Au Guatemala, le prix à payer pour notre société energivore

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On aurait pu espérer que l’épuisement des ressources et le réchauffement climatique provoqueraient une prise de conscience de la nécessité de repenser notre mode de développement. Doha a montré qu’il n’en était rien. Et ce qui se passe en Amérique latine et particulièrement au Guatemala l’illustre cruellement.

On assiste au contraire à une intensification de l’activité extractive : ces industries(pétrole, nickel, cuivre, or, etc…) sont prêtes à tout pour profiter jusqu’au dernier gisement des dernières ressources dont la raréfaction fait monter la côte. S’y ajoute la production d’agro-carburants ; les mêmes, ou leurs cousines, achetant à bas prix ou chassant par la force ( jusqu’aux assassinats) les communautés indigènes1 , remplacent les cultures vivrières par la palme africaine, obligeant les populations à rejoindre les miséreux de villes2 .

On connait trop les conséquences de cette fuite en avant sur l’environnement et la santé des habitants : déforestation, appauvrissement des sols, pollution de l’air et de l’eau dues aux méthodes extractives, maladies … et, parfois, militarisation !
Au Guatemala, une entreprise pétrolière franco-britannique, Perenco, qui exploite depuis des années le pétrole dans des conditions plus que suspectes, en procès avec la population, est protégée par l’armée3. Les populations ne peuvent compter sur la législation, ni sur le gouvernement aux mains d’une oligarchie liée aux grands groupes, ni même sur les partis politiques, discrédités car très corrompus. Et l’audience du parti vert Guatemaltèque ne lui permet pas de contrecarrer l’énorme défiance que connaissent, à raison, les partis politiques.
Mais la dégradation de leurs conditions de vie, accentuée par le changement climatique, déjà sensible dans ces régions ( l’alternance de sécheresse, de pluies diluviennes, de cyclones destructeurs s’ajoutent aux habituels tremblements de terre et éruption volcanique) est telle que les oppositions et les manifestations se multiplient. Ces mobilisations permanentes sont surtout le fait des communautés indigènes4 qui subissent de plein fouet la détérioration de leur environnement et de leur mode de vie.

Notre soutien est donc fondamental. Il est indispensable que des lois internationales encadrent ces industries. C’est le projet Itie initié par l’Union Européenne, ainsi que de la loi votée aux USA il y a peu. Mais ce devrait aussi être le fait de lois nationales obligeant les entreprises originaires à respecter des règles sociales et environnementales et à refuser la corruption. Nos parlementaires nationaux et européens, notre ministre du développement œuvrent heureusement dans ce sens.

Une autre question se pose. L’exemple du Guatemala, s’il est sans doute un cas extrême en Amérique latine ( l’un des pays les plus pauvres, assurément), n’est pas unique. Partout en Amérique Latine, et surtout au Pérou, en Équateur, au Brésil mais aussi à St Domingue, les multinationales ( principalement canadiennes, étasuniennes, espagnoles, anglaises…) font pression pour obtenir à n’importe quel prix concessions et autorisations d’exploitation. Et si les populations résistent, les gouvernements, même quand ils ne sont pas complices, ont du mal à résister à ces sirènes dont ils tirent souvent leurs principaux revenus. C’est le cas de Corréa en Équateur, dont le gouvernement a lancé le projet Yasuni 5 , mais qui s’apprêterait à accepter d’autres forages afin, dit-il, de continuer son programme social de redistribution ( santé , éducation…).

Or, cette course effrénée vise à préserver notre mode de développement énergivore et suicidaire. Qui participe à la destruction irrémédiable de l’environnement, à des pollutions insupportables, et à un réchauffement climatique insoutenable. Il est donc indispensable d’y mettre fin . Et comme il sera nécessaire d’ arrêter à plus ou moins court terme toutes ces exploitations minières, il va être tout aussi nécessaire de permettre aux pays dépendants d’assurer leur transition vers un développement autonome et décarboné.

Devrons nous approfondir, pour cela, la notion de « dette écologique » ? Promouvoir des procédures de compensation internationale sur le mode du projet Yasuni ? Il nous faudra en tout cas nous confronter ensemble à cette réflexion sur des intérêts apparemment divergents. Si nous voulons sauver notre maison commune.

Françoise Alamartine – 17 Décembre 2012

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