il se trompe sur la France.

    Ce qu’attend le monde rural ce sont des solutions d’avenir pour l’emploi, la terre, la protection de la faune et de la flore et non pas de la démagogie. Les propos de M Sarkozy sont très graves et montrent l’état d’esprit dans lequel le président de la république assure ses responsabilités. M. Sarkozy se comporte en braconnier de l’environnement.
    Il humilie ceux qui ont crû à la sincérité de la démarche du Grenelle de l’environnement et il insulte notre avenir en traitant de façon très légère la question de l’eau, une ressource essentielle et vitale pour l’humanité.
     »

    Eva Joly déclare : « Dans cette campagne, je serai la seule candidate à défendre les intérêts du long terme, et à mettre au cœur de ma campagne les solutions qui protègent l’environnement et garantissent l’avenir durable de la planète. »

  6. Prix de l’essence : « les Français ont droits à des solutions concrètes »

    Le

    Alors que le prix de l’essence bat des records et que la facture énergétique de la France a augmenté de près de 40% en un an, Eva Joly, candidate des écologistes à l’élection présidentielle, réagit : « Cette situation nous rappelle que l’indépendance énergétique de la France est un leurre. Les Français en sont victimes dans leur quotidien : ils ont le droit à des solutions concrètes.

    Une fois de plus, ce sont les ménages les plus fragiles qui sont les plus touchés. Je m’engage à ce que chaque Français bénéficie d’un service public de transports à moins de 10 minutes à pied de chez lui. Taxis collectifs, covoiturages, transports à la demande, bus, tram… Les possibilités sont nombreuses et je réorienterai les subventions de la route vers ces alternatives. »

     Eva Joly poursuit : « Je m’engage à ce que, d’ici la fin du prochain quinquennat, la France produise des voitures consommant moins de 2 litres au 100 km.  »

    Pour atteindre cet objectif, le gouvernement devra accélérer les efforts de recherche et développement, intensifier les partenariats avec les constructeurs automobiles et en renforcer le système de bonus-malus.

  7. Perte du triple A – Eva Joly : « cette dégradation doit être l’occasion d’une prise de conscience »

    Le

    Eva Joly, candidate des écologistes à l’élection présidentielle, réagit à la perte par le France de sa note AAA :

    « La perte du AAA doit être l’occasion d’une prise de conscience qu’un autre monde doit naître. Nicolas Sarkozy a échoué, les cadeaux fiscaux abusifs ont creusé les déficits. L’austérité n’est pas une réponse, ni l’obsession de la croissance : l’heure est donc à porter la transition écologique de l’économie. Il n’y a pas de fatalité, c’est l’espoir d’une nouvelle révolution industrielle qui protège la planète et donne un travail de qualité à chacun. C’est exactement ce que j’ai proposé aujourd’hui avec mon pacte écologique pour l’emploi ».

    Découvrez le Pacte écologique – 1 million d’emplois

    Discours à Alizay sur le Pacte écologique pour l’emploi

  8. Procès des faucheurs volontaires

    Poitiers le 13 janvier 2012

    Un procès de haute volée intellectuelle où une noble idée de la science vient appuyer les indigné-e-s qui passent à l’action.

    Les 8 prévenu-e-s, assis sur des bancs face à la cour, sont jugées en appel devant un tribunal correctionnel pour avoir, le 15 août 2008, fauché 2 parcelles de champs de maïs transgéniques (mélange de Mon810 et de NK603), à Civaux et à Valdivienne.

    Le 1er procès avait conclu à une relaxe car si les faits étaient reconnus sans ambiguïté, la partie civile avait porté son accusation sur les destructions de cultures pour une mise sur le marché et non pour des essais expérimentaux.

    Chaque prévenu passe à la barre pour expliquer et justifier ses actes. Certains sont « récidivistes », d’autres ont découvert l’art du fauchage le 15 août 2008.

    Des célèbres, José Bové, François Dufour, vice-président de la région Basse-Normandie mais aussi des plus anonymes mettent en avant leur inquiétude et leur responsabilité vis-vis des générations futures.

    « Nous, paysans bio, nous devons prévenir et ne pas laisser faire. »
    «  Si des cultures bio sont contaminées par des OGM, les consommateurs peuvent porter plainte contre l’agriculteur. »
    « C’est ma liberté de consommatrice qui est mise à mal. Je me sens en légitime défense lorsque je vais nettoyer des parcelles. »
    « Le logo européen bio accepte 0,9% d’OGM ! Ça n’a plus de sens ! »
    « Ce modèle agricole est un modèle totalitaire au sens où il s’impose au détriment des autres. »
    « La logique du brevet et la privatisation des semences sont contre les intérêts de la biodiversité. »
    « Monsanto est une entreprise de mort avec des mots finissant en « cide. »
    « Le mélange herbicide/insecticide n’a pas été évalué par l’agence européenne. L’agence européenne joue les apprentis sorciers. Elle est inféodée à l’industrie agro-alimentaire. »

    « Mais nous ne sommes pas sur Arte ou France Culture ici ! Ni dans un débat à C dans l’air ! » s’exclame l’avocat général après la déposition des 2 témoins scientifiques : Jacques Testart, biologiste à l‘INSERM et « père » d’Amandine, 1er bébé éprouvette de France et Pierre-Henri Gouyon, biologiste spécialiste en génétique, botanique et écologie.

    C’est vrai que l’intelligence et le savoir de ces deux-là font oublier un instant l’enjeu et le cadre.

    Au moment de prêter serment P-H Gouyon avec humilité fait remarquer que jurer de dire la vérité était difficile pour un scientifique. Puis il ajoute que dans l’état actuel des connaissances, nous sommes dans l’incapacité de prévoir ce que va donner un gène introduit dans une plante. Il cite l’exemple de 2 trèfles contenant des protéines différentes donnant une fois croisés un trèfle riche en cyanure.
    J. Testart faisant référence à « Tintin et les oranges bleues » accuse Monsanto de jouer les Professeurs Tournesol.
    Benoît Biteau, vice-président de la région, agriculteur bio, reproche au modèle OGM de servir un intérêt individuel au bénéfice de quelques-uns.
    « Quand on est soutenu à ce point par l’argent public, on doit avoir un contrat moral pour l’intérêt général. »

    Pour les avocats de Monsanto et d’Idemaïs, « les faucheurs ont agi en commando avec une extrême violence ». Ils « écornent l’image de Monsanto ». Ils se font « justice eux-mêmes ». « L’argument d’état de nécessité est la porte ouverte à tous les abus. » « Il y a un préjudice moral et matériel pour la société Idemaïs. »

    L’avocat général cite Edgar Morin pour justifier son idée de la justice permettant un idéal de vie ensemble.
    « Je partage votre combat mais vous vous trompez de moyens. » « Vous n’avez pas agi par nécessité mais par choix politique. »

    Les avocats de la défense comparent les faucheurs à des baïonnettes intelligentes. « S’il n’y avait pas eu d’arrachage, qui aurait parlé des OGM ? » « L’état de droit prime sur la loi. » « Les gens qui se lèvent, ça s’appelle des consciences. » « La propriété n’est pas un droit absolu. »

    Des jours-amende ont été requis par l’avocat général allant de 100 jours à 6 € à 200 jours à 10 € pour José Bové.

    Des peines qualifiées de clémentes par José Bové qui reste confiant pour la relaxe. Nous aussi !
    Résultat le 16 février.

     

    En savoir plus :
    France 3
    Nouvelle République
    Témoignage de soutien de Stéphane Hessel refusé par la cour

    Pierre-Henri Gouyon : changement climatique et OGM

    Jacques Testart sur France Inter le 3 janvier 2011



  9. Nuit de l’Égalité : discours d’Eva Joly

    Le 11 janvier 2012

    Cher-e-s ami-e-s,

    Permettez-moi, avant de commencer notre rendez-vous, de rendre un hommage solennel à un homme qui est mort aujourd’hui. Gilles Jacquier ne faisait que son métier, celui de grand reporter pour France 2, lorsqu’il est mort aujourd’hui sous l’éclat d’un obus à Homs en Syrie. Ce terrible drame nous rappelle tout d’abord combien il peut être difficile d’exercer sereinement la liberté de la presse. Mais cela nous appelle aussi à une vigilance encore plus grande sur les événements dramatiques qui se déroulent en Syrie. Nous avons une responsabilité pour faire revenir la paix et la démocratie.

    Pour Gilles Jacquier, pour tous les journalistes qui exercent librement leur métier, pour tous les opposants syriens qui tombent chaque jour sous la répression, je vous demande une minute de silence.

     

    J’ai voulu que ce premier rendez-vous de l’année soit placé sous le signe de l’égalité. Ce n’est pas un événement habituel dans une campagne.

    J’ai souhaité inviter des personnalités de la société civile, des héros ordinaires, qui tout au long de leurs témoignages nous montreront combien l’injustice demeure dans notre société. Le débat de ce soir n’est pas une simple interpellation, mais c’est bien le début d’un chemin que nous ferons ensemble pour mettre l’égalité et la justice au coeur de cette campagne présidentielle.

    Ce n’est pas seulement pour moi un enjeu de campagne, un objet de polémique, un sujet de débat. Quand on aborde la conception de l’égalité et les moyens de la faire vivre, on touche en réalité au coeur même de ce qui fait la France.

    Je veux parler non pas de la France dont on hérite, mais de celle que l’on choisit. De cette France, que j’ai choisie, alors que j’avais vingt ans, par amour d’un homme bien sûr, mais aussi par amour d’un pays, de sa culture et de ses traditions.

    Nicolas Sarkozy nous avait proclamé en 2007 que la France, « on l’aime ou on la quitte ». Je ne crois pas que c’est avec ce type d’oukase que se construit la richesse d’un pays.

    Ma conviction, je l’ai faite bien tôt : la France on l’aime, on la choisit et on la construit, ensemble.

    L’identité nationale n’est pas un grand récit que l’on voudrait figer ou fixer pour l’éternité, mais c’est une invention du quotidien, faite par les femmes et les hommes qui vivent et font un pays, nourrie de l’histoire et de l’héritage des générations et des mobilisations antérieures.

    Ce qui a nourri mon amour de la France, c’est la France rebelle, qui ose et qui invente, et qui ne se résigne jamais lorsqu’il s’est agi de défendre la liberté.

    Je veux redonner à la France les couleurs qui la font vivre, redonner son sens à son drapeau. La République du bien commun que je propose, ce n’est pas une République nationale, jacobine et autoritaire. La République du bien commun, c’est celle qui remet au coeur de la chose publique l’intérêt général et la réconcilie avec son rêve d’origine.

     

    En somme, le rêve français pour moi, c’est celui de la passion de l’égalité.

    C’est pourquoi je me sens tellement française, parce que toute ma vie j’ai poursuivi cet idéal d’égalité et de justice.

    L’égalité c’est l’effort continu vers le bon pour chacun et le meilleur pour tous.

    L’égalité c’est la pierre de voûte de l’édifice républicain. L’égalité forme avec ses inséparables soeurs jumelles, la liberté et la fraternité, la plus belle devise du monde.
    Les trois couleurs de la France pour moi, c’est la liberté, l’égalité et la fraternité.

    Alors que j’exerçais le métier de juge, j’ai compris que l’égalité, cette promesse de justice n’était pas seulement la boussole qui indiquait le chemin, mais qu’elle pouvait être elle-même le chemin.

    Pourtant, sous mes yeux, j’ai vu notre pays reculer, se résigner, voire renoncer. La même loi pour tous, est parfois devenue la loi du plus fort. Mais aussi, trop souvent, nous avons renoncé face à cette promesse, préférant fermer les yeux sur les fossés qui se creusent. Peu à peu, la même chance pour toutes et tous, est devenue la défense des privilèges et des acquis.

    Au pays de l’égalité, ce sont les inégalités et les discriminations qui prospèrent aujourd’hui : discriminations raciales et sociales, différences de traitement entre hommes et femmes, absence de respect des droits des étrangers, fin de l’égalité d’accès à l’emploi, au logement, à la santé, injustices environnementales qui sont comme une double peine car ceux qui les subissent sont aussi les plus pauvres.

    Alors ici comme ailleurs, prend forme la société du mépris et de l’indifférence.

    La France qui se livre aux plus fortunés et les laisse régenter.

    La France qui délaisse son territoire et le laisse se morceler et se diviser.

    La France qui oublie les enfants de sa République, dans un système scolaire qui aggrave plus qu’il ne supprime les injustices. Rendons ici hommage à Pierre Bourdieu, décédé il y a dix ans, qui le premier avait su montrer combien l’école était capable d’aggraver les inégalités plutôt que de les éliminer.

    Cette égalité, cet élément clé de l’identité nationale, a été mise à mal par cinq ans de présidence sarkozyste. Oui je le dis : Nicolas Sarkozy a mis à mal l’identité nationale. Quand j’entends Claude Guéant, quand j’entends Marine Le Pen, oui j’ai mal à ma France, j’ai mal à notre France.

    Je crois que peu de gens ont pu ressentir la souffrance que j’ai vécue il y a quelques jours face à la circulaire Guéant. Ainsi, un Ministre de l’Intérieur aurait choisi de mettre à mal ce qui faisait la richesse fondamentale de la France : la liberté d’aller et venir pour les étudiants étrangers. J’ai eu la chance de venir en France comme jeune étudiante dans les années 1960, à l’époque où le monde entier rêvait d’être étudiant à La Sorbonne ; et c’est cela qui faisait la culture et la grandeur de ce pays. Aujourd’hui, ainsi on voudrait trier les étudiants en fonction de leurs origines au lieu de leur donner leur chance ; à ce calcul cynique j’oppose la liberté fondamentale d’aller et venir, et le droit de chacun à rester vivre dans le pays où il a étudié.

    Cinq ans de déconstruction systématique de notre modèle social, cinq ans de privilèges pour ceux qui ont déjà les mains pleines, et au final cinq ans de régression pour notre pays.

    En supprimant la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, Nicolas Sarkozy a fait un choix qu’il doit assumer : celui de ne plus considérer l’égalité réelle des droits entre les Français comme une priorité des politiques publiques.

    Permettez moi de le dire puisque cela fait la une des journaux, je trouve bien ironique de voir la droite et Laurent Wauquiez, s’inquiéter de l’injustice qui naîtrait d’une suppression du quotient familial. En guise de défense de la famille, ils défendent surtout la leur. Car ne nous berçons pas d’illusions, la suppression des quotients serait avantageuse pour toutes les familles gagnant jusqu’à 3 SMIC par mois. Alors sur le sort de quelles familles, le gouvernement s’apitoie-t-il ? Notre réforme n’a pas vocation à être modulée, nous disons simplement que chaque enfant doit pouvoir vivre avec les mêmes droits.

    *****

    À ce quinquennat de l’injustice érigée en loi, je veux faire succéder le quinquennat de l’accomplissement de la promesse républicaine.

    La première des priorités de mon quinquennat pour l’égalité, ce sera l’égalité territoriale. Un grand Ministère de l’Égalité territoriale doit être créé. Il aura en charge l’aménagement du territoire et des services publics avec pour mission de lutter contre la discrimination territoriale. Je veux que chacun ait un égal accès à la santé, aux transports ou à l’éducation. Parce que je ne veux pas que l’endroit où l’on naît, ou l’endroit où l’on réside, détermine sa destinée sociale. Les habitants des banlieues ou les habitants des zones rurales ont le droit d’être traités dignement.

    Je défends un « bouclier services publics ». Partout, l’accès au service public est difficile. Nous devons assurer que chaque Français-e puisse avoir un bouquet de services publics essentiels à proximité de son lieu de vie.

    Je souhaite également mettre en place un Pacte pour la justice environnementale. Aujourd’hui les victimes des injustices sociales sont aussi les premières victimes des inégalités environnementales.

    Qui habite à proximité des usines SEVESO ?

    Qui a construit sur des terrains pollués parce qu’ils étaient moins chers ? Qui doit acheter de la viande pleine de produits toxiques ?

    Qui doit éteindre son chauffage même quand il fait froid parce que le lobby nucléaire a équipé la France de convecteurs électriques d’une totale inefficacité ?

    L’écologie est à mes yeux nécessairement un projet de justice qui bénéficie le plus à ceux qui ont le moins. Cela est vrai en France mais aussi bien sûr à l’échelle de la planète. Ce qui est bon pour la planète est bon pour les hommes et les femmes qui l’habitent. C’est pour cela que je mettrai en place un plan de lutte contre la précarité énergétique, que je déploierai l’alimentation bio dans les cantines scolaires. Ces propositions ne sont pas des vœux pieux. Je les ai chiffrées, je sais comment les financer, vous pouvez me faire confiance pour les réaliser.

    Puisque nous parlons de l’école, je voudrais dire un mot sur les options de l’actuel Président en la matière. Avoir cassé l’école dans les cinq dernières années ne lui suffit pas. Ses nouvelles propositions vont accentuer les inégalités à l’école au lieu de les réduire.

    Quand il parle d’autonomie des établissements, il défend en fait le libéralisme scolaire avec une compétition acharnée entre établissements. Sa vision, c’est la lutte de tous contre chacun. L’égalité n’y a pas sa place, ni comme postulat, ni comme horizon. Or l’éducation sans égalité, c’est la reproduction sans fin de la domination.

    Et si plutôt que de fragmenter et diviser, nous remettions l’école au centre du combat pour l’égalité ? En disant que ce n’est pas l’égalité qui a failli, mais la République qui a oublié de puiser à sa source. Plutôt que défaire le collège unique, créons une école fondamentale, faisant que dès le plus jeune âge, nous aurons accès aux mêmes savoirs et aux mêmes contenus. Et réunissons dès le début du quinquennat des États généraux de l’Education, avec toujours la même obsession : lorsque l’égalité faillit, ce n’est pas le renoncement qui doit lui succéder, mais l’obligation de l’accomplir.

    Dans cet esprit, je veux préciser ce que j’ai pu dire sur les grandes écoles. Ce que je veux supprimer, c’est un système élitaire qui sous couvert de faire émerger une élite pour la nation, gaspille les talents en condamnant dès le plus jeune âge des enfants.

    Un système a deux vitesses, selon que l’on soit bien né ou pas. Un système où les codes non écrits ont toujours plus de poids que les lois établies.

    Pour changer cela, il faut des mesures radicales. Je plaide par exemple pour rétablir une nouvelle carte scolaire ayant pour but de combattre l’apartheid scolaire en mélangeant les enfants issus de quartiers différents au sein d’un même établissement.

     

    Ces injustices qu’elles soient de territoire, liées à l’environnement ou à l’école, frappent chacune et chacun. Mais il y en a des plus insidieuses, qui sourdement, trient entre les citoyens. La République du bien commun, c’est celle de la même loi pour tous et toutes, et son application.

     

    La première des injustices, c’est celle qui touche la majorité de la population. Les femmes. J’ai bien souvent pu l’expérimenter dans ma vie. Quelque soit le chemin que l’on parcourt, le talent que l’on déploie, la société n’hésite pourtant jamais à nous le rappeler : nous ne sommes que des femmes.

    Notre pays ne peut plus supporter que sur son territoire une femme touche un salaire nettement inférieur à un homme. Depuis des années, les lois existent pour garantir que pour le même travail un homme et une femme touchent le même salaire. Pour autant, les écarts de salaire demeurent. Les années qui viennent doivent être la fin de l’inégalité salariale. Proposons alors une mesure simple : pas un euro d’argent public ne peut aller à une quelconque entreprise, quelque soit sa taille, son but ou son utilité sociale, qui pratiquerait une inégalité de salaire entre les femmes et les hommes.

    En France, il est toujours impossible selon son orientation sexuelle de se marier ou d’adopter des enfants.

    La République du bien commun, c’est celle de la même loi pour toutes et tous, c’est celle qui ne demande pas quel est le sexe de la personne qu’on souhaite épouser pour vous accorder le droit de le faire ou non, puisque peu lui importe qu’un homme aime un homme ou qu’une femme aime une femme. Le mariage pour tous et toutes est un droit qu’on ne devrait pas pouvoir refuser. Et permettez-moi de rendre ici un hommage appuyé à Noël Mamère, qui n’a rien cédé pour faire de ce rêve inaccompli à ce jour une réalité.

    Ce sont ces différences et ce mépris qui chaque jour mettent à mal notre idéal d’égalité. Un idéal mis à mal aussi par les traitements différents, reçus en fonction de l’origine et de la couleur de la peau. La République du bien commun n’accepte pas les contrôles au faciès et s’organise pour que les contrôles d’identité nécessaires se déroulent de la manière la plus respectueuse possible, par exemple en munissant les agents d’un carnet à souche, afin que chaque contrôle soit dûment justifié et notifié.

     

    Ma République, c’est celle qui permet un plein et entier exercice de la citoyenneté. Celle qui ne tolère pas que les enfants handicapés soient trop souvent tenus à l’écart du système éducatif et se bat pour garantir l’effectivité de leur droit d’accès à l’éducation et à l’insertion professionnelle.

    Il en a fallu des années pour donner du sens à cette longue marche qu’est l’égalité. Je pense à celles et ceux qui ne nous entendent pas : aux sourds et aux sourdes. Pendant très longtemps, leur langue, ici utilisée, n’a pas été reconnue. Il aura fallu attendre 2005 pour que celle-ci trouve enfin toute sa place. C’était bien tard.

    *****

    La République du bien commun, c’est aussi une République de la reconnaissance. La reconnaissance, c’est admettre que la France est riche de ses différences et peut dans son rêve et sa promesse d’égalité rassembler chacune et chacun.

    Je propose que la République s’assure que chaque religion bénéficie d’un égal traitement dans l’espace public. Il y a quelques années, la commission Stasi sur la laïcité proposait qu’un jour férié soit réservé aux autres cultes que le culte catholique. Je reprends cette proposition qui faisait consensus il y a quelques années à mon compte : je veux que les juifs et les musulmans puissent célébrer Kippour et l’Aïd-el-Kebir lors d’un jour férié. Si tel est le cas, l’égalité et la laïcité auront avancé dans notre pays.

    De la même manière, depuis plusieurs années notre pays est traversé d’un profond débat sur la mesure de la discrimination. Alors permettez-moi de ne pas avoir de religion, mais une simple conviction. On ne pourra pas combattre une injustice en détournant les yeux.

    Ne figeons pas les Français dans des niches ou des catégories, mais permettons à chacune et à chacun sur la base de la déclaration volontaire de dire son vécu et ainsi ensemble d’en mesurer l’injustice. Ces statistiques de la discrimination ne sont pas en elles-mêmes un remède mais pourraient représenter un instrument utile pour permettre demain un même accès à l’emploi, à la santé, au logement, voire aux responsabilités politiques.

    Je souhaite ouvrir un débat dans la société française. Faisons preuve d’ouverture citoyenne et participative en posant les bonnes questions : comment mesurer sans stigmatiser ? Peut-on mesurer sans se doter d’arrières pensées ? Ma conviction est simple, ça n’est jamais en fermant les yeux que la République a émancipé, mais toujours en se confrontant à toutes les inégalités.

    Dans cette élection présidentielle, je veux représenter la France qui n’est pas bien née ou qui n’a pas toujours été favorisée. Celle qui parfois doute que son pays ressemble encore au rêve qu’il a promis, qu’il ait encore le sens et l’audace de ses valeurs.

    Disons-le tout de suite, cette France n’est pas celle de Marine Le Pen à qui ma tête, mon accent, mon parcours ne reviennent pas. Qu’elle se rassure, je ne cherche pas à lui plaire. Je la combats sans relâche, car elle propage une culture de haine appuyée sur une posture de mensonge. Son projet porte en lui-même la fin de la France, la fin de ma France, la fin de notre France.

    Sa France ce n’est pas la France, c’est la France défigurée par la haine de l’autre, la France amoindrie par le manque d’ambition universelle, la France amputée par le repli national. Si je reprends à mon compte avec fierté le bleu, le blanc et le rouge de notre drapeau c’est que nous les tenons de la Révolution française. Ce drapeau n’appartient pas à ceux qui le souillent de leur haine de l’autre mais à ceux qui défendent chaque jour l’égalité.

    Combattre le front national, c’est aussi avoir le courage de proposer des idées nouvelles qui assument l’identité cosmopolite de notre vieille nation. La France est terre de mélanges. C’est son histoire et c’est son avenir. Et à cela, nous ne renoncerons jamais, au nom de l’égalité et au nom de la France qui est sa patrie. J’ai besoin de vous.

    Vous l’aurez compris, je veux que le bleu, le blanc et le rouge de la République embrassent le vert de l’espoir.

    C’est vous qui écrivez l’histoire de France. Peu importe la couleur de votre peau, ce pays est le vôtre. Vous pouvez la choisir. Ne laissez personne décider de votre histoire à votre place.

    Vous, aux accents aussi divers et chantants que les notes d’une même partition, vous êtes la France, la France d’aujourd’hui et de toujours.

    Alors le 22 avril, au moment de rentrer dans l’isoloir, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays, demandez-vous ce que vous voulez faire de votre pays.

    Et votez juste ! Votez juste pour l’écologie, votez juste pour l’égalité, votez juste pour la France.

    Photo : Xavier Cantat

  10. « Sortir de la crise du logement, c’est aussi sortir de la précarité énergétique » : propositions d’Eva Joly

    Publié le

    Hier soir, dans une salle comble au Théâtre du Rond-Point, Eva Joly s’est rendue au meeting co-organisé par la Plateforme des mouvements sociaux pour le logement, l’association Droit Au Logement et la Fondation Copernic.
    « Urgence contre le logement cher ! » : c’était le mot d’ordre de la soirée, alors que ce sont presque 10 millions de personnes en France qui sont touchées de près ou de loin par le mal-logement.

    La candidate d’Europe Écologie Les Verts à la présidentielle a profité de cette occasion pour rappeler son indignation et sa mobilisation en faveur d’une vraie politique du logement alors que « Nicolas Sarkozy avait promis en 2006, que d’ici à 2 ans, plus personne ne dormirait dehors ».

    Mais ces dernières années, le gouvernement est allé plus loin : il a outrageusement privilégié la rente foncière et immobilière. Il a multiplié les cadeaux fiscaux à ceux qui en avaient le moins besoin, les héritiers, les bailleurs, les professionnels de l’immobilier. En Chine, en Espagne ou aux Etats-Unis, la doctrine du « Tous propriétaires », que Nicolas Sarkozy avait prônée en 2007, a échoué. En France aussi, et ce n’est pas le moindre des échecs de ce quinquennat.

    Pour Eva Joly, il faut non seulement changer de politique mais aussi construire, inventer et rénover : « sortir de la crise du logement, c’est aussi sortir de la précarité énergétique ». Elle a rappelé qu’il fallait absolument une politique du logement qui régule, puis encadre les loyers alors que leurs prix ont augmenté de plus de 50% en 10 ans.

    Notre candidate a pu exprimer le premières propositions de son programme logement pour 2012 :

    > Construction de 500 000 logements par an

    Pour réaliser 500 000 logements par an, dont 160 000 logements vraiment sociaux, pas des PLS, il faut une impulsion de l’État : un passage du quota minimum de HLM dans la loi SRU de 20 % aujourd’hui à 25 %, et même 30 % en Île-de-France.

    > Une nouvelle gouvernance du logement

    Construire une nouvelle gouvernance du logement, plus démocratique, plus décentralisée. La plupart des compétences doivent être confiées aux intercommunalités, sans quoi la balkanisation à l’extrême des centres de décisions au niveau des 36 000 communes de France nous mène tout droit à l’éclatement des villes, étalées, ségréguées et inégalitaires. Ce sont les intercommunalités qui pourront planifier l’urbanisation, délivrer les permis de construire là où ils sont nécessaires, et imposer des secteurs de mixité sociale face aux promoteurs, avec des prix de sortie maîtrisés.

    > Régulation des loyers

    Nous instaurerons un moratoire de trois ans sur les hausses de loyer, pour compenser la hausse des dernières années. Dans les zones les plus tendues, comme Paris, il faudra même baisser les loyers de 20 %. Pour cela, nous alignerons les loyers des premières locations et de relocation sur ceux du voisinage, comme le fait l’Allemagne avec ses « miroirs des loyers ».

    > Habitat participatif

    Nous prônons le développement d’un secteur à mi chemin entre la location et la propriété privée : l’habitat participatif. En gagnant en 2012, nous ferons voter une loi autorisant et favorisant les coopératives d’habitants, et tous les projets qui dessinent un logement non-spéculatif, une réappropriation de la ville par les habitants, une mise en commun d’espaces comme une laverie, une chambre d’amis, un jardin partagé. La ville de demain est encore embryonnaire, mais elle existe.

    > Rénovation

    La situation de précarité énergétique est dramatique : 3,5 millions de ménages déclarent avoir froid dans leur logement ! Il faut rénover d’ici 2050 l’ensemble des bâtiments de ce pays, logements comme bureaux. En 2017, 500 000 logements par an devront être rénovés, c’est-à-dire cinq fois plus en rythme annuel qu’aujourd’hui. Les bâtiments publics et les logements des ménages à revenus modestes seront prioritaires, grâce à l’aide de Sociétés publiques de Tiers Financement qui accompagneront la rénovation en anticipant les gains de la réduction des dépenses énergétiques

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