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Langue de Boa ou Langue de Vipères ?

 

Il y a de quoi s'indigner devant la réaction de certains parents d'élèves de Prunelli di Fium'Orbu et devant l’attitude de ceux qui ont tagué des inscriptions racistes.

En effet, quel mal y a t'il à apprendre à des enfants à chanter dans diverses langues, dont la langue arabe ? Cela porte-t-il atteinte à la co-officialité demandée de la langue corse et de la langue française ? Cela met-il en danger le renouveau de la langue corse ? Cela met-il en péril la paix civile ?

Au contraire cela peut rendre plus harmonieuses les relations entre les diverses communautés des résidants (avec un A et pas avec un E) en Corse.
Cela permet d'accentuer les échanges culturels entre ces communautés, ce qui constitue un facteur d'intégration dans le respect des particularités de chacun.
Faudrait-il aussi interdire aux restaurants de Corse de proposer à leurs clients du couscous, des tajines, des pâtisseries 'cornes de gazelles' ou du loukoum ? Faudrait-il interdire de servir des merguez lors des foires rurales et fêtes patronales ?
Ceux qui croient défendre la chrétienté au nom des traditions corses savent-ils que la langue arabe est la langue officielle des chrétiens libanais maronites, des chrétiens de culte syriaque du Levant, des chrétiens palestiniens ? Et est-ce à l'école laïque et républicaine de défendre la chrétienté ?

Et puis il ne faut pas oublier que la langue arabe, avec diverses variantes (comme dans la langue corse), est la troisième langue la plus parlée en Corse, après le Français et le Corse, bien avant l'italien, le portugais, le roumain, l'espagnol ou le polonais. La langue anglaise vient loin derrière dans les échanges quotidiens, même si cette langue est de plus en plus connue par les Corses. Et pourtant ceux qui sont hostiles à l'initiative des ces institutrices courageuses ne se sont pas élevées contre le fait que les enfants puissent chanter en anglais (en fait probablement en américain, qui n’est qu’un patois de l'anglais).
Or s'il y a un danger pressant pour la Culture Corse, au sens large du terme, c'est davantage dans l'américanisation de notre société (hypermarchés, disparition de la solidarité familiale, mal bouffe rapide, prédominance du fric sur la protection de l'environnement, Traité de libre échange et de libéralisation de l'investissement " TAFTA", culte des armes encore plus prégnant qu'en Corse etc.) que dans la cohabitation sereine avec les arabophones.

Et faut’ il oublier que, dans la lutte contre les Génois, Sampieru Corsu s'était allié avec les Ottomans, et qu’ils parlaient l'arabe, les goumiers marocains qui aux côtés du Bataillon de Choc, ont perdu leur vie au Col de Teghime pour libérer Bastia des troupes nazies et fascistes ?

Paul CASALONGA

 

Et comme l'a écrit notre ami Toni  Casalonga   "La parole est un outil qu'il ne faut pas laisser s'émousser,  il faut l' aiguiser en permanence ..........

Voici donc sur le même sujet un texte de Julia Sanguinetti

 

"Indignation, colère, inquiétude beaucoup..... 

Des mots, des maux violents, intolérants, intolérables....
Il n'y a ni raison, ni excuses à des paroles, des actes qui de la nature humaine témoignent des plus viles et des plus dangereux comportements. L'histoire est pleine de ces histoires qui font de l'étranger un ennemi, un objet de peur, un objet de haine. Elle nous enseigne la fragilité de ces instants du monde où plus qu'à d'autres, la frontière de l'intolérable est prête à céder sous le poids de ce que l'homme porte de plus laid en lui: la haine et le rejet aveugles de ce qui n'est pas lui, liberticides et égoïstes, avilissants et mortifère et chaque société, chaque individu doit rester en capacité de s'en indigner!
Il n'y a ni fierté, ni retenue pourtant à dire que ce qui s'est passé à Prunelli di fiumorbu, n'est ni une surexploitation médiatique, ni un épiphénomène sans gravité, mais l'un des signes révélateurs d'une pensée qui bascule doucement dans l'idée d'une société intolérante et raciste. Il ne s'agit, n'en déplaise à quelques-uns, en réalité pas d'une question d'apprentissage des langues, fusse-t-elle corse, anglo-saxonne, bretonne, arabe ou française. Il n'est question là ni de la Corse, ni d'identité régionale, il s'agit d'humanité, universelle et sans frontières.  Il s'agit de racisme violent et sournois, et de dire aujourd'hui qu'il n'est pas acceptable. Il s'agit d'y poser le mot, sans contorsions, pour en combattre les maux. Il s'agit de rappeler que le politique, parce qu'il est devenu ce frileux, inconscient et coupable qui justifie l'injustifiable pour les vertus d'une calculette, portera une responsabilité à laisser filer par populisme, ici comme ailleurs, chaque jour, les petits détails qui ouvrent doucement, à pas de velours, les portes d'une pensée collective qui grandira ses travers.
Je ne connais pas de culture et de peuple moins beau qu'un autre, je n'en connais que de passionnants à découvrir, pour ce qu'ils témoignent de différences et l'école est là pour les enseigner.
Il est des pensées dans la vie d'une société que l'on ne doit pas feutrer derrière les mots fleuris et passe partout "du dialogue" et de "l'apaisement". Il est une idée du monde, de la liberté et de l'humanité qui ne se négocie pas."