Régionalisation du FEADER : des moyens pour une autre agriculture bretonne ?

« Avec cette délibération, la Région Bretagne aura donc la gestion et la responsabilité de l’essentiel de ces fonds à compter de l’an prochain alors qu’ils étaient jusqu’à présent gérés par les services de l’Etat. C’est une bonne nouvelle pour nous qui défendons une gestion au plus près des territoires. Nous sommes donc plus que favorable à la régionalisation du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Mais les orientations prises par ce fonds nous inquiètent fortement et nous craignons un dévoiement de ce fonds  au profit d’une vision dépassée de l’agriculture, d’un modèle qui est à bout de souffle et fait chaque jour la preuve de son inefficacité. »

Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’intervention de René Louail sur la régionalisation du FEADER en session du Conseil régional le 13/12/2013.

Le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) permet de financer les actions du deuxième pilier de la Politique Agricole Commune. Celui-ci est consacré particulièrement à la protection de l’environnement et du paysage, à la qualité de vie dans les zones rurales et à la diversification de l’économie rurale. En un mot il favorise une agriculture qui soit un véritable outil de développement des territoires et de protection de l’environnement.

Avec cette délibération, la Région Bretagne aura donc la gestion et la responsabilité de l’essentiel de ces fonds à compter de l’an prochain alors qu’ils étaient jusqu’alors gérés par les services de l’Etat. C’est une bonne nouvelle pour nous qui défendons une gestion au plus près des territoires. En ces temps ou les drames de l’agro-alimentaire secouent le monde rural, il peut être une une bouffée d’oxygène, un moyen pour construire de nouveaux développements économiques. Un tel changement ne se met pas en place par un simple claquement de doigts. C’est donc maintenant que nous devons appréhender les difficultés qu’il implique et nous poser la question des limites du projet proposé.

Le nouveau cadre stratégique commun (CSC) sur la partie FEADER, négocié entre l’Etat et l’Association des Régions de France, piloté par le Ministère de l’Agriculture, doit prendre en compte le cadre national. A ce stade, il s’impose dans chaque région et se décompose en quatre grands chapitres :

– innovations et compétitivité ;

– organisations des filières et gestions des risques ;

– amélioration écosystèmes, économie décarbonnée, climat ;

– et les mesures rurales non spécifiques agricoles.

Vous comprendrez que l’ouverture de ce nouveau cadre aiguise les appétits, on y met tout et son contraire, alors que le budget est limité à un peu plus de 1,5 milliards d’euros en France. Certains fonds sont d’ailleurs déjà inscrits dans le pacte d’avenir et cela nous inspire plusieurs interrogations :

– Premièrement, on peut se demander ce que le financement des agrandissements et l’industrialisation des exploitations ont à faire avec le fond destiné au développement rural, plutôt destiné à soutenir les petites exploitations, les initiatives innovantes, les circuits courts ou les productions de qualité…

– On peut également se demander pourquoi le FEADER va co-financer la gestion des risques liés à l’activité industrielle, résultat de destruction des organisations communes de marché au niveau européen.

– Enfin, on pourquoi le FEADER va-t-il co-financer le plan industriel avicole, relevant du premier pilier de la Politique Agricole Commune, ou encore le plan méthanisation.

La réponse serait-elle le résultat d’un deal entre l’Etat et Xavier Beulin, Président de la FNSEA-Sofiprotéol ? Ce deal consisterait-il à tenter de récupérer les 800 millions d’euros/an de redistribution pris dans le premier pilier en direction du second pour soutenir le système agro-industriel actuel ?

Ce résultat nous met donc devant plusieurs responsabilités majeures :

1- Celle d’accepter l’autorité de gestion avec peu de moyens, puisque plus de 85% des crédits alloués seront pour soutenir les politiques d’État ;

2- Celle d’accepter une gestion dans l’État alors que les moyens de gestion ne semblent pas définis ?

3- Celle d’anéantir, tout simplement, les missions du second pilier, que je ne détaillerai pas ici, mais dont les objectifs sont bien d’assurer l’équilibre des régions entre elles.

Permettez-moi aussi de m’interroger sur certaines revendications décalées du moment, relayées ici ou là de façon démagogique. Celles-ci consistent à revendiquer le cadrage financier du second pilier au prorata des volumes de productions. Si elles se faisaient jour, ces revendications consisteraient tout simplement à la suppression du volet aménagement du territoire au niveau européen.

Vous l’aurez compris, M. Le Président, à ce stade nous avons beaucoup d’interrogation et d’inquiétudes. Nous votons pour car nous sommes favorable à la régioanlisation de ce fonds mais nous avons besoin d’y voir plus clair sur la réalité des moyens et des futurs orientations du FEADER.

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