Drames en Méditerranée : Réaffirmer nos principes et apporter nos réponses pour un sursaut européen
Exposé des motifs
Depuis plus de 10 ans, et tout particulièrement ces dernières semaines, des tragédies à répétition se déroulent en Méditerranée, entre les côtes africaines et européennes : des bateaux transportant dans des conditions effroyables des réfugiés sombrent en pleine mer. Depuis le début de l’année 2015, le nombre de personnes noyées au cours de ces traversées frôle déjà les 2000 à 3000 personnes. Et le décompte macabre continue, avec son lot de nouveaux drames “évités de justesse” ou bien pas encore portés à l’attention du public.
Sur les îles de Lampedusa (Italie), de Kos (Grèce), de Chypre, de Malte ou encore dans le détroit de Gibraltar (Espagne), 218 757 migrants se sont cognés aux murs de la forteresse Schengen en 2014 (UNHCR)… un record d’affluence, mais qui est rappelons-le battu par les chiffres des migrations au sein même des pays africains et arabes : 10,9 millions de personnes fuyant le guerre, les persécutions et la misère (UNHCR 2014 : 2,9 millions de réfugiés en Afrique subsaharienne et 2,6 au Moyen Orient/Afrique du Nord – UNRWA 2014 : 5,4 millions de réfugiés palestiniens).
Suite aux récents drames en Méditerranée, et comme deux ans plus tôt, les dirigeants européens réunis le 23 avril dernier ont de nouveau affirmé qu’il fallait « agir en urgence » face à une « situation dramatique » que l’on ne pouvait laisser « se reproduire ». Des mesures ont alors été décidées, consternantes de cécité, d’inhumanité et d’absurdité. Ce Conseil a vu les différents Etats membres de l’Union européenne s’écharper pour ne pas avoir à accepter “trop” de réfugiés sur leurs sols respectifs (la France devrait accueillir entre 500 et 700 réfugiés), plaider pour un renforcement des mesures de sécurité à leurs frontières, renforcer le dispositif Triton, dispositif uniquement sécuritaire, et s’élever contre les passeurs en envisageant une action militaire pour les neutraliser.
Ces réponses constituent une honte pour la France et pour l’Europe et ne sont absolument pas à la hauteur des enjeux.
Les récentes indignations face à ces « Damnés de la mer » (comme les nommait récemment Benjamin Stora), ainsi que les conclusions du Conseil européen n’apportent aucune réponse. Et cela, malgré la double urgence : urgence humanitaire pour sauver des vies, urgence politique pour sauver nos démocraties et la construction européenne face à la “libération” des paroles politiques nationalistes et xénophobes dans l’ensemble de l’Europe ! Lorsqu’une démocratie renie ses fondamentaux, elle se met elle-même en grand danger. Fatou Diome, l’écrivaine franco-sénégalaise, a raison lorsqu’elle crie : « On sera riches ensemble, ou on va se noyer tous ensemble ! ».
Pour Europe Ecologie Les Verts, la France n’a pas pensé la question migratoire à la bonne échelle, celle de l’Europe, horizon démocratique incontournable. La question migratoire est encore bien trop polluée par les batailles de souverainetés frontalières que se livrent encore les Etats membres de l’UE, laissant à cette dernière la responsabilité de fait, sans les moyens inhérents au traitement de la question migratoire. C’est au contraire par plus d’Europe, plus d’Europe de la solidarité avec l’ensemble de ses Etats membres et avec les pays au Sud de la Méditerranée, et au-delà, que l’on sortira de l’étau nationaliste et sécuritaire actuel faisant le jeu du Front national en France et de tous les extrémismes et nationalismes un peu partout en Europe.
Les Etats membres de l’UE ont aujourd’hui deux possibilités : soit fermer totalement leurs frontières et se recroqueviller sur eux-mêmes, niant leurs valeurs démocratiques sur l’autel de la xénophobie, soit faire le pari que l’immigration (en particulier en provenance du Sud de la Méditerranée) est une chance, non seulement pour leur économie, mais surtout pour ré enchanter la construction européenne par des valeurs de solidarité et de responsabilité vis-à-vis de l’ensemble des êtres humains et de leur environnement.
La question migratoire offre la possibilité d’un réveil et d’un sursaut européen, pour l’ensemble des générations actuelles et futures. A l’instar des Etats-Unis, dont le « rêve américain » s’est nourri pendant trois siècles de millions d’immigrés venus de toute la planète, l’UE peut retrouver son âme en assumant son rôle de refuge pour les opprimés du monde entier.
Pour toutes ces raisons, Europe Écologie Les Verts estime qu’il est largement temps de relancer le débat sur la question des migrations de façon sérieuse et ambitieuse, sur le long terme et à l’échelle de l’Europe, loin des vagues d’émotions aussi médiatisées que vite oubliées et loin des appels à mieux se calfeutrer dans nos frontières hexagonales étriquées.
Motion
Le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts tient à réaffirmer certains principes essentiels :
– Le droit de circulation et le droit d’installation sont des droits fondamentaux reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 en son Article 13 : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »
– Les migrations ne sont pas un problème, elles sont l’une des solutions pour aider nos sociétés à relever les défis demain (main d’œuvre et savoir-faire, dialogue interculturel, adaptation au dérèglement climatique…) et pour redonner du sens à la construction européenne
– La régularisation des Sans-papiers est une urgence et une nécessité morale et politique, qui aurait déjà dû être mise en œuvre par les gouvernements successifs
– Il faut mettre fin aux mythes du coût de l’accueil des migrants et de « l’appel d’air ». Les immigrés, par l’apport économique à leur pays d’origine, par leur travail, leur qualification, le paiement des impôts, la consommation du quotidien, le logement, les transports… contribuent bien plus aux économies européennes qu’ils ne leur coûtent. Ce qui coûte cher, c’est bien plutôt la politique actuelle : fermeture des frontières, mesures de contrôles, de rétention et d’éloignement, etc.
Le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts prône :
– la mise en place d’une politique européenne favorisant les voies d’immigration légales et garantissant les conditions d’accès à l’asile sur son territoire.
– un renforcement de la politique d’aide au développement envers les pays pauvres, la fin de l’exploitation des ressources, la prévention des conflits et le contrôle des ventes d’armes.
– l’engagement d’une réflexion programmatique avec les élus, militants et commissions internes concernés par cette question, en concertation avec les associations et ONG œuvrant dans le domaine des migrations, qui devra déboucher sur différentes actions : campagnes thématiques et médiatiques, rédaction d’un livre Blanc, proposition de loi, question au gouvernement et aux institutions de l’UE, etc.
– Une réorientation de la politique d’accueil de l’UE des réfugiés méditerranéens dans le sens promu par le Secrétaire général et le Haut commissariat aux réfugiés des nations unies.
– Demande aux membres du bureau exécutif d’Europe Écologie Les Verts et à ses parlementaires de porter l’idée dans leurs interventions publiques du libre droit de circulation et d’installation des migrants, du respect des libertés individuelles et de la nécessité de penser les migrations en termes de chance pour l’avenir de la construction européenne.
Unanimité pour
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