intervention de Dominique Normand au Conseil municipal de Limoges, 04/12/2007

Monsieur le Maire, cher-e-s collègues

Disons donc merci à Monsieur Sarkozy… !! Remercions-le, lui et tous ceux qui prônent le mode économique ultralibéral et la course aux profits comme pensée unique, car la stagnation, voire la baisse du pouvoir d’achat, pour les catégories sociales les plus en difficultés va peut-être nous pousser enfin à nous engager dans d’autres modes de consommation, tout en améliorant notre cadre de vie.

Ceci est une boutade, bien sûr. Nul ne peut se réjouir des difficultés croissantes d’une grande partie de nos concitoyens et nous devons nous élever contre le renforcement actuel des inégalités, masqué habilement par des chiffres qui ne doivent tromper personne.

En effet il est établi que si une très légère hausse de pouvoir d’achat (0,7%) est constatée en moyenne pour les cadres et les ouvriers, la progression est nulle côté employés et professions intermédiaires, alors que pour les salariés de la fonction publique, les retraités, les r-m-istes, les allocataires de l’ASS (allocation spécifique de solidarité), les bénéficiaires du minimum vieillesse, c’est de baisse du pouvoir d’achat dont il faut parler.

Côté indice des prix, il ne faut pas se laisser leurrer par le petit 2% de hausse affiché. Le mode de calcul est biaisé. En effet sont mis à égalité dans le calcul du « panier » du consommateur les produits de bases comme les aliments, dont le besoin est quotidien, et les biens d’équipements tels l’audiovisuel ou l’électroménager, qui, comme chacun le sait, se renouvellent tous les jours ! A partir de là, sachant quels sont les produits dont les coûts augmentent et ceux qui évoluent à la baisse, il est facile de voir quels sont nos concitoyens les plus affectés par l’évolution actuelle des prix. Les restau du cœur sont bien placés pour savoir ce qu’il en est, confrontés à la fois à l’augmentation du nombre de repas à distribuer et à la hausse des prix des produits alimentaires.

Or que nous propose Nicolas Sarkozy, face à cette situation, lui qui a déclaré pendant sa campagne qu’il voulait « …être le président de l’augmentation du pouvoir d’achat » ? Je passe sur la démagogie du propos, mais constate que la logique qu’il veut mettre en œuvre va à l’inverse tout simplement du bon sens commun. Après avoir fait bien des cadeaux fiscaux aux plus favorisés, que propose-t-il ? Augmenter les salaires, accroître les prestations et les minima sociaux ? Que nenni ! S’étant lui-même coincé sur le plan budgétaire pour répondre aux exigences des plus aisés, il propose de « libéraliser » le travail – rien que le terme fait peur – de permettre à ceux qui en bénéficient de racheter leurs RTT – travailler plus pour gagner plus et dépenser plus, encore faut-il travailler, et disposer d’un revenu décent – et propose également, recette miracle faute de pouvoir augmenter les revenus – de faire baisser les prix dans la grande distribution !! La première conséquence – sans parler du désastre économique et écologique que représente la grande distribution en France, nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur ce sujet – le première conséquence donc serait d’inciter davantage à la délocalisation … ! Il est même question de revenir sur les garde-fous limitant l’implantation de nouvelles grandes surfaces dont nous sommes déjà sur dotés. Avec à la clé la disparition de dizaines de milliers d’emploi dans le commerce et l’industrie, et bien évidemment un effet négatif sur le pouvoir d’achat.

Cherchez l’erreur…

J’avais commencé mon propos par une boutade, boutade pas innocente, indépendamment de ce que je viens de dénoncer sur les absurdités, voire les aspects criminels et irresponsables de la politique actuelle.

En effet changer de modes de consommation doit être un choix réfléchi, au niveau des citoyens, mais aussi au niveau des personnes que ces citoyens ont portés à des charges électives.

A l’heure où tout ce sur quoi les Verts alertaient depuis 20 ans est mondialement reconnu comme incontestable, en macro comme en micro (au niveau de la planète comme au niveau des collectivités territoriales), à l’heure où le GIEC (groupe international d’experts sur le climat) confirme, rapport après rapport, l’inéluctable, c’est-à-dire un changement climatique enclenché, dont la volonté de tous ne permettrait aujourd’hui, vu le retard pris, que de contenir l’ampleur, nous devons de toute urgence réorienter à tous les niveaux nos choix en matière de consommation. Il y a un chantier énorme que ce soit en terme d’énergie, d’habitat, d’alimentation, de modes de déplacement. Et dans tous ces domaines, adopter des solutions écologiques est créateur d’emplois, et qui plus est, d’emplois de proximité.

L’exemple de l’agriculture n’est pas le seul, mais est incontournable, à l’heure où un rapport de la FAO indique qu’une conversion mondiale à l’agriculture biologique permettrait, contrairement à la situation aujourd’hui, de répondre aux besoins alimentaires de l’ensemble des habitants de la planète. Qui plus est, ce type d’agriculture permet de lutter efficacement contre l’effet de serre, d’autant plus si elle est accompagnée d’une relocalisation des productions. La France est le plus mauvais élève de l’Europe en ce domaine, et il est largement temps de renverser la vapeur, afin aussi que ce type d’alimentation soit accessible à tous. Il faut pour cela une volonté politique à tous les niveaux. Concernant le niveau municipal par exemple, la nécessité d’introduire de façon conséquente, et non symbolique, des aliments biologiques dans la restauration collective est une évidence et ne doit plus se heurter à des attitudes passéistes liées à une méconnaissance profonde de ce sujet.

Concernant l’énergie et l’habitat, il y a également de quoi retrousser les manches. L’ère des projets vitrine, même s’ils ont le mérite d’exister, est terminée. Ce qui est l’exception doit devenir la règle, en terme d’utilisation de matériaux écologiques, de modes de chauffage alternatifs, voire de constructions de maisons passives. Des exemples existent, ici une crèche entièrement conçue en matériaux non générateurs de pollution, que ce soit à la fabrication ou pendant l’usage, et bien évidemment qui utilise uniquement des couches lavables (j’ai entendu dire que les couches lavables n’étaient pas acceptées partout, ce que je ne peux croire), là un bâtiment industriel à énergie positive, qu’il est urgent de généraliser afin que ces modes de construction soient tout simplement la norme.

Je n’irais pas plus loin dans les exemples, qui tous concourent à un mieux vivre et sont générateurs d’emplois.

J’ajouterais qu’il y va de notre responsabilité au niveau de nos concitoyens et au niveau mondial.

Le problème des réfugiés climatiques, ce n’est pas pour demain, c’est aujourd’hui, maintenant. Bien des populations le savent, du Tchad au Bangladesh, qui seront demain encore plus nombreuses, sur tous les continents y compris le nôtre. Nous devons penser également aux conséquences géopolitiques pouvant parfois être dramatiques.

Et nous-mêmes en Europe seront très bientôt directement concernés si ce n’est déjà le cas.

C’est pourquoi il faut agir tout de suite, changer radicalement les façons de faire…

Alors, le Grenelle dans tout ça… Il a un aspect positif non négligeable à notre avis : il a permis de par sa forme de faire discuter entre eux des partenaires qui n’en ont pas l’habitude, c’est-à-dire les syndicats et les associations écologistes. Et là, surprise, contrairement à ce qu’attendait -espérait peut-être NS, les échanges ont été constructifs et les avis convergents. Ce Grenelle a également confirmé le décalage époustouflant existant entre d’un côté les politiques, de droite et de gauche il faut bien le dire, et de l’autre une grande partie de la population quant au niveau d’information, de prise de conscience des problèmes et la volonté de s’engager dans de vraies solutions.

Il n’y a malheureusement aucune chance que sortent autre chose que des mesurettes poudre aux yeux parmi toutes les propositions faites, car elles sont incompatibles avec la politique économique mise en œuvre et inacceptables par les réseaux sur lesquels s’appuient NS et son gouvernement, MEDEF et autres lobbies.

Nous savons ne pouvoir compter sur l’Etat aujourd’hui.

C’est donc à nous sur le terrain, au niveau de toutes les collectivités territoriales, de faire preuve de responsabilité, car dans ce domaine toutes les actions locales cumulées peuvent beaucoup, à la fois par leurs effets directs, par leur impact dans les prises de conscience, et par la pression qu’elles peuvent générer à de plus hauts niveaux.

Monsieur le Maire, cher-e-s collègues, je vous remercie.

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