L’Assemblée a commencé mardi l'examen du projet de loi d'avenir de l'agriculture, un texte que les écologistes et la droite, pour des raisons opposées, jugent manquer d'ambition, et qui n'apporte pas de réponse aux urgences du secteur selon les syndicats agricoles.
Le texte de 39 articles, proposé par le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, vise à renforcer la compétitivité des filières (agriculture, agroalimentaire et forêt) tout en prenant le tournant de l'agroécologie.
Le débat parlementaire, qui a commencé mardi, doit se poursuivre quasiment toute la semaine, avant un vote prévu le 14 janvier. Plus de 1.500 amendements ont été déposés.
Le projet, qui fait suite à la réforme par l'UE l'an dernier de la politique agricole commune (PAC), vise à "donner à notre agriculture et surtout aux agriculteurs les capacités de pouvoir anticiper l'avenir et de préparer la performance de notre agriculture à l'échelle européenne comme à l'échelle mondiale", a déclaré M. Le Foll à l'ouverture des débats au Palais-Bourbon.
Si les députés du Front de gauche ont jugé le texte "globalement positif" malgré leur regret qu'il "ne bouleverse pas le système" selon leur chef de file André Chassaigne, les élus EELV n'ont pas encore décidé s'ils voteront pour. Ils attendent "un tournant écologique et social et pèseron(t) pour cela dans les débats", a déclaré à l'AFP Brigitte Allain, porte-parole du groupe sur ce texte.
"Un choix politique en faveur de la transition écologique et sociale doit être assorti d’objectifs clairs en matière de lutte contre l’artificialisation des terres, de maîtrise des enjeux énergétiques liés à la biomasse et à la méthanisation, de refus des OGM, méga-fermes et de protection du vivant, des animaux aux semences paysannes", selon son groupe.
Les députés UMP ont critiqué un texte "pas à la hauteur des défis", notamment celui de la mondialisation, qui "n'aurait pas permis aux abattoirs Gad de se maintenir à flot", et épinglé des "bons sentiments écologiques". "C'est le renoncement complet à une vocation économique de notre agriculture", a tonné leur président, Christian Jacob, lui-même ancien agriculteur et responsable syndical agricole.
Les députés UDI voteront contre ou s'abstiendront en fonction des débats. Pour leur porte-parole, Jean-Christophe Lagarde, "ce projet n'a pas l'ambition nécessaire, il n'y a aucune mesure pour renforcer la compétitivité de l'agriculture française".
Manifestation contre l'élevage industriel
Des griefs que semblent partager les agriculteurs de la FNSEA qui estiment que la loi ne traite pas assez de l'urgence.
"Le ministre va faire une loi qui va traiter un certain nombre de sujets": les statuts des exploitations, des interprofessions, le problème du foncier agricole, énumère le président de la FNSEA, Xavier Beulin, mais "la loi n'apportera pas de réponses concrètes sur les sujets d'urgence".
Aussi, les agriculteurs du principal syndicat agricole, avec tous les membres du Conseil de l'agriculture française ainsi que les coopératives agricoles (Coop de France), ont choisi ce jour symbolique pour lancer une initiative parallèle.
Ils souhaitent organiser, avant le salon de l'agriculture qui se tiendra fin février à Paris, des états généraux pour redonner des perspectives à l'agriculture française. Ils y ont invité le Premier ministre Jean-Marc Ayrault dont ils attendent des réponses "claires", en particulier sur la simplification administrative et fiscale et le coût du travail.
"Je suis prêt à avoir une discussion sur les objectifs stratégiques sous la forme d'états généraux, mais je trouve cette annonce un peu bizarre alors que (...) j'avais déjà largement anticipé sur la question de la compétitivité et des objectifs stratégiques" en demandant à FranceAgriMer de plancher sur le sujet, a réagi Stéphane Le Foll lors d'une conférence de presse avec son homologue allemand.
Le début du débat parlementaire a aussi été marqué par un rassemblement contre l'élevage industriel devant l'Assemblée nationale, à l'appel d'un autre syndicat agricole, la Confédération paysanne (minoritaire), avec des associations de protection des animaux (L214, CIWF) ou de l'environnement (Agir pour l'environnement).
Plus tôt dans la journée, des militants s'étaient aussi rassemblés à Marseille, Amiens, Dijon ou Abbeville dans la Somme, là où est prévue l'installation de la ferme de 1.000 vaches, qui en comptera dans un premier temps seulement 500.
Autre projet polémique: le poulailler de Branges en Saône-et-Loire, "qui compte déjà 1.000 poules, et qui veut s'agrandir", selon la porte-parole de L214 en Bourgogne, Olivia Dary.