La Bretagne ne doit pas fermer ses lignes de train

« La Bretagne a perdu les deux tiers de ses voies ferrées depuis les années 60. Alors que les bretons et les bretonnes connaissent des difficultés croissantes du fait du renchérissement de l’essence, que les risques liés au réchauffement climatique se font plus forts, il est aberrant que l’on ferme des voies ferrées. »

Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’intervention de Gaëlle Rougier, au nom d’EELV, à propos du projet de déclassement des lignes ferrés Concarneau-Rosporden et Vitré-Fougères.

La Bretagne, comme l’ensemble de la France, a perdu les deux tiers de son maillage par les voies ferrées depuis les années 60. Les petites lignes de proximité ont fermé les unes après les autres, au profit de grands axes structurants : Lignes à Grande Vitesse et axes routiers.

Pour exemple, rappelons que la ligne de train Carhaix-Rennes irriguait autrefois tout le centre Bretagne et conférait à la ville une position névralgique, un carrefour, d’où son nom. On parlait d’ailleurs de l’ « étoile de Carhaix », desservant Guingamp, Morlaix, Camaret via Châteaulin et Crozon, Rosporden et Rennes via Rostrenen, Loudéac et La Brohinnière.

La plupart de ces lignes ont fermé dans les années 60, victimes de la politique de la SNCF de concentrer les équipements et l’argent dans le modèle LGV/TGV, modèle que l’on sait aujourd’hui ruineux.

Aujourd’hui donc, plus de voies ferrées, et l’on implore la mise à deux fois deux voies de la RN 164 pour désenclaver le Centre Bretagne.

En 2012, le contexte économique, social et environnemental a changé et nous sommes tous conscients de l’importance de maintenir des transports en commun de proximité pour les trajets du quotidien. Nous menons des politiques afin de réduire l’empreinte écologique de nos déplacements et améliorer l’accessibilité au train, que ce soit d’un point de vue de l’accès à l’équipement, que du point de vue tarifaire.

La Région, par l’intermédiaire du Vice-Président aux transports, fait beaucoup pour le train en Bretagne. Mais au vue de la crise sociale, des difficultés croissantes des bretonnes et de bretons à se déplacer du fait du renchérissement de l’essence, les intercommunalités sont déjà amenés à développer des modes d’usage partagés de la voiture et incitent au co-voiturage. Dans d’autres régions, on réhabilite même, je vous le donne en mille, les anciennes voies ferrées.

Car c’est cela dont il s’agit. A l’heure où l’on devrait penser à rénover le réseau ferré de proximité, Réseau Ferré de France poursuit sa politique de fermeture de lignes. Nous ne pouvons pas cautionner cela.

Pour ce qui concerne la ligne Rosporden-Concarneau, il faut savoir que selon l’INSEE sur 9000 actifs Concarnois, près de 4000 font le trajet en voiture vers Lorient et Rosporden chaque jour ! Il serait donc intéressant d’évaluer le potentiel d’une réouverture de ligne , quelques trains par jour afin de permettre le report modal de la voiture vers le TER. Cette ligne Concarneau-Rosporden permettrait de reconnecter Concarneau à Quimper et Rennes, via Lorient et Redon. Je pense qu’il y a là, au moins, matière à réflexion. La voie est d’ailleurs inscrite au Schéma de Cohérence Territorial de Concarneau Cornouaille Agglomération qui vient d’être arrêté. Comment dès lors expliquer qu’on envisage de fermer cette ligne?

Vous nous dites que Réseau Ferré de France doit rester propriétaire des lignes et que, à cette condition, la Région pourrait donner un avis favorable. Mais, de fait, Réseau Ferré de France ne restera pas propriétaire des lignes. Et pour cause, à Concarneau un projet immobilier lucratif motive le déclassement des 400 derniers mètres autour de la gare. Maison pour séniors aisés, logements, commerces, Réseau Ferré de France va réaliser une opération immobilière juteuse. L’entreprise applique d’ailleurs la politique mise en œuvre sous le gouvernement Sarkozy, qui incitait les entreprises publiques à rentabiliser leur patrimoine immobilier.

S’il n’en va pas de même pour la fermeture de ligne, le déclassement, lui, implique donc la cession du foncier. C’est écrit noir sur blanc d’ailleurs sur les documents de Concarneau communauté qui font état du projet. Dès lors, parler de réversibilité de la fermeture et du déclassement de la ligne n’a pas de sens.

Nous ne souhaitons pas que voie verte et voie vélo se fassent au détriment des transports du quotidien, notamment du réseau ferré. Nous sommes d’autant plus étonnés de ce choix que la Concarneau communauté a un plan B. Une autre voie verte existe, d’un intérêt touristique tout aussi grand, puisqu’elle passe par Beuzec et le Château de Kériolet, pour ceux qui connaissent. Alors pourquoi ne pas préserver la ligne, en attendant des jours meilleurs pour les anciennes voies ferrées ?

Le bordereau tel qu’il est rédigé ne peut être une garantie suffisante, de notre point de vue, de la réversibilité de la fermeture de la ligne Concarneau-Rosporden. Ce qui est vrai aujourd’hui à Concarneau, peut d’ailleurs l’être demain à Vitré.

Le document est d’ailleurs tellement ambigüe que la FNAUT est monté au créneau avec détermination. J’ai cru aussi entrevoir l’inquiétude dans l’avis rendu par le CESER.

Nous aurions souhaité un avis défavorable sur ces fermetures, sans réserve aucune, ni sans ambiguïté, afin de ne pas laisser la possibilité à Réseau Ferré de France d’interpréter l’avis régional selon son bon plaisir. Espérons que la mobilisation citoyenne et associative locale saura infléchir les choses.

Pour les raisons que je viens d’exposer, nous voterons contre cet avis.

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