Rythme scolaires : le point de vue de Philippe Merieu

phmeirieu

Le rythme scolaire des enfants fait irruption au coeur du débat politique. Est-ce si important pour vous ?

 

C’est évidemment un sujet important, et pas seulement pour les enfants. Il interroge la société tout entière, notamment la vie des familles, les contraintes professionnelles et économiques, etc. Mais je crains que la focalisation médiatique sur la seule question des rythmes scolaires obscurcisse le vrai débat sur l’école, et que l’on oublie ainsi des questions plus fondamentales sur les contenus, les programmes scolaires, la finalité de l’école, la pédagogie, les rapports entre l’école et les familles…

 

Que pensez-vous de l’allongement de la pause de midi ?

 

Je n’y suis pas opposé en soi, tout dépend des activités que l’on fait. Si on fait deux heures de récréation ou du soutien scolaire au moment où l’attention des enfants est faible, cela n’a pas de sens. Si c’est du sport, il faut savoir si c’est avant ou après l’heure du repas. On ne peut pas définir le cadre sans voir le contenu. On ne peut pas remplir des plannings sans s’interroger sur la nature des activités proposées. Il y a un caractère absurde à la démarche qui est imposée aujourd’hui : au lieu de partir d’un projet éducatif pour les enfants, de s’interroger sur les activités qui lui seraient utiles et du moment où il faudrait les faire, on fige des cadres et, ensuite, on remplira des cases !

 

Vous préférez le retour au samedi matin travaillé ?

 

C’est un peu dommage de maintenir cette hypothèse uniquement sous forme dérogatoire car très peu d’écoles vont alors utiliser le samedi matin. La pause de deux jours durant le week-end fait que l’enfant se couche tard trois soirs de suite, les vendredis, samedis et dimanches. Il commence la semaine fatigué.

Il y a un deuxième argument qui plaide en faveur du samedi matin travaillé : beaucoup d’enseignants estiment que c’est un moment privilégié pour le rapport entre l’école et les familles. Car les parents ne travaillent généralement pas et sont moins pressés que les autres jours. Cela peut être l’occasion de contacts et de dialogues féconds. Ceci dit, je suis hostile à une formule unique imposée de façon jacobine.

 

Faudra-t-il raccourcir les vacances d’été ?

 

C’est indispensable. Nous avons trop peu de jours de classe et les journées sont trop chargées. La longueur des vacances d’été est un véritable obstacle à la continuité pédagogique. Le ministre s’est engagé sur le sujet et il semble déterminé. J’espère qu’il ne cèdera pas sous le poids des lobbies du tourisme et des autoroutes.

 

Certains s’inquiète des moyens qu’auront les communes pour instituer des activités péri-scolaires, avec notamment un risque de distorsion entre communes riches et pauvres. Etes-vous aussi inquiet ?

 

On peut avoir une double inquiétude : la capacité de financement des communes, et les compétences des personnes amenées à intervenir en classe, si on ne veut pas que ce soit de la garderie. Il faut que les communes travaillent avec les écoles et les associations culturelles, artistiques et sportives. Il faut une élaboration concertée de vrais “projets éducatifs locaux” impliquant les enseignants, les parents, les élus, les associations, le tissu artistique et sportif, les quartiers…

 

>Photo: Wikipédia

3 commentaires pour “Rythme scolaires : le point de vue de Philippe Merieu”

  1. Je suis en général d’accord avec les positions de Philippe s’agissant de pédagogie. Plus encore je lui suis reconnaissant d’avoir contribué par ses textes à mon apprentissage(plutôt apprentissage que formation…)du métier d’enseignant.
    Mais il m’arrive (heureusement)de diverger. C’est le cas concernant les « grandes vacances ». Je suis de ceux (dont beaucoup n’osent le dire)qui pensent qu’il faut les conserver.
    En effet un enseignant qui se donne totalement à son travail n’a plus beaucoup de temps pour apprendre lui-même. Et un enseignant est un ignorant par définition qui pour pouvoir enseigner ne peut jamais cesser d’apprendre. C’est la raison pour laquelle ces neuf semaines, non pas de « vacance » mais de « loisir » au sens grec (temps nécessaire pour apprendre et pour faire),
    sont indispensables (je sais, je sais, il en est qui en profitent pour ne rien faire, bon…).
    Et cela n’interdit nullement de raccourcir la « jounée des enfants ». En effet si l’ont dit souvent que nous avons en France la journée la plus longue, on ne dit pas assez que nous avons aussi le nombre d’heures le plus élevé (918 heures par an dans le primaire contre 680 en Finlande pays où les vacances d’été sont de 10 a 11 semaines et qui paraît-il ne s’en sort pas si mal).
    Ce qui signifie que mathématiquement il est possible de mettre en place des journées de 4h30 (ce que préconisent les chronobiologistes) de séquences que l’on dit parfois « contraintes » en aménageant la journée, la semaine et les « petites vacances » et en « refondant » la pédagogie que je définis comme « mode de vie dans l’école », la formation des enseignants (travail collectif) et la mission de l’école (doit-elle seulement être une productrice de « ressources humaines » sinon quoi ?). Et je me retrouve, je crois, d’accord avec les notions de pratique « coopérative », de « ville éducative », de « projet éducatif local, territorial » etc.
    Au fond je me demande si cette volonté assez partagée d’en finir avec nos « grandes vacances » ne correspond pas à une imprégnation idéologique des esprits par ce qu’il n’y a pas si longtemps on désignait comme « valeur travail », le terme travail connoté bien sûr comme souffrance, comme tourment. Alors que nous savons bien que si l’on a eu la chance de pouvoir « choisir » son travail il peut être source de joie, j’allais dire de jouissance, oui, pourquoi pas ?
    Mais alors le verbe « choisir » ne devrait-il pas entrer dans une nouvelle définition de la mission de l’école.

    Nestor Romero

  2. « il faut une élaboration concerté » exactement l’inverse de ce qui se passe actuellement et qui est vécu par les animateurs comme une destruction de l’éducation populaire!
    Animateurs qui sont pris de haut par les élus alors qu’ils
    des acteurs de terrain…

  3. Je suis institutrice depuis plus de 30 ans et suis très inquiète quant à la réforme des rythmes scolaires annoncée.J’ai travaillé dans 3 départements différents, donc avec des moyens si différents. Ministres, chronobiologistes dans leur bureau n’ont pas la connaissance de la réalité du terrain.De nationale(nationaux), il n’y a que les programmes, les conditions de vie des élèves et des enseignants sont différentes.Par exemple, dans le 92, des bibliothèques équipées avec bibliothécaire dans chaque école,un club échecs le midi, théâtre, des cars pour sortir… Faisant l’APE sur un temps de midi, j’observai furtivement les élèves sur le temps de midi en très grande récréation, trop grande récréation, et dire que l’on va prolonger ce moment et une seule salle pour accueillir tout le monde.Presque sous la pluie quand il pleut, sous le soleil quand il fait beau. Les animateurs font souvent ce qu’ils peuvent.Quel gâchis, dans quel état allons nous retrouver ces enfants pour travailler l’après-midi? Leur temps de vie en collectivité va être prolongé…Aidons les enfants, ils méritent mieux que ça (ce qui existe, ce qui est prévu).

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