Bilan en matière d’agriculture, selon Mathieu Calame

Bilan en matière d’agriculture, selon Mathieu Calame, directeur de la Fondation Charles Léopold Mayer

Dans le domaine d’action et d’expertise qui est le vôtre, quelle appréciation portez-vous sur l’action du gouvernement et de la majorité, et sur ce qu’il lui reviendrait d’engager en 2013 – 2014  ?

Stéphane Le Foll est une des rares bonnes surprises du gouvernement Hollande. Alors qu’il apparaissait comme relativement proche des milieux productivistes, il a, avec un discours mettant l’agroécologie au cœur de l’excellence française et le refus clair des OGM, entamé un changement de paradigme dans le discours qui n’est pas en soi négligeable. Il faut toutefois rester prudent car, pour l’instant, il faut attendre des actes positifs en ce sens et ceux-ci tardent alors qu’il aurait très bien pu entamer une réforme de la gouvernance des semences qui reconnaisse et autorise la sélection participative, ce qu’il s’est bien gardé de faire, ou une réforme de fond en comble de la fiscalité sur les produits polluants. Sa position sur la PAC a été « classique », c’est-à-dire que son objectif premier a été de sauver le « chèque » français quitte à laisser en second plan les questions sociales et environnementales. Ceci étant dit, comme l’accord actuel de la PAC conduit à une re-nationalisation (voir re-régionalisation) de la politique agricole, l’essentiel est devant nous : veiller à ce que les mesures nationales et régionales soient favorables aux pratiques durables. Il est à craindre que le discours sur la « compétitivité » dans un marché européen ouvert ne conduise au « moins disant » environnemental, alors qu’il est clair que la plus-value de l’économie agricole française, encore et toujours repose sur les produits de qualité et de terroir (vin et fromage).

 

 

Quelle est votre vision de la contribution éventuelle des écologistes, soit à travers leur participation au gouvernement soit à travers leur action parlementaire ?

En matière agricole, en dépit d’un travail fait en interne, EELV apparaît sans position forte. L’agriculture n’apparaît pas comme un thème stratégique pour EELV, sauf sur ce produit très particulier qu’est le cannabis. On aurait aimé qu’EELV fasse par exemple de la liberté de sélectionner ses semences (sur le modèle de la mobilisation contre Hadopi en informatique) un point de rapport de force avec ses alliés. C’est pourtant un thème beaucoup plus important en terme de liberté individuelle comme nationale. En fait, il semble que la direction actuelle des Verts se désintéresse de la question agricole et alimentaire. C’est dommage, car c’est un thème très porteur dans l’opinion.

 

Pour EELV : en cas de régionalisation, il faudra être capable de suivre, région par région, les mesures prises et de faire un palmarès des régions les plus agroécologiques afin d’inspirer les moins-disantes. Il serait important aussi que EELV resserre les liens avec ses alliés naturels, les agriculteurs et consommateurs bio et donne l’impression que le sujet est pour lui, central.

 

En matière de gouvernance :

 

Dans le domaine d’action et d’expertise qui est le vôtre, quelle appréciation portez-vous sur l’action du gouvernement et de la majorité, et sur ce qu’il lui reviendrait d’engager en 2013 – 2014  ?

En matière de gouvernance, la présidence Hollande apparaît comme un naufrage. Le gouvernement actuel se débat dans la contradiction que l’on ne peut être un président normal dans un régime tel que la Vème République, d’autant plus quand l’on a -avec le catastrophique accord Chirac-Jospin pour inverser les élections parlementaires et présidentielles- renforcé le caractère présidentiel du régime. Il faudrait :

  • soit participer à la dérive sarkozienne et toujours trouver un Sarkozy rose ou vert : un individu ambitieux, narcissique et manipulateur, système dans lequel les luttes d’appareil l’emportent sur les idées ;
  • soit construire une VIème République de nature fédérale (modèle allemand ou suisse).

Le résultat actuel est déplorable car il y a évidemment une contradiction flagrante entre les valeurs supposées être celles de « gauche » – émancipation des individus – et les valeurs de la Vème République : soumission et loyauté au « chef ».

En 2013-2014, si j’étais le gouvernement :

  • j’organiserais sur le reste de la mandature une dizaine de referendums annoncés à l’avance pour que les gens apprennent à voter sur la question et non pas pour ou contre le gouvernement, en commençant par des referendums gagnés d’avance, comme par exemple sur la possibilité du référendum d’initiative populaire, les OGMs, des référendums de dévolution en Alsace, Bretagne, Rhône Alpes, etc…, et en finissant par un référendum sur la VIème République.

 

Quelle est votre vision de la contribution éventuelle des écologistes, soit à travers leur participation au gouvernement soit à travers leur action parlementaire ?

La participation des écologistes semble nulle. Ce ne sont pas les écologistes qui influencent le système mais bien l’inverse. C’est normal d’ailleurs de mon point de vue de biologiste : c’est le système qui sélectionne les individus et non l’inverse. Plus le temps passe, et plus le profil des leaders écologistes ressemble à celui des autres partis : ambition personnelle, carriérisme… L’alliance avec les socialistes, utile à court terme, est délétère à long terme. En outre, les écologistes n’apparaissent plus comme porteurs d’un projet alternatif de gouvernance. Au mieux, nous pouvons donc espérer un jour un Mitterrand Vert et l’on sait ce que cela a donné : il a conforté la Vème au lieu de la réformer. Mais le plus probable est une évolution à la Radicaux de gauche. Que m’importerait d’ailleurs une victoire des Verts sur les socialistes, si seuls des détails infimes les distinguent encore ?

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