Malbouffe et cantine vont-elles devenir incompatibles ? A partir de 2020, les habitués de la restauration collective publique pourraient trouver au bout de leur fourchette au moins 40% d’aliments « durables, locaux, de saison ». Telle est l’ambition de la proposition de loi « visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation », examinée ce jeudi 14 janvier en première lecture à l’Assemblée nationale. Si le texte est adopté, les cantines – mais aussi les hôpitaux et les maisons de retraite – auront quatre ans pour introduire des produits labélisés, avec par exemple des appellations géographiques protégées, dans leurs menus. Un moyen de contourner l’interdiction de la localisation des appels d’offres inscrite dans le code des marchés européens. Dans le même intervalle de temps, la part des ingrédients issus de l’agriculture biologique grimperait à 20%, contre 2,7% actuellement.
L’idée est plébiscitée par la population. Un sondage Ifop commandé par l’association Agir pour l’environnement et publié le 12 janvier indique que 76% des Français interrogés y sont favorables. L’engouement va plus loin. Une pétition en ligne qui permet aux citoyens d’inviter directement et par courrier leurs députés à voter en faveur de la loi a récolté plus de 93 000 signatures en cinq jours ! Dans le même temps, une douzaine d’associations, parmi lesquelles Générations Futures, la fondation Nicolas Hulot, le mouvement inter-régional des Amap, ont adressé un courrier aux députés pour les inviter à soutenir le texte.
Un effet levier puissant
« Il y a une très forte attente sociétale. Les consommateurs réalisent qu’à travers l’alimentation ils peuvent agir sur le social et l’environnement », résume Brigitte Allain, députée Europe Ecologie - Les Verts de Dordogne, qui porte cette proposition. « Ce mouvement s’est d’abord traduit par les Amap (Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne), cibler la restauration collective permet de franchit un palier supplémentaire », explique l’élue.
« Cette loi peut avoir un effet levier très puissant sur le développement de l’agriculture bio en encourageant les conversions et les installations », se réjouit Mathias Chaplain, coordinateur de campagne au sein de l’association Agir pour l’environnement. Il rappelle que « la restauration collective est un marché à 17 milliards d’euros ». Une demande qui dans certaines régions comme l’Ile-de-France dépasse de loin les capacités actuelles des producteurs bios et locaux. « Il y a des marges de progrès, des emplois à créer, des producteurs à installer, il va falloir créer des plateformes logistiques, des légumeries, des abattoirs multi-espèces et repenser la manière de cuisiner dans la restauration collective », s’enthousiasme Brigitte Allain, pour qui la vertu première de cette loi serait « d’améliorer le lien social entre producteurs et consommateurs ».
Déjà au menu du Grenelle
L’idée n’est pas tout à fait neuve. Après le Grenelle de l’environnement, l’objectif avait été fixé en 2008 d’introduire des aliments bios à hauteur de 20% dans la restauration publique d’Etat d’ici à 2012. « Ç’a été un échec : les objectifs n’étaient pas contraignants et leur annonce n’avait été assortie d’aucun suivi », estime Mathias Chaplain. Cette fois, la donne est différente. Parmi les dispositions inscrites dans la proposition figure la création d’un « Observatoire de la sécurité alimentaire et des circuits courts ».
« Ce n’est pas un sujet partisan : certains députés de droite m’ont fait part de leur intention de voter la loi », se réjouit Brigitte Allain, optimiste quant à l’issue du scrutin. Pour elle, la pression citoyenne a joué. « Elle aura un impact sur le vote de ce jeudi, mais aussi sur les élus au moment de la mise en œuvre », espère la députée.