Pour une trame verte et bleue à l’échelle locale.

Le Schéma Régional de Cohérence Ecologique de la Bretagne (SRCE) a été élaboré suite à un très bon travail de collecte de l’information et de consultation. C’est un bon document, bien qu’il puisse paraître assez indigeste !  Anne-Marie Boudou en rappelle le principal enjeu: L’appropriation de ce schéma à l’échelle locale, avec l’obligation, pour les collectivités, de prendre en compte les continuités écologiques dans leurs documents d’urbanisme.

 

Anne-Marie Boudou

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L’ensemble des documents qui compose le Schéma Régional de Cohérence Ecologique de la Bretagne (SRCE) représente une somme de travail importante que nous voulons saluer. Son élaboration est le fruit d’un très bon travail de collecte de l’information et de consultation effectué conjointement entre les techniciens des services de l’État, de la Région et du bureau d’étude. La participation du Groupement d’Intérêt Public Bretagne Environnement, du Conservatoire botanique de Brest et des associations de protection de la nature pour l’apport de données et de connaissance a été conséquente et nous les en remercions.

Le travail en atelier et leur nombre a pu paraître parfois long et laborieux aux différents participants : associations, élus ou acteurs socioprofessionnels. Mais pour avoir participer à certains, il a permis de transmettre, à chaque étape, des lignes directrices autour desquelles chacun pouvait s’exprimer malgré des positionnements parfois opposés.

Au final, le résultat donne un bon document, bien qu’il puisse paraître assez indigeste ! Mais étant donné la nécessité de préserver nos richesses et nos ressources naturelles pour garantir un aménagement durable de l’ensemble de la Bretagne, ce schéma n’est finalement pas si volumineux.

Préserver notre biodiversité n’est pas un caprice de quelques naturalistes ou d’écolos inconséquents.
C’est une obligation pour assurer le bon fonctionnement de nos écosystèmes.
Ces écosystèmes, qui, quand ils se dérèglent, n’assurent plus l’équilibre indispensable à la régulation des eaux, à la pollinisation en particulier des végétaux que nous mangeons, à la non-prolifération de certaines espèces animales ou végétales au détriment des autres, à la qualité des sols, pour ne citer que quelques exemples. L’enjeu sous-jacent est la survie de l’humanité, et le mot n’est pas trop fort ! Et contrairement à ce qu’écrit la CCI dans son avis au CESER, il n’est pas question d’avoir « la biodiversité et pas d’emplois », mais d’avoir des emplois sans détruire la biodiversité.

La prise en compte de la totalité du littoral et la protection des têtes de bassins versants sont des décisions importantes face à certains acteurs qui considèrent que la rentabilité de leurs activités va être entravée par un tel choix.

Cette biodiversité n’est pas simplement celle des espèces menacées qui parfois nous attendrit, c’est aussi des dizaines d’insectes et d’autres organismes qui constituent la biodiversité appelée « ordinaire », mais qui n’est pas moins nécessaire au fonctionnement de nos écosystèmes. Cette nature ordinaire se trouve en ville, mais aussi dans les champs, les haies bocagères, et elle est le garant de la qualité des sols, dont ceux destinés à l’agriculture.

En ce sens, nous pourrions être d’accord avec la représentante de la chambre d’agriculture au CESER quand elle déclare : « L’agriculture et l’espace agricole sont sources de biodiversité », mais ce n’est pas le cas quand certains agriculteurs productivistes utilisent des pesticides qui la détruisent. Nous ne sommes pas étonnés quand elle ajoute : « …nous refusons le recours au toujours plus de réglementaire dans les politiques de protection, que ces espaces soient des réservoirs de biodiversité, ou de la nature ordinaire », ou encore « La profession agricole reste opposée à la généralisation d’une politique de protection des têtes de bassins versants, qui serait incompatible techniquement et financièrement avec le maintien des activités qui s’y exercent ».
Si toute la profession agricole tenait compte de la fragilité des écosystèmes, la réglementation serait inutile. Ce sont les excès qui obligent à cadrer l’occupation de l’espace et la protection de la nature. Refuser la protection des têtes de bassins versants, c’est refuser de participer à la préservation de la trame bleue par une évolution des pratiques agricoles en adéquation avec l’environnement et meilleure financièrement pour l’agriculteur.
La douzième conférence des Nations Unies sur la biodiversité, qui vient de se terminer, a souligné que l’agriculture industrielle est à l’origine de 70% des pertes de la biodiversité terrestre.

Aussi nous nous interrogeons quand elle déclare qu’« il faut privilégier le recours à l’agriculteur comme premier gestionnaire des espaces ». Certes, auparavant, le paysan était le garant de l’entretien de son espace agricole et naturel car son activité était intimement liée à sa qualité, ce qui n’est malheureusement plus guère le cas maintenant. Le manque de temps est une des explications, mais une certaine agriculture qui privilégie la quantité à la qualité, artificialise ses méthodes de culture et d’élevage en considérant la nature comme un support et non comme un apport en est une autre. Celle qui est contrainte d’obéir aux exigences des organisations économiques, dont l’objectif est de standardiser les modes de production pour quelques hypothétiques débouchés sur un marché mondial, le plus souvent, fragile et non rémunérateur.

Nous regrettons le faible niveau de prescription de ce schéma. En effet :
– il n’est pas directement opposable aux particuliers,
– il doit « être pris en compte » par les documents d’urbanisme et de planification, ce qui est le niveau le plus faible dans la hiérarchie des normes d’opposabilité,
– il ne crée pas de nouvel outil réglementaire pour sa mise œuvre.

Le véritable enjeu est donc l’appropriation de ce schéma à l’échelle locale, avec l’obligation, pour les collectivités, de prendre en compte les continuités écologiques dans leurs documents d’urbanisme. Le plan stratégique, qui est une spécificité de la région Bretagne, les y aidera car il donne un cadre méthodologique, expose les objectifs assignés à la trame verte et bleue et décrit des plan d’actions rattachés à des territoires identifiés. Les Pays et les intercommunalités nous semblent être les bons échelons de mise en œuvre pour garder une vue d’ensemble nécessaire aux tracés des corridors. Mais quels moyens d’animation auront-ils ? Quelle sera la gouvernance? Comment seront définies les priorités? Comment s’organisera la remise en état des continuités écologiques ? Quelles seront les ressources attribuées ? Aucun budget n’est à ce jour prévu et si nous voulons réellement reconquérir de la biodiversité il est indispensable d’y mettre des moyens. C’est-à-dire un million et demi en plus au budget biodiversité. Et malgré les restrictions budgétaires, il est facile de les trouver en supprimant les aides aux projets destructeurs de cette biodiversité.

Le SRCE est un document qui marque le début d’un long chemin d’éducation à l’intérêt de préserver la biodiversité et d’appropriation de sa mise en œuvre. Nous espérons que, malgré son très faible niveau réglementaire, il ne restera pas lettre morte et qu’il sera pris en compte dans le futur schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) prévu par la réforme  territoriale.

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