Conseil Municipal de Chalon-sur-Saône: intervention de Mourad Laoues sur la vidéosurveillance en
Monsieur Le Maire, chers collègues,
la VS ne joue pas l'effet préventif que l'on pourrait croire. Les exemples ne manquent pas :
- La Grande Bretagne a plus d'un million de caméras sur son territoire et pourtant la violence n'a pas cessé d'augmenter. Même Scotland Yard a reconnu publiquement en avril 2008 l'inefficacité du dispositif, qu'un représentant qualifie d'ailleurs de fiasco total.
- Aux EU, dans certaines villes comme Miami, l'échec de la VS a conduit la municipalité à abandonner le dispositif. Et le bilan global est le même qu'en GB.
Actuellement, la France n'a établi aucun bilan. Mais la plupart des rapports concluent à l'inefficacité de la VS, ou sont démontés dans le cas contraire.
Ainsi, en 2009 le ministère de l'intérieur commande un rapport sur la VP. Le rapport de Jean-Pierre Sallaz, Philippe Debrosse, Dominique Han, respectivement inspecteur général de la police nationale, inspecteur de l'administration et colonel de gendarmerie, est publié en juillet. Mais ce rapport n'apporte pas les réponses attendues. D'ailleurs il n'a pas supporté la contradiction avec les sociologues T. Le Goff et E. Heilmann (dans un texte publié en 2009 : « un rapport qui ne prouve rien »).
Vous avez raison, Mr Le Maire, d'insister sur la prévention.
En fait, le rôle préventif de la vidéo-surveillance n'a été démontré que dans les lieux fermés, comme dans les centres commerciaux, où les délits ont effectivement été réduits de 50%.
C'est pourquoi, au vu du coût exorbitant de la vidéo-surveillance, la ville serait plus avisée de réfléchir sur l'efficacité – ou plutôt l'inefficacité - d'un tel investissement, pour obtenir des résultats probants dans un contexte où l'argent public est rare, et où notre capacité d'investissement sera fortement contrainte sur les 3 années qui viennent.
Des études très sérieuses (ex. Tanguy Le Goff, 2 008, dans « VS et espaces publics »), à mettre en face des 180 000 € que coûteraient les 6 médiateurs de nuit que vous avez supprimé Mr Dumaine, montrent que l'installation d'une vingtaine de caméras a un prix de revient qui avoisine le million d'euros, sans compter la masse salariale, qui doit s'occuper des caméras, et qui revient à environ 140 000 € par an. L'exemple d'Amiens (48 caméras) est révélateur : ça lui coûte 9 000 000 euros par an (presque 1 million) depuis plusieurs années.
D'autre part, en tant qu'écologiste, je ne souhaite pas que le débat sur la vidéo-surveillance soit réduit à des discussions d'ordre technique et quantitatif, au vu des conséquences démocratiques en matière de libertés individuelles qui en découlent.
Pour combattre le sentiment d'insécurité nous devons ouvrir la réflexion sur les causes. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons alors développer des actions garantissant la tranquillité publique conformément aux fondements de notre constitution. Admettons enfin que ce sont les renoncements successifs, l’insuffisance des politiques publiques à lutter contre les problèmes sociaux et environnementaux, qui alimentent et participent à surévaluer le sentiment d'insécurité.
Les moyens allouées à la vidéo-surveillance, installation des caméras tout comme les charges de fonctionnement nécessaires à l'exploitation et la maintenance, seraient plus rentables, humainement et financièrement, s'ils étaient réorientés dans des actions de démocratie participative portées par les chalonnais et le développement d'un réseau conséquent de médiateurs sociaux, notamment de nuit.
En conséquence, pour terminer, je relaye la position des écologistes qui demandent l'abandon du financement de la vidéo-surveillance par le FIPD. La « vidéo protection » n'a pas grand chose à voir avec la prévention, alors que le FIPD doit subventionner des actions préventives. Je demande enfin l'application d'un moratoire local tant qu'une étude nationale, capable de justifier l'efficacité – ou non - des dispositifs de vidéo-surveillance, n'est pas publiée, chiffres à l'appui.
Vous l'avez compris, Mr Le Maire, je voterai donc contre ce rapport.