Etre convaincu de l’éducabilité de tous, tout au long de la vie

Pour les écologistes, la nouvelle compétence donnée à notre région en matière d’élaboration de la carte des formations professionnelles est une chance. Tout d’abord, parce que l’Etat ne peut être seul le garant absolu de la pertinence et du bon choix des cartes de formation professionnelle et technologiques. Ensuite parce que la formation est pour nous un levier essentiel de la transformation écologique de l’économie.

Ci-dessous retrouvez toute l’intervention de Gaëlle Rougier.

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L’Etat doit être le garant de l’éducabilité pour tous et de la cohésion sociale, garant des programmes, des certifications et de l’égalité des moyens et notamment des moyens en personnel pour réussir l’action éducative. Mais la définition des besoins en formation doit pouvoir se faire au plus près des territoires et des bénéficiaires de ces formations, en concertation avec l’ensemble des acteurs des acteurs sociaux, afin de mieux les associer à la définition de ce service public.

Ensuite, la formation est pour les écologistes un levier essentiel de la transformation écologique de l’économie. Elle ne doit pas être à la remorque de l’économie mais bien participer à la façonner en amont, en lien avec les nouveaux enjeux sociaux et environnementaux.

L’adéquation des formations avec les besoins des entreprises sur laquelle le bordereau insiste à plusieurs reprises est une donnée parmi d’autres. Elle ne doit pas être notre seul cap. L’adéquation sociale des cartes de formation nous paraît primordiale, c’est à dire une offre qui réponse aux besoins des populations et des territoires au sens large, et au progrès social et sociétal. Et, de notre point de vue, sur notre territoire, toutes les filières économiques ne se valent pas. Certaines filières traditionnelles bretonnes, je pense notamment à l’agro-industrie, doivent évoluer vers plus de progrès social.

Orienter à tous crins de jeunes gens vers des filières en tension où les conditions de travail sont dégradées est contre-productive.

Attention donc à ne pas céder à la vision parfois à très court tant en terme des entreprises en matière de besoins de main d’œuvre que de stratégie industrielle.

A l’inverse, d’autres filières, émergentes, comme des éco-activités, sont une opportunité qu’il ne faut pas rater. Ainsi le plan bâtiment durable, tout comme l’implantation des énergies marines dans notre région doivent être les fers de lance d’un plan de formation ambitieux afin de former aux nouveaux métiers et accompagner les mutations dans les filières de l’énergie, du bâtiment et de la construction.

Je tiens à rappeler ici que la formation doit être avant tout un outil d’émancipation et d’insertion professionnelle et non de simple « employabilité », notion très prisée ces temps-ci des managers. A cette notion « d’employabilité » nous opposons celle « d’éducabilité ».

Etre convaincu de l’éducabilité de tous, tout au long de la vie, c’est penser la formation comme socle social, c’est se soucier de l’accès à la formation pour tous et se préoccuper des parcours tout autant que des compétences. Et les parcours sont de plus en plus accidentés, de moins en moins linéaires. Les inégalités sociales d’accès à la formation sont fortes même dans notre région. l’absence de diversité dans les publics accédant à l’apprentissage en témoigne. Une étude de l’ARS de 2013 montrait aussi que dans les carrières sanitaires et sociales, une situation financière difficile contribue dans 12% des cas à l’abandon en cours de formations chez les infirmiers, et dans plus de 5% des cas chez les aides soignantes. Sans parler des causes pour discriminations d’âge, de genre ou raciales. Au-delà des cartes, c’est donc l’ensemble des politiques régionales qui doivent contribuer à corriger ces biais, notamment la politique de mobilité, celle de l’emploi, l’égalité femme-homme et bien-sûr celle des lycées. Car c’est en amont qu’il faut s’attaquer aux inégalités et à la discrimination, à la dévalorisation des formations professionnelles, aux images genrées des métiers. Il faut entendre les élèves témoigner de la difficulté qu’ils ont à trouver un « vrai » stage et y être considéré. Une personne de l’administration d’un lycée professionnel m’expliquait combien la période de stage en entreprise est difficile pour les élèves, surtout dans des entreprises actuellement sous pression. Comment motiver les jeunes gens à se former quand leur expérience première dans le monde de l’entreprise a été un calvaire ?

Enfin, la politique de formation est un outil d’aménagement du territoire. L’implantation des lieux de formation au plus près des bassins de vie pour rendre effective une offre de formation auprès des publics fragiles, je pense aux jeunes de milieu modeste ou sans qualification et aux femmes, est cruciale.

Nous pouvons constater aussi régulièrement en commission d’appel d’offre combien le principe de la mise ne concurrence a fragilisé les acteurs de la formation les plus petits. Il est dommage que certaines associations ou certains organismes ne puissent remporter des marchés localement parce qu’il n’ont ni l’ingénierie pour répondre aux appels d’offre, ni parfois la masse budgétaire suffisante.

Je pense que la Région a intérêt à mener une réflexion stratégique en matière de commande publique et d’allotissement, mais également sur la façon dont la Région peut favoriser la professionnalisation des acteurs de la formation qui apparaît comme un enjeu majeur aujourd’hui.

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