Démocratie : l’urgence d’une nouvelle République. Réaffirmer la priorité du changement institutionnel

Exposé des motifs

En tant qu’écologistes, nous sommes pour une évolution institutionnelle permettant d’en finir avec les anachronismes antidémocratiques de la Ve république française. Rappelons deux principes défendus depuis toujours par les écologistes, l’Europe comme horizon démocratique fondamental et la proportionnelle comme outil prioritaire de transformation institutionnelle.

Le régime français impose depuis 1958, et plus encore après la réforme de 1962 ayant instauré le suffrage universel pour choisir le Président de la république, sa logique majoritaire et la bipolarisation de la vie politique française. Cette bipolarisation s’est, de plus, accélérée depuis l’instauration du quinquennat en 2000 et le calendrier des élections législatives qui désormais, suivant de quelques semaines la présidentielle, sont surdéterminée par celle-ci, ce qui entraîne l’affaiblissement politique du Parlement.

Bref, nous vivons en France sous une monarchie républicaine et la présidentielle est une maladie qui contamine toute la classe politico-médiatique.

Cette pratique de nos institutions permet aujourd’hui à François Hollande et à son Premier ministre de poursuivre une politique non validée par les électeurs de 2012 et donc non soutenue par la majorité pluraliste qui a pourtant contribué à l’élection du Président de la République.

Une crise politique est venue se rajouter à la crise économique, sociale et environnementale. L’affaiblissement du pouvoir politique, la défiance généralisée des Françaises et des Français doivent nous pousser à repenser en profondeur notre démocratie et ses institutions. La résolution des crises va de pair avec un sursaut démocratique.

Vue d’Europe, le présidentialisme français est tout aussi folklorique que la monarchie britannique ou hollandaise et nous empêche trop souvent de peser de manière constructive sur le développement d’une Europe citoyenne. Avec la grille de lecture bipolarisée de nos institutions, la plupart des politiques français ne parviennent pas ou refusent de comprendre comment se construisent les consensus, les majorités, comment se fait la politique au niveau européen. Avec la matrice présidentialiste en tête, ils ne comprennent pas que si les négociations intergouvernementales en Europe sont opaques, elles le sont avant tout pour eux, pour la simple et bonne raison que l’exécutif français n’est pas responsable devant son parlement. Il est grand temps donc, plutôt que d’exporter nos problèmes au niveau européen, de les résoudre pour y peser au mieux. L’Europe fédérale que nous voulons n’est pas la France en grand.

Les écologistes sont depuis toujours pour un autre régime, qui soit plus représentatif de la société française, dans sa complexité et sa diversité culturelle et sociale, et faisant beaucoup plus de place au débat démocratique. Les écologistes ont toujours affirmé leur attachement au fédéralisme comme principe d’organisation politique. Un fédéralisme différencié, équilibré et collaboratif, assurant un partage intelligent de la souveraineté, notion qui doit être entièrement repensée, à l’échelle des Etats bien sûr, mais aussi au niveau européen.

En France, cela passe par un plus grand parlementarisme et une plus grande autonomie décisionnelle des régions, pour des politiques publiques au plus près des populations concernées. Cela passe surtout par la reine de toutes les batailles, la proportionnelle. Si elle a souvent eu mauvaise presse, accusée de pouvoir favoriser l’entrée dans les institutions des forces d’extrême droite, on oublie que c’est au contraire le fait majoritaire qui, poussant au bipolarisme et aux alliances, a créé les conditions d’une montée des populismes. Ces derniers, dénonçant un système effectivement pervers, se posent en réceptacle des frustrations populaires. La meilleure arme contre tous les extrémismes, c’est la démocratie.

Avec la proportionnelle lors des élections législatives, chaque force politique en présence pourrait débattre de son programme respectif plutôt que de signer des accords programmatiques artificiels pour pouvoir entrer dans le jeu institutionnel.

C’est la leçon que nous devons tirer de notre groupe au Parlement européen. Nos eurodéputé-e-s, élu-e-s à la proportionnelle, passent souvent des compromis pour obtenir des avancées sur le fond, sur les textes, mais n’ont pas à entrer dans la compromission par solidarité électorale ou budgétaire. Même s’il peut parfois y avoir une tendance à la polarisation au Parlement européen, les majorités se font et se défont sur le fond.

La France et son système institutionnel anachronique écrasent eux toute possibilité de débat et de recherche du consensus au profit d’une compétition bipolarisée, entraînant trop souvent des postures bien plutôt que des convictions. Pis, au niveau européen, la voix française reste celle définie par l’Elysée et son locataire, et non la résultante d’un débat structuré dans ses institutions. Les écologistes, eux-mêmes peuvent parfois être contaminés et rejouer la pseudo compétition « gauche-droite » au lieu de penser l’autonomie en préalable.

Nous savons néanmoins que les seules modifications institutionnelles sont insuffisantes, elles ne valent rien sans un véritable projet, une vision, une capacité à transformer un modèle économique et social à bout de souffle. Le projet écologique assume l’importance de la pensée, ne nie jamais la complexité et souhaite un nouvel internationalisme.

Il faut donc créer une nouvelle République, qui aura pour valeurs centrales l’égalité, la solidarité, le pluralisme et le respect des différences, un partage équilibré mais stricte des pouvoirs, l’exemplarité morale des représentants et la prise en compte de la question du long terme et du respect d’un équilibre durable entre les hommes et leur environnement naturel.

Si comme le dit Dany Cohn Bendit, le présidentialisme français est une véritable « maladie » qui « infantilise la vie politique », il est plus qu’urgent de grandir et de se soigner enfin.

Motion

Pour toutes ces raisons, le conseil fédéral réuni le 11 et 12 octobre réaffirme que :

  • Une nouvelle République devra voir le jour après un processus participatif et citoyen débouchant sur un referendum.
  •  Les écologistes demandent que la France signe la convention internationale des droits des peuples autochtones.

Cette nouvelle République s’appuiera notamment sur les principes suivants :

  •  le parlementarisme : avec la réduction considérable des pouvoirs du président de la République.C’est le Premier ministre qui conduira véritablement la politique du pays et qui sera responsable devant le Parlement, ce dernier bénéficiant d’un pouvoir de censure. Le calendrier et la durée des mandats devront être revus.
  •  la participation citoyenne : le développement d’outils de démocratie directe, participative et collaborative permettra de redonner du pouvoir d’agir aux citoyennes et aux citoyens. Un droit d’initiative citoyenne des lois sera instauré.
  •  l’exemplarité : pour retrouver la confiance dans nos représentant-es, nous devons changer les pratiques politiques, lutter contre le clientélisme, le lobbying, les conflits d’intérêt et la corruption. Des sanctions spécifiques pourront être retenues contre les élu-es condamné-es dans le cadre de l’exercice de leur mandat.
  •  la représentation rénovée : Le vote blanc sera comptabilisé et un mandat unique, limité dans le temps sera instauré et un statut de l’élu-e avec des formations permettra de faire d’un mandat électif un temps de la vie plus qu’un métier. 
  •  la diversité : le scrutin à la proportionnelle sera généralisé pour garantir une bonne représentativité des institutions et notamment le pluralisme politique, la parité et la diversité. Les étrangers présents sur le territoire depuis au moins 5 ans auront le droit de vote à toutes les élections.
  • le long terme : Le principe de prise en compte du temps long sera inscrit dans la Constitution pour faire du respect de la planète un principe républicain.

En conséquence, le conseil fédéral d’Europe Ecologie Les Verts, réuni les 11 et 12 octobre 2014, décide :

– la création d’une Commission thématique ponctuelle « Réforme constitutionnelle et démocratique » dont l’objet est l’étude concrète d’une évolution institutionnelle de la 5e république vers un régime plus parlementaire, au mode de scrutin proportionnel et mettant en œuvre le fédéralisme différencié.

 La commission associera notamment un-e référent-e du COP (conseil d’orientation politique) en charge de porter le sujet au sein de cette instance, d’un-e référent-e au sein du bureau exécutif, d’un-e référent-e de la commission Régions et fédéralisme, d’un-e référent-e de la commission Europe, d’un-e représentant-e de la commission Outre-Mer, d’un-e référent-e au sein du CF en charge du suivi, d’un-e référent-e du PVE et d’un-e référent-e de chacun des groupes parlementaires EELV.

– La commission ponctuelle « Réforme constitutionnelle et démocratique » travaillera d’ici à la mi 2015 sur une feuille de route et des propositions concrètes d’évolution institutionnelle et dialoguera avec toutes les organisations politiques, sociales, syndicales et associatives œuvrant dans le domaine de la réforme institutionnelle, sur la base des positions actées par les écologistes depuis 1984.

– Les premiers membres de cette commission ponctuelle sont : Rodéric Aarsse (IDF), Bastien François (IDF), Benjamin Joyeux (IDF), Mélanie Vogel (HDF), Jonathan Sorel (IDF), Claire Guichet (IDF), Mathieu Béchu (Alsace), Yves Contasot (IdF), Michael Marie (Normandie), Aurélie Brochard (HDF), Wandrille Jumeaux (IdF), Gérard Onesta (Midi-Pyrennées), François De Rugy, Pascal Durand, André Gattolin…

Pour : beaucoup ; contre : 2 ; blancs : 5

 

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