Rapport du GIEC : les responsables politiques au pied du mur

Pascal Canfin (crédit photo: Joëlle Dolle)

Le GIEC a remis dimanche 2 novembre son rapport de synthèse à destination des décideurs. Il confirme que la situation s’aggrave, que les émissions ne cessent d’augmenter, que les conséquences seront encore plus graves que prévues et qu’il est beaucoup moins cher d’agir maintenant que d’agir demain ! Tous les leviers sont donc réunis pour agir, et comme le dit Christiana Figueres la directrice exécutive de la Convention sur le climat “ne pas agir serait une faute au regard de la raison et de notre responsabilité“ !

Les Etats dits “développés“ sont bien sur les premiers à devoir prendre leur responsabilité. L’Union européenne a adopté son paquet énergie climat pour 2030 quelques jours avant la publication du rapport du GIEC. Il est clairement insuffisant au regard des préconisations des scientifiques notamment parce que les objectifs en terme d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables ont été revus à la baisse et ne sont pas juridiquement contraignants. Mais, dans le contexte de la négociation internationale, il reste un signal positif. D’une part le fait même que l’Union européenne se dote d’un objectif met la pression sur les autres grands émetteurs comme la Chine et les Etats Unis pour qu’ils fassent de même. Et d’autre part, l’objectif finalement adopté est d’ “au moins -40 %“ ce qui laisse la porte ouverte à une ambition plus grande en cas d’accord international. La balle est maintenant dans le camp d’un côté du Parlement européen pour améliorer le paquet validé par les Etats, et, de l’autre, de Beijing et de Washington qui doivent soumettre leur propre objectif de réduction d’émissions au premier trimestre 2015.

Ces engagements ne se feront pas sans pression populaire. En Chine, la première cause de conflits locaux est devenu la mauvaise qualité de l’environnement, de l’eau, de l’air, de la nourriture. Pour le Parti communiste chinois ce n’est plus une question “verte“ mais une question de stabilité politique. Aux Etats-Unis, la marche pour le climat qui a eu lieu à New York juste avant le Sommet sur le climat organisé par les Nations-unies a été un succès exceptionnel. Mettre 400 000 personnes dans la rue aux Etats-Unis pour défendre une politique ambitieuse de lutte contre le changement climatique était un rêve. C’est devenu une réalité et cela donne aussi de nouvelles ambitions aux ONG françaises et européennes qui visent maintenant 1 million de personnes en décembre 2015 à Paris. Plus la date approchera plus nous devrons collectivement être mobilisé pour contribuer à cet objectif qui fera de cette manifestation la plus grande mobilisation populaire en faveur de l’environnement jamais organisée en France.

Ces engagements ne se feront pas non plus si cette négociation est uniquement perçue comme un “partage du fardeau“. Car la capacité de l’humanité à se mettre d’accord sur le partage d’un fardeau à 195 Etats autour de la table est à peu près nulle ! Ce qui se jouera à Paris en 2015 c’est au contraire la préservation de notre avenir, y compris économique, et un “partage des opportunités“. L’Inde par exemple a bien compris qu’aujourd’hui la manière la plus économique pour donner l’accès à l’électricité aux centaines de millions d’indiens qui, dans les campagnes, en sont toujours privés ce sont les énergies renouvelables. Mais elle a besoin de coopération internationale pour aller plus vite. Or, la façon dont 500 millions d’indiens vont accéder à l’électricité, via du solaire ou au contraire via du charbon et du fuel – est un enjeu majeur pour le climat.

Enfin, l’accord sur le climat doit également être vue comme un moyen de préserver la paix et la sécurité. François Hollande disait il y a quelques jours à New York “qu’il y aujourd’hui déjà plus de réfugiés climatiques que de réfugiés à cause des conflits armés“. Et lorsque l’on superpose la carte de la désertification en Afrique avec celle des attentats terroristes on trouve une similitude troublante. Car le changement climatique est aussi un risque majeur pour la paix dans le monde. Ce n’est d’ailleurs par un hasard si le GIEC a eu justement le prix nobel de la Paix…

Les scientifiques ont parlé. Les citoyens ont parlé. Il faut maintenant que les responsables politiques soient à la hauteur du défi qui est celui de leur génération. Plus tard, il sera tout simplement trop tard.

Pascal Canfin

Remonter