3 questions à Guillaume Cros, Président du groupe EELV au Conseil régional de Midi-Pyrénées
Guillaume Cros, vous êtes Président du Groupe EELV au Conseil Régional de Midi Pyrénées élu du Tarn, comme vous le savez pour beaucoup de gens, si la lutte contre le barrage du Testet est douloureusement connue, en revanche les raisons de s’opposer à sa construction sont peu connues. Pouvez-vous nous rappeler pourquoi ce barrage est inutile et dommageable ?
Ce projet prévoit de construire un barrage sur le site de la zone humide du Testet qui fait partie des zones humides majeures du département du Tarn d’un point de vue de la biodiversité. Le projet de barrage de Sivens prévoit la réalisation d’un barrage réservoir d’un volume de 1,5 millions de m3 afin de maintenir les niveaux d’étiage mais surtout l’irrigation des maïsiculteurs de la vallée. Il ne fait que participer à la destruction – et ce de manière irréversible – de près de 17 hectares de zone humide par l’ennoiement de 12 hectares.
Il s’agit là d’un projet inutile, couteux et anti-écologique. Mais en réalité, ce sont deux conceptions qui s’affrontent : celle d’une agriculture intensive et productiviste contre une agriculture prenant la mesure des enjeux écologique et agronomique du futur ; celle d’un projet pour quelques-uns contre l’intérêt du plus grand nombre.
Cela fait plusieurs années que les écologistes sont aux côtés du collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet et des associations environnementales pour s’opposer à ce projet. Il n’y a eu, de la part du Conseil Général, aucune volonté d’échanger avec les opposants. Nous nous sommes heurtés à un mur.
Absence de dialogue et de débat public, alternatives au projet de barrage non étudiées, désastre environnemental majeur, passages en force du Conseil Général du Tarn et de la préfecture contre l’avis des scientifiques, violences à l’égard des opposants : les raisons sont nombreuses pour justifier d’un barrage inutile et dommageable.
Il sera d’ailleurs indispensable de faire toute la lumière sur les violences policières inadmissibles qui n’ont pas cessé d’augmenter sur la zone depuis le début septembre.
Au terme de plusieurs mois de lutte, après la publication du rapport d’expertise du Commissariat général à l’Ecologie et au Développement Durable, l’abandon du projet est-il possible et quelles les voies possibles pour en sortir ?
L’abandon du projet n’est pas possible, il est INDISPENSABLE. Le rapport des experts nommés par Madame Royal met au jour ce que dénoncent les opposants au barrage depuis près de deux ans : des besoins en eau « surestimés », une étude d’impact « de qualité moyenne », «un financement fragile » mais aussi une « négligence des alternatives »… En d’autres termes, le barrage de Sivens, constitue un projet dépassé et pourri !
Nous demandons à ce que soient étudiées toutes les alternatives possibles, en impliquant tous les acteurs et ce dans un seul objectif : faire naître un véritable projet de territoire, juste et cohérent pour la vallée du Tescou !
Les parties prenantes ont été réunies à l’initiative de la Ministre de l’Ecologie ce mardi, que pensez-vous de cette réunion, de ce qui en est sorti et des suites qu’elle appelle ?
La réunion de conciliation organisée au Ministère de l’Ecologie a permis, enfin, de renouer le dialogue. Il était temps. Mais un sentiment amer nous anime… Il aura fallu des semaines de violence et la mort d’un jeune pour pouvoir mettre les acteurs autour de la table. C’est ce que demandaient le collectif et les écologistes, c’est ce qui a motivé la grève de la faim (plus de 60 jours pour l’un des grévistes)… Les décideurs ont fait preuve d’une véritable irresponsabilité politique. Tout cela aurait pu être évité si le président du Conseil Général du Tarn, si l’agence de l’eau Adour Garonne, si la CACG (société d’économie mixte qui a fait les études de faisabilité ET qui construit le barrage) avec la complicité d’élus qui ne comprennent toujours pas qu’ils ne peuvent plus agir en potentats locaux, n’avaient pas voulu passer en force.
Et puis il y a la responsabilité de l’Etat. Le premier ministre comme celui de l’agriculture n’ont pas arrêté d’affirmer que le barrage se ferait quoiqu’il arrive… Pour eux il ne fallait pas qu’il y ait un nouveau « recul ». Les déclarations de ces derniers jours de M. Valls sur Notre Dame des Landes le confirment. Il y a une peur mais aussi une incompréhension de ce nouveau type de mobilisation pacifiste sur fond de désobéissance civique. Je suis persuadé que c’est un vrai mouvement de fond qui est en train de se passer. Et à ce titre il y aura un avant et un après Sivens.
Pour la suite, et pour faire preuve de responsabilité politique, il est indispensable que la déclaration d’utilité publique soit annulée. On sait maintenant, après la lecture du rapport des experts, qu’elle est illégale. Sans mettre un quelconque préalable, comme l’évacuation de la zone, les alternatives doivent enfin être étudiées. Elles existent, y compris avec des petites retenues, et peuvent satisfaire les besoins réels en eau de la vallée.
Ces solutions doivent être le fruit d’un échange entre toutes les parties. Beaucoup ont été sincèrement meurtri par ce qui s’est passé. L’apaisement et la discussion doivent remplacer l’obstination, la violence et la rancœur.
Sivens doit aussi permettre de réécrire la loi concernant les notions d’utilité publique et les conflits d’intérêt. Je sais que le parlementaires écologistes y travaillent pour qu’il n’y ait plus jamais de « Sivens ».
Sivens doit aussi remettre à plat la législation sur la répression des mobilisations citoyennes et l’utilisation des grenades et des flash-balls. Ils doivent être interdits. Ce qui s’est passé dans la nuit du 25 au 26 octobre n’aurait jamais du arriver…