Accueil à l'Assemblée Pour un égal accès aux soins : « Vouloir que les médecins s’installent sur tout le territoire, c’est bien ; les amener concrètement à s’installer, c’est mieux. »

Pour un égal accès aux soins : « Vouloir que les médecins s’installent sur tout le territoire, c’est bien ; les amener concrètement à s’installer, c’est mieux. »

 
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Mon intervention à l'Assemblée nationale, le 24 novembre 2016 :

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir mis à l’ordre du jour cette proposition de loi sur un sujet ô combien essentiel : l’accès aux soins pour tous. Vous faites le constat de l’accroissement des inégalités, alors qu’il n’y a jamais eu autant de médecins. L’Aquitaine est une région sous-médicalisée par rapport à la moyenne nationale : Bergerac a perdu la moitié de ses médecins généralistes en quelques années. Je partage les vives préoccupations des Français à ce sujet et, comme vous, je m’interroge sur l’efficacité réelle des mesures incitatives prises ces dernières années.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très bien !

Mme Brigitte Allain. Cette proposition de loi est conséquente – quinze articles – et j’en salue l’orientation globale. Vouloir que les médecins s’installent sur tout le territoire, c’est bien ; les amener concrètement à s’installer, c’est mieux.

J’ai invité un médecin de campagne à venir témoigner à l’une de mes traditionnelles réunions publiques appelées « lundis de la députée », à Monsaguel, en mars dernier. Parlant de son expérience, il a évoqué les évolutions du métier de médecin, les convictions qui l’ont animé, ses rêves de succession, devenus cauchemars, et ses analyses pour permettre le maintien du service public de santé sur tout le territoire national. Je souhaite vous lire quelques lignes de sa conclusion : « Il nous faut valoriser la médecine générale, réadapter la rémunération des médecins et leur protection sociale, former leurs successeurs, ne pas alourdir les contraintes administratives qui détournent le médecin de son cœur de métier, soigner. »

Certes, des mesures positives ont été mises en place par le ministère de la santé, à travers le pacte territoire santé et dans des lois que nous avons votées. Cependant, les effets concrets ne sont pas toujours bien visibles ; peut-être n’avons-nous pas assez de recul.

Parmi ces mesures, je tiens à en saluer trois.

D’abord, la proposition de garantie financière minimum : par la signature d’un contrat, un revenu mensuel brut est garanti à tout médecin s’installant en zone peu dense ; ce salaire garanti par l’État conforte les jeunes praticiens dans le choix de la médecine libérale, profession indépendante peu protégée des accidents de la vie, et dans laquelle les horaires peuvent exploser. Les chiffres le montrent : deux tiers des signataires ont moins de trente-cinq ans, trois quarts sont installés en zone rurale. En effet, les jeunes praticiens de santé, médecins et infirmiers, comparent les contraintes horaires, les responsabilités, les revenus réels, et préfèrent souvent pratiquer la médecine hospitalière salariée plutôt que la médecine indépendante.

Par ailleurs, un congé maternité a été instauré pour les femmes médecins. C’est d’autant plus important que 80 % des nouveaux diplômés sont des femmes. Le métier de médecin évolue dans le même sens que la société : aujourd’hui, les jeunes – hommes et femmes, ruraux et urbains – ne veulent plus vivre uniquement à travers leur métier.

Autre mesure que je salue : l’accompagnement à la construction des maisons de santé.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très bien !

Mme Brigitte Allain. Je serais curieuse de vous entendre, madame la ministre, sur le bilan de ces structures. Plus de 600 maisons de santé ont été ouvertes depuis 2012. Elles répondent au besoin de mutualisation des charges fixes et de travail en équipe, au sein d’un lieu pluridisciplinaire. Il y a eu des échecs ; quelle analyse en est faite ?

Le maillage médical ne s’arrête pas aux médecins généralistes. Au-delà des mesures attractives en leur faveur, il faut assurer la présence de spécialistes. Ces derniers font cruellement défaut dans certaines zones et même dans les hôpitaux. Le risque de désert médical hospitalier peut entraîner celui de désert médical dit « de ville ». Pour remplacer des médecins généralistes et spécialistes, le numerus clausus, même accru, ne suffit pas pour répondre aux besoins d’une population rurale croissante et vieillissante. C’est pourquoi je soutiens les propositions formulées dans ce texte.

Ma région est un pays de prédilection pour les retraités, qui, au-delà des problèmes de santé, cumulent aussi des besoins sociaux pour lesquels les médecins de campagne assurent sinon la coordination, du moins un vrai relais de terrain. Les milieux ruraux présentent aussi un attrait pour les jeunes actifs, mais encore faut-il nous laisser la possibilité de le leur montrer. Je suis convaincue que les internes et diplômés, en stage, en formation ou en premier exercice, qui viendraient s’installer en Dordogne, y resteraient. C’est pourquoi je suis favorable aux articles 2 et 6, qui prévoient un stage obligatoire et un exercice de trois années dans les zones sous-dotées.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme Brigitte Allain. Nous devons nous diriger vers un service public de la médecine. La France, sixième puissance économique mondiale, ne serait-elle pas en mesure d’assurer à tous l’égal accès à la possibilité d’être soigné rapidement et à proximité de sa résidence ?

Enfin, je me permets d’aborder un sujet oublié : la prévention. Les citoyens, de plus en plus nombreux à requérir des soins réguliers et parfois lourds,…

M. le président. Je vous prie de conclure.

Mme Brigitte Allain. …réclament des politiques préventives d’envergure, qui permettraient de réduire considérablement les dépenses publiques et contribueraient au bien-être de la nation.

Je souhaite conclure en évoquant la télémédecine, une piste d’avenir à condition que, derrière la machine, il reste des êtres humains, et que l’on assure le déploiement du numérique partout.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je vous remercie, ma chère collègue.

Mme Brigitte Allain. Telles sont les questions qui restent à résoudre en matière d’égal accès à la santé sur tous les territoires. L’attente des citoyens est immense et nous devrons apporter de vraies réponses.

M. Thierry Benoit. Très bien !