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Spéculation immobilière et logement

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PROBLEMATIQUE DE L’ACCES AU LOGEMENT DANS

LES ZONES TOURISTIQUES

Le cas de la Corse

 

I)  UN PARC DE LOGEMENT TRES INSUFFISANT:

 

Le Directeur de l’INSEE indiquait lors des assises du foncier, le 28/09/2010, un déficit de

7000 logements sociaux sur le seul département de la Corse du Sud. Sur l’ensemble de la

Corse, le parc du logement social, constitué de 12 199 logements, représentait alors 26% du

parc locatif insulaire, contre 42% en moyenne Nationale et seulement 10% des résidences

principales. Compte tenu d’une insuffisante production annuelle d’environ 200 à 250

logements, il est impossible de résorber le déficit avec les moyens existants.

Le Comité Régional de l’Habitat présidé par le Préfet de Corse constate que les mécanismes

pénalisants sont récurrents d’année en année :

- cherté et rareté du foncier, notamment à Ajaccio

- manque de logements sociaux qui entraîne un manque de rotation des ménages qui

restent souvent dans le premier logement social attribué sans évoluer vers plus

adapté à l’augmentation ou à la diminution de la famille,

- coût du logement élevé à la location,

- coût de production local des logements sociaux supérieur au coût national et de fait

insuffisance des aides de l’Etat qui sont calées sur des niveaux d’intervention

nationaux, ce qui a des conséquences :

1) sur la capacité financière des organismes qui produisent du logement social à monter des

opérations équilibrées, avec pour résultat la non consommation de crédits destinés au

logement social

 

2) sur la capacité financière des particuliers :

2.1) propriétaires bailleurs susceptibles de contribuer à la production de logements sociaux

qui ont vu baisser depuis 2010 les niveaux d’intervention de l’Anah et donc leur côté

incitatif. Confronté à cette diminution des subventions mais à un niveau de contraintes

identique (pratique d’un niveau de loyer de 40 % inférieur au coût du marché, et

engagement locatif sur 9 ans) les propriétaires sont bien évidemment davantage attirés par

le marché libre sans subvention, voir la location au noir.

2.2) propriétaires occupants, vivant souvent dans un habitat très dégradé et/ou très

énergivore avec des revenus bien inférieurs à ceux évoqués (pauvreté 18.8 %) et donc

incapables, malgré le taux d'intervention que leur sert l ' ANAH ,de financer, leur reste à charge ce qui entraîne assez souvent une réalisation partielle, ou l’abandon des subventions

accordées. Mais dans ce cas les statistiques d’aides au logement, qui sont basées sur les

dossiers accordées et les montants d’aides attribuées ne sont pas retouchés.

- Compte tenu des paramètres ci-dessus, la capacité à produire ou réhabiliter du

logement en milieu rural est également grevée par le coût du transport ce qui

amplifie l’exode rural et amplifie la crise en milieu urbain.

- Enfin, ainsi qu’en témoigne les tableaux de l’Anah, le niveau d’intervention de

l’agence pour la Corse est de façon récurrente le plus bas en métropole. La Corse ne

disposant bien souvent que de la moitié de la dotation allouée à l’antépénultième

département.

 

II/ UN GOUFFRE ENTRE LE PRIX DE L’IMMOBILIER ET LE REVENU

MOYEN

L’écart entre les revenus moyens observés en Corse et le prix de l’immobilier pose un réel

problème en matière d’accès au logement. L’activité touristique, le nombre démesuré de

résidences secondaires et l’influence d’acquéreurs extérieurs potentiellement plus fortunés

que la très grande moyenne des résidents, conjugués au déficit en logements sociaux, sont

autant de facteurs qui, cumulés, jouent en défaveur la régulation du prix du marché

immobilier et d’un accès au logement décent pour la population résidente.

Près de 50% des foyers fiscaux déclarent des revenus en dessous de 15000 euros annuels,

soit 89 796 foyers, dont 54046 déclarent des revenus en dessous de 9400 euros annuels

« La Corse est l'une des régions françaises où les ressources monétaires des habitants sont

les plus faibles. Elle se caractérise aussi par une disparité des revenus plus marquée

qu'ailleurs. Cette faiblesse des ressources s'explique essentiellement par une insertion

moindre sur le marché du travail, un poids élevé des emplois peu rémunérateurs et une

activité saisonnière importante. D'ailleurs, dans la région, la population bénéficiaire des

Caisses d'allocations familiales vivant sous le seuil des bas revenus est nettement plus

fréquente qu'en moyenne nationale. Ces dernières années, les écarts avec la France tendent

toutefois à se réduire » (INSEE 2009/2010)

« Le revenu disponible par habitant est inférieur de 11 % à celui observé en France

métropolitaine. Il situe la Corse au 20e rang des régions, sensiblement au même niveau que

le Languedoc-Roussillon et avant le Nord-Pas-de-Calais » (INSEE 2003)

« Le seuil de revenu des plus modestes est de 32 % inférieur à celui observé en métropole,

plaçant la Corse au dernier rang des régions sur cet indicateur. Fin 2004, parmi les

allocataires des Caisses d'allocations familiales, 17 580 foyers fiscaux disposent d'un revenu

mensuel, après versement des aides, inférieur à 735 euros par mois et par UC. Avec leur

conjoint et enfants, ce sont 38710 personnes qui sont concernés, soit 18% de la population régionale de moins de 65 ans contre 13 % en moyenne nationale. Cette proportion est l'une

des plus élevées des régions. L'écart avec la métropole se réduit toutefois légèrement.

Cette dernière donnée est toutefois sensiblement infirmée par l’observatoire National de la

Pauvreté et de l’Exclusion Sociale qui indique, « dans son rapport 2009/2010, que le taux de

pauvreté en Corse a même augmenté en 2007 puisqu’il est passé à 20,4 %. Olivier Léon dans

son étude remarque que la carte de la pauvreté recoupe celle du chômage : « le taux de

pauvreté dépasse 18 % dans les régions enregistrant les plus forts taux de chômage : Nord

Pas de Calais, Languedoc Roussillon et Corse ». Enfin la Corse est incontestablement la région

de France qui se trouve dans la situation la plus grave : « La Corse est la région où le tau de

pauvreté est de très loin le plus important. Elle est la seconde région (après l’Ile de France)

pour l’intensité des inégalités de niveau de vie en 2006 ». (Extrait de » la violence en Corse », Sampiero

Sanguinetti)

Le "gouffre" qui existe entre les revenus du travail sur l’île et la valeur marchande du

patrimoine foncier, représente un point de blocage et de difficultés pour l’accès au

logement décent pour tous, pour la régulation du prix du marché immobilier, comme pour

mettre le frein nécessaire à la spéculation immobilière, aux dérives affairistes et aux

violences qu’elles provoquent.

 

III/ UNE ECONOMIE TOURISTIQUE QUI INFLUE SUR LES DIFFICULTES

D’ACCES AU LOGEMENT ET LES PRIX DU MARCHE

 

A cette difficulté évidente de mise en œuvre d’une politique sociale du logement, l’activité

touristique contribue en pesant sur plusieurs niveaux :

Sur l’offre locative :

Ce manque criant de logements sociaux influe sur le prix de l’immobilier. D’autant que l’offre

locative est très faible. En effet, la tentation de la location saisonnière est grande et de très

nombreux logements restent inoccupés hors saison ou ne sont destinés qu’à la location dite

« à l’année scolaire ». Cette problématique, influe de son coté sur d’insoupçonnés

mécanismes. La CFDT Corsica, démontrait il y a quelques années, que dans des régions dites

« balnéaires » (tout particulièrement la Balagne et Porto Vecchio), le manque d’enseignants

dans les matières principales était récurrent, car ces derniers refusaient les mutations dans

ces territoires, pour la difficulté qu’ils y rencontraient à n’être logé que sur la période

scolaire. Ce sont aussi et parallèlement, les territoires où les jeunes sortent le plus tôt du

cursus scolaire, non diplômés.

Sur l’accès à la propriété :

Lorsque l'on relie, les faibles revenus des résidents à la forte attractivité de l’île pour des acheteurs

extérieurs bien plus fortunés, c’est le cocktail idéal pour une spéculation foncière et immobilière qui

voit le jour. Celle subit actuellement et influant sur un prix du marché de l'immobilier disproportionné rapporté à l’état social de la Corse. Patrimoine ancien, terrains constructibles, ou

constructions récentes, trouvent ainsi acquéreurs à des prix que les résidents ne peuvent en

majorité, acquitter. Phénomène qui emballe la flambée des prix et qui, cumulé au déficit en

logement social et au manque de logements destinés au locatif annuel, rend tout particulièrement

délicat l’accès au logement.

C’est ainsi que l’ile compte en moyenne entre 32 et 34% de résidences secondaires sur le parc de

l’habitat et que des régions comme Porto Vecchio par exemple, compte 52% de résidences

secondaires contre 3% de logements sociaux (Le prix du marché immobilier y est l’un des plus haut

de la Corse (4400 euros du M2 EN MOYENNE)), certaines microrégions atteignant parfois plus de

60%.

Influence sur le prix du marché d’une part, influence également sur le cout des infrastructures

collectives et l’utilisation et d’occupation de l’espace. En effet, particulièrement sur les espaces

proches des bords de mer, nombreux de ces acquéreurs vacanciers sont en demande (fonction de

moyens financiers très élevés) de grosses propriétés (souvent entre 5000 m2 et 2 ha) pour y

construire des résidences de grand luxe. Entraînant de ce fait, des problèmes en matière de gestion

de réseau (eau et assainissement en particulier) et d’étalement urbain, coûteux pour les résidents.

Sans compter l’influence sur la violence et les dérives sociétales que cela engendre et que la Corse

connaît incontestablement, comme nombre d’autres territoires touristiques mais à un degré devenu

inquiétant.

Sur la consommation d’espace :

L'étude environnementale du PADDUC (page 76) précise que de 1980 à 2005, la Corse a vu

se construire plus de 60 000 logements. Plus de 60 % de ces logements sont de type

individuel et près de 2,5 km² de surface de locaux d'activités.

L'augmentation du nombre de résidences secondaires qui ne sont utilisées qu'une faible

partie de l'année, participe à une plus grande consommation d'espace. De 1968 à 1999, la

population de Corse s'est accrue d'un quart environ (+ 24,7 %). Sur la même période, le

nombre de résidences secondaires a cru de + 133 %. Cette évolution est essentiellement due

à l'augmentation du nombre de résidences secondaires qui a été multiplié par 9 (soit + 825

%) lorsque le nombre de résidences principales a en revanche évolué plus modestement +

64,5 %. En 1999, les résidences secondaires représentaient plus du tiers des logements (34,5

%) contre 8,6 % en 1968. Aujourd’hui, ce pourcentage a dépassé la moitié.

L'extension des aires urbaines d'Ajaccio et de Bastia est particulièrement significative. Ces deux aires

urbaines qui ne comportaient en 1990 que 33 communes, comptaient ensemble 96 communes lors

du recensement de 1999. Sur une période de 9 ans, les zones d'attractivité de ces villes ont donc

triplé en nombre de communes. L'augmentation de population est de 18 % et celle de la superficie

urbanisée de 117 %.

Sur l' afflux de capitaux à blanchir:

C'est le syndrome andalou : une étude réalisée par l’Institut Andalou Inter Universitaire de

Criminologie de l’Université de Malaga conclue à une forte présence d’argent mafieux dans

les investissements immobiliers en Costa del Sol. Les experts soulignent des pratiques

généralisées de corruption et même « l’intérêt du crime organisé à prendre le contrôle

politique des municipalités ».

L’écart entre le prix de l’immobilier et le revenu des résidents est difficilement gérable

socialement. Ce phénomène jusque-là localisé sur les côtes, tend à s’étendre vers l’intérieur

et l’arrêt brutal des exonérations générées par les arrêtés Miot, dans le contexte social

décrit, ne ferait qu’amplifier ce phénomène alarmant, auquel aucune politique publique ne

sera en mesure de répondre. En effet, compte tenu des revenus observés, près de 50% des

foyers ne seraient pas en mesure ni d’accéder à la propriété, ni d’accéder à une location en

dehors du parc social. Le tissu social de la Corse, fait que nombre de ces familles sont

aujourd ’hui logées dans des biens familiaux qu’ils pourraient ne pas être en mesure de

conserver face à des droits de succession calculés sur des valeurs spéculatives. Dans l’état

social et économique de la Corse, cela augmenterait considérablement le nombre de

demandeurs de logements sociaux, déjà démesuré en l’état. Il va être extrêmement difficile

de répondre au besoin existant et de rééquilibrer le prix du marché immobilier, mais cela

deviendrait mécaniquement impossible en cas de vente massive des biens patrimoniaux.

 

UNE SERIE DE PROPOSITIONS

Le logement est au cœur des préoccupations des familles. Dans les zones touristiques, les

familles n’ont pas les moyens qu’exige le marché pour accéder à une location correcte. De

plus des besoins spécifiques existent en particulier pour loger les travailleurs saisonniers qui

en sont parfois réduits à se loger dans des caravanes, au camping, ou dans leurs voitures.

Des maisons de retraites à prix modérés sont également demandées par une population

vieillissante qui ne sait plus où se loger.

Actuellement, ce sont les directions régionales de l’état qui déterminent les besoins en

logements sociaux, qui sélectionnent les projets et accordent les aides publiques. Les freins

sont nombreux et ont été pointés dans de nombreux rapports. Cette logique montre depuis

des années son inefficacité.

Il est indispensable, pour être plus proche des réalités, de trouver le niveau territorial le plus

pertinent et quelques pistes pour résoudre durablement la question du logement social.

Transfert total à la CTC (Collectivité territoriale de corse) de l’enveloppe des aides à la

pierre : un transfert total à la région de l’enveloppe des aides à la pierre destinée au

financement du logement locatif social peut changer l’approche trop bureaucratique

actuelle. C’est le niveau régional qui est le niveau naturel pour traiter le logement social.

Pour autant les besoins de chaque territoire de la région doivent être évalués dans la

concertation.

 

Détermination des besoins:

Une conférence sur le logement social pourrait réunir triennalement les acteurs du logement auprès de chaque regroupement de collectivité (communauté de communes). Ainsi, la Caisse des dépôts, les représentants des collectivités,

les citoyens, les syndicats, les chambres consulaires dont le 1 % et le gérant des enveloppes

dans le cas envisagé la CTC, pourraient établir un diagnostic et un programme local

cohérent..

Un nouveau rôle pour l’Agence Foncière : L’agence foncière doit jouer un nouveau rôle par

la capacité de préemption des biens sans maîtres (en substitution au Service des Domaines),

des biens en périls, des biens sensibles en cas de ventes. La capacité financière de l’Agence

peut être acquise avec le transfert des droits de successions et d’enregistrements à la région

Diversification des formes de logements : La diversification des formes de logements peut

permettre d’accélérer la production de logement à destination d’un public « intermédiaire ».

Plutôt que de se figer sur des normes ou des habitudes, l’expérimentation de formules

urbanistiques nouvelles et de nouveaux modes constructifs peuvent et doivent avoir le

double objectif de l’abaissement du coût et de l’augmentation de la qualité de l’habitat. Le

maître d’ouvrage doit en être la collectivité locale et non de grands organismes ou offices

qui imposent parfois des choix architecturaux contraires aux chartes paysagères et

choisissent dans la majorité des cas des modes de construction conventionnels mais

dépassés du point de vue du développement durable.

Création d’un prêt spécifique

Ainsi, dans le cadre de projets communaux d’habitat destiné à l’accession à la propriété

avec clauses anti spéculatives, un prêt spécifique sera mis en place et distribué par la Caisse

des Dépôts et Consignations avec des conditions d’intégration urbanistiques, paysagères et

environnementales. La CDC serait le seul organisme habilité à apprécier la faisabilité des

projets sur de nouvelles bases d’analyse financière. Le maître d’ouvrage doit être la CTC en

lieu et place des grands organismes ou offices.

Ces propositions spécifiques viendraient compléter, dans le cas de la Corse, les dispositions

applicables à l’ensemble des zones touristiques que le Gouvernement serait amené à

prendre.

 

AUROPA ECOLUGIA/I VERDI commission logement

Propositions

pour un programme législatif spécifique

aux zones touristiques

 

au vu des chiffres alarmants du déficit de logement sociaux dans les zones soumises à la pression touristique, leur écart important avec la moyenne nationale, et la conjoncture

sociale qui en résulte, nous proposons de:

1/ Créer pour ces zones une enveloppe spéciale de rattrapage à destination du logement

social, et en affecter une partie à la construction ou à l’acquisition de logements sociaux

dans les communes rurales non soumises à l’obligation, de façon à influer en même temps

sur la revitalisation rurale.

2/ Instituer une surtaxe sur les résidences secondaires (appartements en zone urbaine

comme l’habitat diffus en zone rurale ou littorale) pour, d’une part, rééquilibrer le surcoût

qu’elles engendrent et soutenir, d’autre part, la réhabilitation du bâti abandonné, en

particulier celui des hameaux désertés.

3/ Décréter un moratoire de 5 ans bloquant la construction de résidences secondaires sur

cette durée.

4/ Appliquer, au terme des 5 ans de moratoire, une loi pour une limitation du taux autorisé,

par commune, de résidences secondaires à 25% maximum du parc de l’habitat. Cela

pourrait inciter aussi les communes qui ont dépassé ce taux et ne possèdent qu’un parc

social restreint, à rééquilibrer l’offre par le logement social.

5/ Renforcer les clauses anti spéculatives dans le cadre de programmes publics d’habitat

destinés à l’accession à la propriété.

6/ Envisager parallèlement des mesures incitatives à la location à l’année.

7/ Affecter à l’échelon régional les responsabilités actuellement exercées par les directions

de l’état :

- déterminer les besoins en logements sociaux

- sélectionner les projets

- accorder les aides publiques.