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Co-officialité

CO-OFFICIALITE

L’Humanité du 14 août 2013 publiait une interview de Dominique Bucchini à propos de l’adoption, le 17 mai, par l’Assemblée de Corse qu’il présidait, du statut de co-officialité et de revitalisation de la langue corse.

 

Il y déclarait notamment que : « ce statut aurait d’importantes conséquences dans les différents domaines de la vie publique. Il vise à garantir l’emploi officiel du français et du corse à parité sur le territoire de la Corse et, pour y parvenir, entend encourager l’emploi du corse par tous et dans tous les domaines. Chacun se verra garantir l’accès à la connaissance et à la pratique du corse et les pouvoirs publics auront le devoir de faire respecter les droits des locuteurs. Ainsi – sans sous-estimer le temps et les moyens nécessaires –, nous pourrons édifier une société bilingue, dans laquelle les institutions, l’enseignement, les entreprises, les médias utiliseront paritairement les deux langues.

 

Il poursuivait en rappelant que  « dès 1985, nous popularisions la revendication de la co-officialité, à partir des thèses de Jean-Baptiste Marcellesi apportant « une contribution décisive à la revendication linguistique ». Cette contribution  avait pris la forme d’une pensée originale, d’une langue polynomique, qui évite de recourir au processus de normalisation linguistique qui semblait jusques là un préalable à toute action publique tant dans le domaine de l’éducation que dans l’espace officiel

 

Le professeur Marcellesi, l'un des "pères fondateurs" de la sociolinguistique en France, indiquait en 1983 que « les langues polynomiques sont des langues dont l’unité est abstraite et résulte d’un mouvement dialectique et non de la simple ossification d’une norme unique, et dont l’existence est fondée sur la décision massive de ceux qui la parlent de lui donner un nom particulier et de la déclarer autonome des autres langues reconnues. » Ce qui est parfaitement vrai dans le cas de la langue corse, qu’il avait tout particulièrement étudiée.

Lors de sa session du 18 janvier 1989, le Conseil de la culture, de l’éducation et du cadre de vie adoptait un rapport intitulé « LINGUA MATRIA » qui préconisait, « l’officialisation de la langue corse dans tous les domaines de la vie publique évoqués dans la résolution 192 du Conseil de l’Europe en date de mars 1988 ».

 

Ce rapport remarquait qu’ « il est juste que les corses énoncent leur identité par le moyen d’une langue qui est la leur, le corse. Mais le corse n’est plus la langue de première acquisition, bien que l’on continue à lui attribuer le statut de langue maternelle. Il faut donc réviser ce statut, source de confusion, voire de conflits, et lui en substituer un nouveau, conforme à la réalité : ni langue maternelle, ni langue étrangère. Mais langue fondatrice, langue créatrice, lingua matria ». Langue matrie, comme l’on dit terre patrie, invoquant ainsi le caractère maternel et pacifique du combat linguistique. Confirmant aussi clairement son caractère inclusif et non pas exclusif ,et balayant le faux argument du barrage à l’emploi, qui peut soulever des inquiétudes. Les conditions d’embauche, en cas de co-officialité, sont de posséder une langue ou l’autre, ou les deux. Seul ce dernier cas est un avantage compétitif, accessible à tous grâce à la formation. Au même titre que n’importe quelle autre compétence. Et faire disparaître la notion de compétence acquise dans la recherche acquise et l’exercice d’un emploi nous entrainerait vers une vision robotique de « l’homme sans qualité »

 

C’est comme méthode de mise en œuvre de ce concept de « langue fondatrice, créatrice et matrice » que la co-officialité doit être envisagée. Comme un marqueur accessible à tous, qui réunit au lieu de séparer, qui accueille au lieu de rejeter. Comme un bien public et non pas comme une propriété privée.  C’est pour cela qu’il est essentiel que des compétences et des moyens publics soient affectés à cette mise en œuvre.

 

Texte adopté à l’unanimité lors du CPR du 15/10/2016 à Corti.