Intervention de Joël Labbé sur les pesticides : « nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. »
Débat relatif au rapport de la mission d’information sur l’impact des pesticides
23 janvier 2013
Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Monsieur le ministre,
Madame la Présidente de la mission commune d’information, Madame la Rapporteure,
Chers collègues,
Tout d’adord, je tiens à saluer la qualité des travaux de cette mission ainsi que l’état d’esprit dans lequel elle s’est déroulée. C’était la première mission parlementaire à laquelle je participais.
Et s’il n’est pas indécent de parler de plaisir en évoquant ces sujets graves, je tiens à vous dire que j’ai eu du plaisir à participer à ces six mois de travaux. Cette première mission m’aura marqué, et cela définitivement et je ne serai plus jamais tout à fait tranquille tant que les recommandations majeures contenues dans ce rapport n’auront pas donné lieu à des mesures concrètes.
Pour autant je ne tiens pas à dramatiser la situation et surtout pas à stigmatiser la profession agricole parce qu’il est avéré que les plus exposés, les premières victimes, sont les agiculteurs eux mêmes et leurs familles.
Initialement, l’objectif de la mission était d’informer sur l’impact des pesticides sur la santé et sur l’environnement. Le seul volet santé était suffisamment dense et lourd de conséquences pour l’on décide de reporter le volet environnement. Il faudra pourtant que cet autre volet soit abordé rapidement.
Parce que les impacts néfastes sur l’environnement sont nombreux: pollutions des sols, de l’eau, impact sur les produits alimentaires, atteinte à la biodiversité -‐ les abeilles font aujourd’hui l’actualité, mais le plancton est également en danger et il est à la base de toute la chaîne alimentaire du milieu marin.
Cela dit, les recommandations issues de nos travaux représentent déjà un important travail d’évaluation de nos politiques publiques. J’ évoquerai celles qui me semblent majeures avant de parler de l’avenir : l’avenir du secteur agricole. Et de l’avenir plus immédiat encore en vous annonçant le dépôt prochainement d’une proposition de loi visant à encadrer strictement les utilisations non agricoles des pesticides.
Les constats de ce rapport sont clairs :
- – Sous‐évaluation des dangers et des risques présentés parles pesticides.
- – Nécessité d’améliorer la procédure d’autorisation de misesur le marché de ces produits et d’en assurer le suivi.
- - Faiblesse des équipements de protection.
- - Limites du modèle agricole productiviste actuel basé surl’agrochimie industrielle modèles et des pratiques industriels.
- - Inefficacité du plan écophyto 2018.Concernant les mesures préconisées dans le rapport, j’en citerai quelques unes majeures :
-‐ encadrer plus strictement les autorisations de mises sur le marché, exiger des firmes qu’elles fassent des tests sur les effets cocktails des produits qu’elles souhaitent commercialiser et qu’elles engagent leur responsabilité sur les équipements de protection individuelle adaptés spécifiquement à leurs produits.
- -‐ Taxer lourdement les pesticides car il convient de prendre en compte les externalités négatives de pesticides: dépenses de santé et dépenses liées à la rehabilitation de la qualité de l’eau notamment.
- -‐ Lever les blocages sur les préparations naturelles peu préoccupantes non brevetés.
- -‐ Se donner les moyens de relancer véritablement le plan écophyto 2018. Rappelons que de l’ambition de départ de diminuer de 50% leur utilisation, nous constatons ces deux dernières années une augmentation de 2,4%. On ne peut aujourd’hui que faire un constat d’échec.
- -‐ Donner des réels moyens à la recherche publique notamment sur l’agriculture biologique et l’agroécologie
mais plus globalement sur les pratiques agronomiques durables.
Enfin soutenir et accompagner la filière agricole biologique, qui, elle, joue un rôle de précurseur puisque pratiquant déjà l’agro-‐écologie, nouvelle grande cause nationale.
Ce rapport, s’il n’est pas un réquisitoire à charge contre les pesticides et les firmes qui les produisent, démontre cependant objectivement les risques de ces produits pour la santé humaine.
Cancers spécifiques, leucémies, maladies respiratoires, perturbations endocriniennes : on peut le dire, les pesticides sont des poisons. Récemment la maladie de Parkinson a été reconnue officiellement au tableau des maladies professionnelles dans le régime agricole de la sécurité sociale, et enfin, plusieurs avis convergent pour suspecter des liens entre l’utilisation des pesticides et la maladie d’Alzheimer…
Les faits sont suffisamment graves pour que nous ayons pleinement conscience de notre propre responsabilité de parlementaires : nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
Nous avons à travailler pour l’avenir, et en 2013, il s’agit de la loi d’avenir agricole qui est annoncée pour cet automne. J’ai pu constaté votre engagement Monsieur le Ministre notamment lors de cette journée organisée sous l’égide du Ministère et intitulée agricultures, produisons autrement.
La notion nouvelle d’agro‐écologie était très présente, et vous avez délaré vouloir faire de la France le leader européen de l’agro- écologie. On ne peut qu’applaudir et nous vous soutiendrons avec force et conviction et il en faudra tant est bien organisé le lobbie de l’agriculture agro-‐chimique qui tente lui aussi de récupérer ce vocable nouveau.
Cependant, ne nous méprenons pas, l’ago-écologie n’est véritable que si elle diminue drastiquement l’utilisation des intrants, en particulier des pesticides. Alors l’ambition de devenir leader européen, oui, mais pour le moment, nous sommes leader européen de l’utilisation des pesticides. C’est dire si l’on va partir de loin, mais
malgré tout, si en 2013 nous devenons leader européen de la volonté de transition, nous serons sur la bonne voie. J’aime bien la citation de Mark Twain : « ils ne savaient pas que c’était impossible, alors, ils l’ont fait ». Alors ensemble, on va le faire.
Pour conclure, je vais évoquer un avenir plus immédiat en vous annonçant le dépôt prochainement d’une proposition de loi.
Partant des recommandations du rapport sur les usages non- agricoles des pesticides et considérant que les pesticides sont des produits toxiques et dangereux. Considérant que les collectivités se doivent de montrer l’exemple, cette proposition de loi visera notamment à interdire l’utilisation des pesticides sur l’ensemble des espaces publics, à partir de janvier 2018.
Ce texte visera également à interdire la vente au détail des pesticides aux particuliers.
J’espère, j’espère vivement, que cette proposition de loi rencontrera l’appui du gouvernement et un echo favorable auprès d’une grande majorité d’entre vous. Après le vote à l’unanimité des recommandations du rapporteur, je suis confiant.
L’un des pères de l’agro-écologie, Pierre Rabhi le dit ainsi nous devons « prendre conscience de notre inconscience » pour agir au nom de l’intérêt public, au nom aussi du respect des générations futures. Je crois que ce rapport est une étape importante dans cette prise de conscience.